10.10.09

Marronnier assumé

Quelques clichés sur l'automne...
C'est le chic des clics de saison chez Jathénais et Gilsoub.

Celle que j'envoie à la votation, c'est celle-ci :


Mais, les photos, c'est comme les châtaignes, c'est bien aussi quand il y en plusieurs.
Alors, je vous en mets d'autres, mais n'oubliez pas de passer voir celles des copains. Y en a déjà des superbes.


Mauvaise fille 2

Le Sénat viens d'interdire les portables à l'école.
Les élèves qui renonceront à envoyer des SMS en cours durant toute leur scolarité se verront offrir un I°phone en fin de troisième.

9.10.09

Mauvaise fille.

Tiens, je vais faire ma mauvaise et rajouter un reproche au concert de ceux qui entourent Fréderic Mitterrand : sa méconnaissance des infinies ressources de la Francophonie.
Plutôt que de prétendre que ses gosses avaient 40 ans, ce qui peine à convaincre ceux qui n'ont pas, a priori, le désir d'être convaincus, pourquoi ne s'est-il pas défendu en prétendant que ce passage avait été écrit en référence à son amour du Canada?

Là-bas, la fascination pour les gosses est tout à fait admise.


Ça lui aurait au moins permis de prouver qu'il a possiblement des compétences comme Ministre de la Culture.

7.10.09

Le ruban de Moebius.


Vers l'âge de six ans, je cédais à la demande latente qui m'entourait, et j'acceptais d'apprendre à lire.
J'ai écrit, ici, ce qu'il est advenu ensuite, comment les mots ont irrigué mon paysage, sans aucune symétrie, sans plan préparé, sans autre constance que la variété de leur présence.
Ai-je fait une si bonne opération?
Finalement, rien n'est moins sûr.

Car, à coté de cette topographie, j'en ai construit une autre, encore moins systématisée, encore plus déroutante. J'ai rencontré des gens. Des milliers. Moins qu'un employé de la SNCF, mais plus longtemps. Différemment. Et puis, j'ai tenté, et parfois réussi à en aimer.
Alors, vous, moi, nous, les gens, les mots, les brèves et soulageantes remises en ordre de notre chaos, c'est ma mine quotidienne, mon chantier indiscutable, ma tâche de technicien de minuscules surfaces.
Et au fil du temps, quelque chose, dans cette histoire qui, partout et tout le temps, nous pousse à raconter des histoires, a fini par émerger : une désolation secrète que nous soyons si bien fait pour écrire et si peu habiles avec les mots qui aident à vivre.

Et pourtant...
Et pourtant, aucune littérature, même la plus ricanante, la plus outrancière, la plus sanglante, celle dont la lecture vous met le cœur au bord des lèvres et une infamante excitation au creux du ventre, aucune littérature ne peut rivaliser avec l'économique efficacité de la vie .
Là où le livre, toujours, aura besoin d'une machinerie coûteuse, de contreforts péniblement visibles, d'un surcroît de perversité, la vie s'en tirera avec deux personnes, ou trois selon le type de tragédie, et de rarement plus de deux sentiments, le désir et la terreur en grands favoris.

D'où vient que nous terminions souvent le livre, quitte à le jeter, mais que nous nous esquivions si poliment devant le malheur des autres, avec sa crudité, son odeur de chair vive, son poids tout à coup si réel à portée de notre main.

Nous éludons. Avec plus ou moins d'élégance, selon son éducation et son degré d'intimité, mais si souvent, avec une pauvreté de commentaire, une platitude que nous ne supporterions pas pour notre divertissement.

Sur le papier, nous avons la réplique splendide, le geste d'une folle pertinence. Nous séchons les larmes du bout des doigts, nous ouvrons les bras dans l'idéal tempo, nous déchirons les secrets de famille sans trembler et regardons le pus s'écouler sans en être tachés, nous savons pratiquer des abandons définitifs et ouvertement libérateurs et nos lâchetés mêmes se sauvent d'être si précisément inscrites dans le décours de l'histoire.
Comme nous savons prendre soin de nos personnages! Combien nous sommes patients, respectueux, tous, lecteurs et auteurs confondus. Combien nous nous soucions, au travers des mots écrits ou lus, de leur permettre d'accéder à leur intime vérité; avec quelle force, quitte à rater le repas du soir, nous les encourageons à tenir, ligne après ligne.
Vous voulez comparer avec ce que nous réservons à nos proches, aux plus aimés de nos proches?
« tu sauras ça plus tard. »
« Non, rien. »
« Ecoute, on en reparlera ».

Ai-je fait une bonne affaire? Avez-vous, gens que j'aime si mal, si imparfaitement, fait une bonne affaire avec moi qui lit si bien, qui apprécie en artiste, le tombé d'une phrase et le silence qui suit?

(Toujours, j'ai rêvé de déchirer le ruban de Moebius, rêvé d'un geste ou d'une parole sublime, dont je garderai, tout au long de mes jours, le souvenir et le pouvoir consolant d'un poème enfin chair.)


(C'est la vie, hé.)


Je vous laisse choisir, à votre gré, la fin du post.

5.10.09

Apparences


J'ai jeté hier l'un de mes soutiens-gorge préférés.
J'ai un petit regret.
Je l'avais acheté juste avant une première rencontre avec un blogueur. Ce n'était pas un rendez-vous galant. (Quoique...) Mais j'avais très envie de l'apprécier et finalement, on aime mieux quand on se sent jolie.
Je l'aime vraiment beaucoup, mais ce dessous a fait son temps. Pas de regret, prenons le dessus.

Et ce matin, j'ai mis des boucles d'oreilles parce que j'avais rendez-vous avec une petite fille triste.
Je ne sais pas si les patients savent qu'on les portent ainsi dans la tête, longtemps parfois avant l'heure du rendez-vous.
Il faut juste, quand la porte s'ouvre, faire taire la petite voix avec laquelle on leur parle et se souvenir qu'il faut, d'abord, écouter.

Je croyais aussi ce matin, en voyant, par la fenêtre, le ciel gris et les arbres secoués de vent qu'il ferait froid. L'air était doux, velouté, presque alourdi par la mer. Comme si l'on vous posait un châle sur les épaules dès que l'on sort.

Trois petites bornes qui ont tenu éveillée ma journée.

4.10.09

Sortie de toiles.

(T'sé, tu peux toujours cliquer pour élargir.)

Dimanche, les artistes ouvrent leurs ateliers.
Sur l'étendage déserté, les araignées
ont mis leurs toiles aux enchères.

Pfff, j'en ai déjà plein chez moi.


Et, puis je suis passée (entre autre) chez Anh Gloux et Catherine Glaye, qui forment, avec Patricia le Merdy, les Quatre Sardines. Oui, toutes les trois.
Belle rencontre concarnoise, courtoise, matoise et framboise. Il y des iles, des gens qui s'enlacent, des pieuvres superstitieuses qui croisent les tentacules, des phares et même des dessous chics.

2.10.09

T'artagueule à la récré.


Ce matin-là, Z décida de ne ne pas se lever.
Comme ça.
Peut-être parce qu'il avait un peu trop fumé la veille. Parce que rien, finalement, dans cette journée, n'avait de quoi le hisser hors de son cocon de demi-sommeil. Parce qu'il faisait gris. Parce que ça faisait un moment que tout ça s'effilochait.
Il se promit, vaguement, que demain ça serait différent. Ouais, demain j'arrête de faire le con, faut quand même.
Z. bailla, pas méchant. Gentil par intermittence, feignant souvent, largué presque toujours. Pfff, quelle prise de tête.

C'est donc vers seize heures, que Z. se leva. Alors que le quartier connaissait l'un de ses pics d'animation, parce que les mères se préparaient, en groupes bavards, à aller chercher les petits à l'école.
Les grands, eux étaient déjà sortis. Le proviseur du lycée savait organiser ses emplois du temps. Sauf pour les options choisies par les élèves, maintenir une heure de cours le vendredi de 16 à 17h, c'était s'exposer au triple d'emmerdements à la vie scolaire le lundi matin. Entre les absents et les incidents, on y passait la matinée.

C'est pourquoi une bonne partie de la seconde se retrouvait là, sur le parvis, quand Z. se décida à sortir de chez lui.
Ils l'attendaient, en groupe compact, dur, hostile. De bons élèves, de ceux qui avaient parfaitement compris le jeu social. Ceux qui acceptaient la part de contrainte.
Ceux qui avaient fait alliance avec le monde adulte et en avaient accepté les valeurs.

Ils entourèrent Z.

"Tu nous dois dix briques. Alors, maintenant, tu payes."


Voilà, c'était ma réaction à chaud à l'idée abjecte de donner une prime à une classe pour lutter contre l'absentéisme des élèves.

Une classe n'existe pas. Ce n'est qu'une construction artificielle, temporaire et qui n'existe que par la commodité administrative. Une société, par contre, ça existe et le message ainsi transmis est... d'une violence cachée qui me suffoque.
Ceci étant, j'aurais pu vous pondre un truc sur la récente déclaration de Vanneste ou sur l'indécence des réactions de nos politiques aux faits-divers de la semaine.
Même arrière-goût.
A moins que, merde, ce ne soit qu'un avant-goût.

27.9.09

Sourdine


Cet après-midi, l'eau était transparente comme un ruisseau de montagne, guère plus froide qu'en Aout. Elle était bleue à l'Est. A l'Ouest, son éblouissant gris de lame rendait les baigneurs et les rochers d'un noir profond et faisait plisser les yeux.

Est-ce mon dernier bain de l'année?

En rentrant, j'ai écouté la Rue Kétanou. C'est toujours un plaisir. Et une nostalgie. Cet été a réveillé un très ancien désir des mots qui consolent. Comme je comprend l'envie toujours vivace de mettre une chanson au cœur, sans plus qu'en passant.
Je chante si mal que j'en fais une menace plaisante à celui qui sert me un verre en trop. Mais je chante mal comme on est laid : en sachant bien qu'au fond, tout au fond de soi, il y a forcément quelqu'un d'autre, un être sublime et méconnu qui a échappé à la malédiction de la fée. C'est juste qu'on attend une autre vie pour le montrer.

D'ailleurs, moi, en vrai, je suis longue, brune, je déchire un accordéon trash-guinguette et je vous arrache des larmes et des embruns au ventre. J'ai une très longue jupe effrangée et le soir, je cueille, dans les plis, les émotions que j'ai chalutées en vous effleurant comme pour jouer.

Jusqu'à ce que j'éteigne la chanson.

Un beau dimanche, clair et un peu vain.

25.9.09

Partage.


Hier, elle est venue avec un panier plein de poissons magnifiques. Puis elle est repartie.
Ce matin, il est passé déposer un plat d'étrilles, ces petits crabes rouges et si délicieux à gratter. Puis, il est reparti.

Aujourd'hui, ce sont mes amis qui m'ont nourrie.

Pour eux, c'est sans doute un geste presque banal. Un peu plus qu'un geste de voisins, parce que l'amitié qu'ils nous montrent est sans feinte, mais rien, pour eux, qui doive faire mention.

Et pourtant, c'est bien plus que l'offre d'un repas en commun, bien plus qu'une civilité. Je mange, ni en invitée, ni en hôte, je mange à l'intérieur d'un cercle, je mange en partage.

Je pense à deux amies* qui très récemment, ont écrit des billets émouvants sur la difficulté qu'il y a, parfois, à se sentir une place au monde.
Je songe, devant mes crabes cerises, que fille de divorcés et petite-fille de migrants, il n'y a guère d'endroit dont je puisse revendiquer cette possession partielle fondée sur le souvenir et sur l'ancien usage. Nulle maison de famille, nuls greniers, nul ami d'enfance.
Cette pêche, donnée comme en passant, me rattache doucement à ceux des miens qui ont connu, il y a longtemps et loin, un village tissé de ces gestes entrecroisés.


Je mange avec plus que du plaisir. Je mange avec une émotion qui dessine la nostalgie d'une terre nourricière, d'un clan, d'une mère aussi, sans doute. Liens de sel et de sens.


Je mange et je rêve, avec étonnement, à l'imparable justesse avec laquelle, en peu de temps, en peu de mots, elle et lui sont devenus gens que j'aime, comme si j'étais d'ici depuis toujours.
D'ailleurs, à y regarder de près, les poissons, c'était bien des lieux.



* Ici et puis là.

23.9.09

T'as voulu voir Anvers




"-Et c'est tout?
-Bah, oui.
Même pas un p'tit cliché de Vesoul?
-Bah non.
-Ben quoi?
-Ben j'ai la flemme et pis c'est tout.
-Meheu?
-Mais rien du tout, et si tu continues à m'embêter, j'appuie sur delete et toi, t'auras disparu.

Non mais, c'est qui qui commande ce blog? Mon surmoi ou moi?

18.9.09

Conversation entre Miss Bibi et La Clandestine

Miss Bibi : "Ah, je voudrais être un chat! Tu dors toute la journée, tu vas pas à l'école, tu te lèves juste pour des croquettes et des câlins."

La Clandestine : "Oui. Mais t'es obligé de te lécher le c*ul."

Miss Bibi : (blanc)

16.9.09

Défendre la défenseure des enfants


Encore un mauvais petit coup en douce.
Madame Versini, défenseure des enfants vient d'apprendre que son poste serait-non pas supprimé, cela aurait fait trop mauvais effet- mais fondu dans un poste général de Défenseur des Droits.

Elle paye indéniablement d'avoir énoncé que la mise en rétention d'enfants sur le territoire français est un scandale pour un pays promoteur et signataire de la Charte pour Les Droits de l' Enfant.

Ne vous laissez pas abuser par cet hypocrite semblant de maintien. Chaque fois qu'on a dilué la spécificité de l'enfant, on a perdu l'écho de ces voix toujours minuscules. Parce que parfois contraire aux besoins immédiats des adultes.
C'est ainsi que cela s'est passé dans tous les territoires où les médecins ont cessé d'être des médecins de prévention maternelle et infantile, pour devenir des médecins territoriaux occupés tout autant de la prestation dépendance du sujet âgé que de la consultation nourrisson. Tout ce qui mettait un peu de liant, toutes les actions ouvertes, solidaires autour de la périnatalité se sont cassé la figure.

C'est ce qui risque de se passer avec la suppression d'une justice spécifique pour les mineurs.

Il faut, absolument, défendre la Défenseure. Pas la dame, son poste. (Oui, c'est entendu, Madame Versini est huempé, mais là, on s'en fout.)Elle est parfois le seul recours devant des situations inextricables, quand les institutions sont devenus sourdes, quand chacun a ses raisons qui volent comme des missiles au dessus de la tête des enfants qui n'y peuvent mais.

Ecrivez à vos députés, à vos sénateurs, faites du barouf, mais voilà encore un trait de plume qu'il faut suspendre.

(Tiens, au fait, dans le même genre, la psycho scolaire avec qui je bosse s'est vu intimer l'ordre de ne plus aller dans 4 écoles de mon secteur. Plus de prise en charge par les réeducateurs, plus de suivi ... you-pi.)

15.9.09

on avait detesté pour vous

M'sieur Baissons-nous-toujours-plus-bas vient de refuser de signer le décret sur les tests ADN.
Est-ce à dire que ce décret était non seulement révoltant, insultant, dangereux, mais aussi inapplicable, coûteux et inutile?

Ma foi, ça fait un petit moment qu'on leur dit.

Personnellement, je suis ravie de les voir se bouffer le nez.
Et ravie de voir que, finalement, un fonctionnaire peut désobéir à quelque chose qu'il trouve, non seulement coûteux, inapplicable et inutile mais également dangereux, insultant, voire révoltant.

14.9.09

Balade en Cap

Il est assez peu probable que vous passiez, un jour, au Cap-Sizun.
Le jour où vous découvrirez cette encoche de terre dans l'océan, ce ne sera pas par inadvertance. C'est trop loin, bien trop près du bout pour que ce soit l'effet du hasard.

De ce paysage, peut-être?


Et puisque vous l'aurez voulu, décidé, puisque vous aurez envie de beau, pourquoi n'iriez-vous pas voir les Rouille-Gorges?

Ils sont cinq, actuellement, cinq artistes, sculpteurs, plasticiens, monteur d'image et photographe à s'être installé dans cette campagne de Beuzec, si proche de la mer sur trois cardinaux.

Parfois, ils se déplacent pour une hilarante et poétique fête foraine. C'est comme ça que je les avais découvert, il y a cinq ans. Pensez-donc : la caravane est en forme de baleine, la balançoire est un thon fuselé et j'ai gagné à la course de poissons-rouges.





Il y a de la rouille et de l'acier, des ordinateurs et des sténopés, des nuages et des marabouts, un violon dans le crocodile et les délicates structures d'Annelise Nguyen


... pour lesquelles j'aurais volontiers craqué, si le percepteur ne m'avait malheureusement pas écrit juste avant.

Je vous ai mis quelques photos pour vous donner envie.



Par contre, je n'ai pas eu le temps de photographier la sublime crêpe qu'on m'a servie à la crêperie du Cap à Plogoff. J'ai dû la manger au 1/125° de seconde.

11.9.09

Des fois, j'habite dans une carte postale.

Et des fois, c'est dans un Turner.

On peut toujours cliquer sur l'image pour voir plus grand

Une autre photo ici, pour ceux qui veulent.

10.9.09

Et paf, ça fait des chocs à pic.


P., je l'ai connu pire que tout petit.
Je l'ai connu rapetissé, pas fuyant, non, mais assis, trop sage dehors, éperdu dedans, rétréci de ne comprendre le monde que par bribes.
Sa surdité, non connue malgré sa profondeur pourtant importante lui faisait le regard stupide, la réponse à côté de la plaque et le sourire gentil, éternel, en bannière plaquée.
Enroulé autour de son sternum pour tenir encore moins de place.
En fin de CE2, ça devenait pour le moins urgent de l'appareiller. Je n'ai pas eu d'autre mérite que d'être là, à faire de la routine. Ces gamins à l'ouest, d'abord, bêtement, je leur regarde le bout de l'oreille et cette fois-ci, je me souviens que j'avais changé les piles de mon vérificateur, parce que là, à ce stade, ça ne me paraissait pas possible. Qu'il ait survécu dans l'école sans avoir eu la tentation de taper tout le monde ou de fuir définitiveemnt me semblait tenir du miracle

Je venais d'arriver et, tout à la fois parce que l'histoire était grosse et parce que c'était l'un de mes premiers lancers de filet dans ce coin de mer, celui-là, je m'y suis attaché. Professionnellement, mais pour de vrai, avec, à chaque fois, un petit coin de vrai plaisir à le rencontrer.

L'appareillage lui a donné une claque, dans tous les sens du terme. Tout à coup, il pénétrait dans un univers de sollicitations presque insupportable. Les premiers temps furent douloureux pour tout le monde. Il n'avait pas d'autre défense que la colère devant l'envahissement soudain de la sensation sonore dans son monde. Et ses parents ne reconnaissait plus l'enfant qui disait oui à tout.

Et puis tout est rentré dans le calme et les consultations sont devenues un régal. Dès lors que son sens de l'observation pouvait lui servir à autre chose qu'à sa simple survie, il s'est montré d'un humour très vif et tout à fait généreux avec les adultes qui n'avaient rien compris à ce qui lui arrivait.
Ce n'était pas encore un monstre d'expansivité en public et on a tous eu un serrement de cœur juste avant son passage en sixième, mais enfin, il y est allé bravement avec son énorme cartable et un beau projet personnalisé.

Si je vous raconte ça, c'est que je l'ai entraperçu l'autre jour. L'a ben dû prendre une douzaine de centimètre, deux octaves et goût à pêcher autre chose que les bigorneaux, et il riait avec sa gang, de ce gros rire qui vous ferait désespérer de l'espèce humaine entre 14 et...
Mon vilain petit canard est devenu un parfait grand couillon.

Il a fait semblant de pas me reconnaître.
Ptit con.
J'ai rien dit, j'ai gardé ma lèvre supérieure rigide et je suis passée.
Ptit con.
L'adolescence de mes enfants, ça suffit pas? Faut encore se faire celle des patients?*

Pinaise, qu'est ce que je suis contente!


* la réponse est : oui, dans le meilleur des cas.
D'autant que dans le cas de celui-ci, il est tout à fait vraisemblable qu'il devienne, après ça, un adulte adorable.

Ah tiens, ça c'est une surprise.

L'ami Brice, d'après le monde, aurait été surpris en flagrant délit de communautarisme.

Pourtant, un homme aux idéaux aussi élevés...

8.9.09

mal archivée




Faut bien dire
je gagne souvent
à n'être pas connue.
Oh!
inutile
de retourner mes poches
d'épier le pli de mon coude


Je n'ai pas de secret

Mais sous le regard
je m'alourdis
Je m'assagis

pour faire bonne fille
plus que bonne figure

Vous auriez dû
me laisser sur la route
libre et si peu méchante

je vous aurais griffé
juste un peu mordu peut-être
Mais c'est ce que je fais de mieux
cette trace délicate
d'une morsure
au milieu d'un poème forain

Et puis quoi!
vous vous en seriez
si bien remis
n'eut été cette faim
mal archivée
Ce besoin
de scruter l'horizon

2.9.09

Le grand roman de l'hygiène à l'école.

Le commentaire se S@rah sur le post précédent me donne envie d'aborder ici l'un de mes grands sujets de fascination perplexe : les rapports profondément tordus que l'Ecole entretient avec la question de l'hygiène.
L'enseignement de l'hygiène a été consubstantiel à la création de l'école. On peut même dire qu'il en a été la religion laïque. Avec l'Alcool dans le rôle du Malin, la scoliose et l'orientation gauchère comme péchés capitaux et le Crachat comme blasphème.
Il y eut, dès le début, des médecins aux portes des écoles. Dans les Ecoles Normales d'Instituteurs, l'enseignement de l'Hygiène allait de pair avec la Science Naturelle (Pour les instituteurs) et avec la Morale et l'Economie Domestique (pour les institutrices). La circulaire de 1905 qui en atteste précise que le programme en est le même pour les teurs que pour les trices, à l'exception du cours sur les maladies vénériennes, qui, chez ces dames, sera remplacé par un cours de puériculture. (Seuls les messieurs attrappent la chtouille, c'est bien connu.)

Ah, la belle époque! La belle ferveur! Les beaux textes! Ferdinand Buisson avec nous!

ART. 18. — Toute école maternelle devra être munie de privés distincts pour chaque sexe et d'urinoirs pour les garçons.
Les privés et les urinoirs seront mis en communication par un abri avec le préau.

ART. 19. — Les préaux seront disposés de façon que les vents régnants ne rejettent pas les gaz dans les bâtiments ni dans la cour.
Ils seront divisés par cases. Il y aura une case pour quinze enfants environ.
Chaque case aura 0m, 55 de largeur sur 0m, 80 de profondeur.

ART. 20. — Le siège sera couvert d'une lunette en bois. Il aura une hauteur d'environ 0m, 23 et sera légèrement incliné en avant.
L'orifice, de forme oblongue, aura environ 0m, 20 sur 0m, 14. Il ne sera pas à plus de 0m, 05 du bord.
La cuvette sera munie d'un appareil obturateur.


Je sais bien qu'on ne peut se fier aux textes pour juger de la préoccupation réelle d'une population au sujet d'un fait. Ou plus exactement, on peut parier que le nombre de textes, en pédagogie comme en matière législative, est inversement proportionnel à son taux d'observance par la population. Moins ça va de soit, plus y a de papier pondu sur le sujet. Par exemple, il y a beaucoup plus de textes sur la nécessité de coucher les enfants sur le dos que sur les inconvénients de les pendre par les pieds.

Donc, tout n'était pas si rose, sans doute, dans les écoles du début du siècle. Mais, si l'on regarde ce qui reste des bâtiments anciens, leur hautes fenêtres, leurs arbres, leurs cours largement dimensionnée pour le nombre d'élèves de l'époque, les toilettes, une pour quinze enfants... l' ardeur militante de la Laïque lui a quand-même fait mettre le prix.
Au moins pour un moment, l'Ecole ne s'est pas seulement préoccupée de dire l'hygiène. Elle s'est sentie, pour le meilleur et le pire, tenue de l'incarner.

A quel moment ça s'est mis à foirer?

A quel moment, on est parvenu à un degré de civilisation tel qu'il devient inimaginable d'autoriser des enfants à se laver les mains après s'être mouché?

A quel moment s'est constitué cette particulière névrose française autour du papier-cul dans les écoles?

Toutes les actions participatives de prévention ayant pour thème la santé, l'estime de soi, l'école bientraitante ou la citoyenneté commencent, à la minute même de l'ouverture de la boîte de Pandore, par ce cri du... coeur?
"Y a jamais de PQ!"
Auquel répond immédiatement le cri de l'autre partie :
"Y en aurait si vous ne jouiez pas avec!"

Parfois, un tiers désolé, désabusé ou rigolard tentera de glisser:

"Peut-être que s'il y en avait depuis toujours et pour toujours, ILS ne joueraient pas avec..."

Les écoliers européens ont-ils subi des modifications génétiques qui rendent accessoire la question du gaspillage de PQ?

Depuis que je fais ce métiers, j'ai toujours vu des écoles qui me demandaient de parler d'hygiène dentaire. Jamais des écoles qui offraient la possibilité de se laver les dents à la cantine. D'équilibre nutritionnel quand bien même, le meilleur moyen d'avoir des sous pour le voyage annuel, c'est de vendre des gâteaux. Et j'ai bien sûr eu, pour venir parler d'hygiène corporelle aux enfants, des demandes énoncées dans des salles des maîtres pleine de cendriers débordants et de tasses au pourtour suspect.

La grippe qui vient est une grippe, pas la peste noire, heureusement. Ça va être un beau foutoir, parce que nous sommes sans défenses anticipées et parce que nos sociétés follement complexes vont se retrouver désorganisées par l'indisponibilité de 30% de leurs membres.
Un foutoir, mais pas non plus une hécatombe.
Sagement, nous allons essayer de diminuer le nombre de virus circulant, avec des moyens simples et qui, bonne nouvelle, nous serviront aussi pour la grippe saisonnière et la gastro-entérite.

Si au passage, on médite sur :
-le nombres de gens qu'on emploie pour faire le ménage, essuyer de temps en temps les poignées de porte et recharger les dévidoirs,
-le bénéfice qu'il y aurait à ne plus s'exciter sur la question "un enfant peut-il sortir de classe se laver les mains sans déranger le service juridique du Ministère de l'Education Nationale?"
-et si on se met à considérer que diminuer de 50% les constipations opiniâtres et les infections urinaires par rétention est un acquis sociétal aussi important que le Bii,

alors, cette campagne, pour ce qui est de ma propre religion, c'est pain bénit.

31.8.09

Figures imposées.

Décidément, je suis inapte aux figures imposées.
Pas rétive,non : j'ai beaucoup affecté de l'être pour masquer une véritable impossibilité à tenir longtemps un canevas à l'avance établi.
Je m'y empêtre, la langue s'alourdit, la poussière se dépose, les cartes se perdent.
Il faut et je soupire. Il faudrait, le remord pointe et je prend le premier chemin traversier.

VOYAGE


Voilà que ce récit de voyage s'étiole, alors même que le voyage lui même continue son sillage enfoui, qu'il en remonte encore au fil des semaines, d'étranges fleurs, figures libres d'un souvenir en train de faire mémoire, en s'agrégeant comme naît l'atoll, de proche en proche, de loin en loin.
Peut-être aussi que ce qu'il y a à partager de ce voyage, c'est qu'on peut vivre très profondément qu'il n'y ait rien à en raconter.
Ou bien par bribes, comme ça, échappées du bistrot de la cale, tard le soir.
Oui, oui, en regardant loin derrière la glace du comptoir...
Rien à raconter, parce que rien, jamais, ne m'a imposé de me trouver un jour de juillet septentrional, dans ce port démesuré et presque vide. Seuls quelques ilots marquaient quelque activité. Là où la vie était, elle était volontiers frénétique, mais elle ne suffisait pas à éteindre le silence des entrepôts déserts.


J'ai croisé du sel, du bois, des hélices de navires qui avaient l'air de jouer à la guerre des étoiles. Des cuves à gaz flambant neuves partiraient un jour pour Abu Dhabi.
Les mêmes, rouillées jusqu'à l'os, iront à Karachi.
Il y a décidément plusieurs trous du cul du monde dans le monde.

L'un d'eux était ce port de Gävle, où j'ai voulu prendre la photo la plus terne de toute mon existence, parce qu'il n'y avait rien à faire ici et où j'ai dansé dans la caverne de sel parce que je m'y suis sentie légère et drôle comme jamais.



FAMILLE

"Où est-on mieux qu'au sein de sa famille?"
"Partout ailleurs!" s'esclaffait ma grand-mère qui préférait vraisemblablement Bazin au bassinant Marmontel.
Longtemps, j'ai fui les réunions de famille. Figures explosées, sauts périlleux dans le vide, juges impitoyables, notes truquées. J'ai attendu de prendre de l'âge, pour regarder avec plus d'humour, l'enfant que je suis encore, tout à tour reprendre et tenter de se défausser des vieilles marques, des antiennes connues, des bastions trop souvent défendus. N'en finit-on jamais avec le besoin de réparation?
Allons, on aménage, on desserre quand même les tenailles rouillés. On ne s'offusque presque plus et quand on ne tient plus le trop grand bruit, on s'en va.
Et puis, au bout du bout, ne viennent finalement plus que ceux qu'on aime, d'une tendresse qui n'a plus rien à voir avec les obligés.

Cette année fut belle. Sans doute parce que la figure imposée, c'était justement de s'inventer d'autres rôles. Durant notre familiale, épisodique et aléatoire "semaine de création", nous avons servi des textes que nous aimons, nous nous sommes déplacés, décentrés, pour dire mieux et nous y avons gagné chacun une part supplémentaire de liberté. Celle-ci est venue sans ses enfants, lire une vieille lettre ensevelie dans une armoire et dans l'évitement du choix, celui-là a raconté la triste sardonique histoire d'un employé modèle, Diogène a joué du chien à poil dur et j'ai joué avec un couteau sans spécialité. Il fut aussi question d'un mal aimé, des hommes que j'aime, d'un chant général, de Salvador Puig Antich et de la voix déchirante de Benjamin Fondane et d'autres beaux mots comme des vieux potes ou de fulgurantes rencontres.
C'était vraiment bien.

Ce qui tendrait à prouver qu'avec un peu de poésie, la vie, c'est pareil, mais en mieux.


TRAVAIL:

Ils vont me demander de parler de la grippe. Je crois même qu'ils vont me demander de montrer comme les hôtesses de l'air, comment on met et on enlève un masque chirurgical.
Je vais essayer de ne pas rire.

13.8.09

Voyage en bleu

J'ai été tagguée par Gilsoub en bleu et en sept.
Voilà donc sept petits bleus de mon voyage.
Un bleu grue:


Un bleu corvée. Ou bien, c'est selon, l'ultra-chic marin qui assortit les pelles aux manches à air.


Du bleu container :

Et celui-là, une dédicace à Yves.



Du bleu à la dérobée, à l'ombre de la cargaison.


Le bleu impassible de l'attente au large de Kaliningrad. Nous dansions doucement sur l'ancre et attendions le pilote.

Le bleu nuit de l'arrivée à Gävle, dans ce chenal si étroit que nous aurions presque pu toucher les balises de la main.

Comme toujours, la prend qui veut! Meerkat, un petit chat bleu? Du bleu, déjà plein chez Boutoucoat,mais elle en a sûrement en reserve. Still?

11.8.09

Embarquement 4.


Sans doute n'est-il de voyage absolu que dans la contemplation.

Quelqu'un vient. On échange des mots. Et bien qu'il soit question du pays, là-bas, de ces Iles Philippines semées sur la mer, on est déjà sorti de la géographie.
Les mots, doucement, vous arriment, vous suturent à l'histoire.
Le second regard sera différent.

8.8.09

Embarquement 3.



Le voyage, par un paradoxe, commence à l'escale.
Et l'escale, autre déplacement de l'habitude, n'est en rien du repos.
Très tôt et jusqu'à très tard, une multitude de véhicules sillonnent le terminal, de toutes couleurs et de toutes tailles.
Il y en a de très petits, véhicules de sécurité d'un rouge éclatant, des tracteurs pour amener et retirer les échelles de coupées, des camions citernes, d'immenses faucheux qui vont chercher les containers et...
De souriantes grenouilles qui les transportent à bord :


Parfois, cela travaille aussi coté mer : ici, cet homme concentré écoute son tuyau de vidange d'huiles usées.


Tout ceci forme une tornade disciplinée, une agitation méthodique où tout est prévu et rien, jamais, ne doit être laissé à la routine.
Le chargement des containers dépend, non seulement de leur port d'embarquement, de leur contenu et de leur poids, tout autant que de leur destination.
Tâchez d'imaginer, vous qui, comme moi, avez certainement toujours besoin du dernier de la pile, ce gigantesque jeu de pousse taquin. Il ne doit pas seulement être joli à l'œil : il doit être équilibré, quelque soit le temps, se défier de l'explosif et de l'inflammable et être prêt au déchargement avec le minimum d'effort.

Les dockers, si vite qu'ils aillent à terre, mettent une surprenante délicatesse à l'opération de grutage. Comme s'ils mettaient un point d'honneur à n'ébranler que très doucement le bateau.
Plus encore que le roulis, je crois que c'est ce mouvement qui a imprimé en moi une sensation que je découvre destinée à une durable nostalgie.
Le plus troublant, dans ce voyage, ce n'était pas d'être seule femme au milieu d'un équipage d'hommes. C'était, allongée sur ma couchette, de découvrir qu'un bateau qu'on charge a le même mouvement ample et doux qu'un lit où on fait l'amour.

6.8.09

Lazy Woman

"Lazy woman!" me dit l'ami Max en arrachant les mauvaises herbes à ma place.
Mais mon ami Max, qui refait un, non, deux bateaux, une grange en ruine, un vieux fourgon et héberge le cheval de sa fille, n'a définitivement pas les mêmes critères que moi.
Toutefois, il a raison. J'ai tout juste lavé mes p'tites brassières de voyage. Les photos sont en vrac dans l'ordinateur, les posts à moitié rédigés, j'ai pas appelé mon pôpa, ni fait les bagages de miss Bibi.
J'ai l'impression qu'il fait soleil absolument partout dans le monde, même la nuit, sauf chez moi.
Il fait un temps à bronzer sous la couette.
Qui m'aime m'y suive, tiens.

3.8.09

Embarquement 2.



Dès cinq heures du matin, j'ai vu le port s'éveiller, bruire, puis sonner dans toute une gamme d'alarmes.
Il y a des portes, des avis impératifs en allemand et dans un anglais que je ne comprends pas, des barrières de sécurité, des interphones.
Il y a des gens qui vont et viennent avec l'assurance un peu appuyée de ceux qui, souvent, travaillent sous le regard des néophytes.
Il est vingt heures, maintenant, sur le quai de Bremerhaven, j'ai un peu moins de 1500km derrière moi et je vais pour la troisième fois en vingt-quatre heures demander si quelqu'un en sait un peu plus sur l'arrivée de ce cargo, prévue, selon diverses sources entre midi et minuit.
Il est vingt heures, je suis un peu perdue et bien sûr, pointe la question lancinante des voyageurs et des amoureux : fallait-il se donner tout ce mal?

Mais il y avait cette voix. Elle a troué ma solitude, m'a promis, non pas monts et merveilles, mais une place auprès de lui, la chaleur, la sécurité, le confort. Elle m' a dit viens, qui est sans doute le plus beau mot de toute langue, et je l'ai crue. Je suis venue, irrésistiblement attirée par les mystères enclos en quelques mots. J'ai franchi en aveugle des bois et des plaines mornes. .
Et maintenant, j'attends.
Vous avez dit, comme tous ils font, que vous rappelleriez. Je suis sûre, comme toutes elles le sont, que vous allez le faire.
Que vous ne vous seriez pas donné la peine de m'appeler du milieu de la Baltique, pour me laisser échouer, comme cet autre traître, sur le quai de ce terminal.
Oui, vous allez rappeler et, cher Capitaine, je prie à cet instant pour que vous ne ressembliez pas à votre voix et que vous fassiez pour de bon 1m50 et 110 kgs.
Et teutonniquement chauve.
S'il vous plaît.




Le Reinbek est à quai. On m'invite à rouler ma valise jusqu'à un portillon, qui ne s'ouvrira que lorsque que la navette chargée de me déposer devant la passerelle, arrivera.
Le shuttle est un vrombissant petit insecte noir et blanc, efficace et indifférent. Il m'expulse sans un mot juste devant un immeuble de dix étages encore plus long que haut.
Trois sourires, trois poignées de main, quatre escaliers raides comme des volées hollandaises et me voilà temporairement propriétaire de 12 m carrés de liberté à la fois circonscrite et presque totale.
Fort bien insonorisée des vibrations aériennes, je peux y dormir toute la journée s'il me plaît, m'y exercer à l'opéra ou au poirier, lire, rêver ou vous écrire, personne ne viendra m'y déranger.
Le plus difficile, finalement, aura été de franchir cet espace hérissé d'inconnu qu'est un terminal de containers.
Maintenant, je sais, je parle la langue, j'ai été admise. J'en ai une enfantine vanité et le cœur battant.


Ah oui : le Capitaine est charmant. Son petit garçon aussi.

1.8.09

Embarquement.


Le voyage en cargo, finalement, n'est rien d'autre qu'une forme de retraite laïque.
Comme à la Trappe, on y entrera avec l'espoir vif, un bagage bien trop abondant pour l'usage véritable qu'on en fera, la promesse fervente et naïve d'utiliser ce temps pour aborder enfin des territoires intellectuels trop longtemps négligé, un peu d'appréhension, un peu de coquetterie aussi.
Et comme au couvent, la question " comment vais-je penser au mieux durant ces deux semaines?", masquera des interrogations, infiniment plus prosaïques, mais certainement plus sincères : "Vais-je m'ennuyer, seule avec moi?", "Est-ce que je ne vais pas en avoir absolument assez au bout de deux jours?", et par dessus tout : " comment vais-je manger?"

Très bien.
Sobrement, abondamment et avec une régularité de métronome.

Par contre, je n'ouvrirai que rarement ma méthode de breton, pas du tout ma boîte d'aquarelle. Quand au livre de Damazio, je l'ai tout simplement oublié à terre.

Mais alors qu'ai-je fait?

J'ai regardé la mer, j'ai déniché tout les recoins à l'abri du vent mais exposé au soleil, j'ai pris des centaines de photos, j'ai parlé, peu, mais bien, dans un anglais aussi approximatif que celui de tout le monde.

J'ai écouté en moi, une somme considérable de minimes apaisements.

J'ai cherché des îles dans la brume légère, j'ai tâché de deviner la destination d'immenses bateaux dessinés sur la ligne d'horizon comme des jouets de grands.
Je ne me suis pas ennuyée une seule seconde.

Il ne s'est rien passé.

Rien, et pourtant, je vais tâcher de vous faire partager ces temps du cargo, temps d'ailleurs et d'autrement, temps marqués par l'attente, le rite et la veille. J'ignore absolument comment je vais m'y prendre, j'ignore ce qui vous parviendra, hors la mer, du vent, de la fascination du sillage sans cesse ourlé, de la vibration chaude et retenue des moteurs puissants, des gestes mesurés, de la parole brève et de la tâche bien faite.
Mais je vais essayer.

24.7.09

A PORI (E)

Ceci est une spéciale dédicace à la charmante Tippie qui m'a fait les honneurs de sa ville et en particulier de sa statuaire pour le moins...euh... pour le moins euh, c'est exactement ça.
Donc tout spécialement pour elle, deux exemplaires de statues finlandaises, l'une à Pori, l'autre à Rauma.
Et puisque Gilsoub ne traîne pas loin, pourquoi ne pas proposer pour l'été un hors série sur le sujet " Et chez toi, le conseil municipal a choisi quoi?"



Je vous ai écrit de Bremerhaven, toute à la joie d'être arrivée.
Je ne vous ai pas écrit du canal de Kiel.
Je vous ai écrit de Kaliningrad. Mais la douanière campait dans sa guérite mobile sous la passerelle et je n'ai pas touché la terre russe.
Je vous ai écrit de Mantyluoto, me disant qu'il avait fallu bon nombre de hasard pour que je découvrisse ce port de Finlande, dans ce pays où la forêt descend jusqu'à la mer et sur le moindre ilôt.
Je vous écrit maintenant de Gävle, dans une brume suédoise, par une tout petite liaison, précaire comme une bouteille à la mer.
Je reviens bientôt.
Je vous embrasse.

10.7.09

Passer le pont.



Qu'est-ce qui fait qu'on se sente, à certains moments plus qu'à d'autres, en voyage?

Ce n'est ni affaire de météo, ni même de lieu. Cela n'a rien à voir avec l'exceptionnel du cadre, ni la jouissance appropriative d'avoir été là, d'avoir vu cela.

Le voyage commence avec le contraire de l'appropriation, avec le sentiment de ma propre étrangeté, de mon innappartenance, d'une forme d'irresponsabilité vis à vis des évènements. La jouissance est celle d'être rendue agile parce que déliée.

Il suffit parfois de passer le pont.



Parfois, cela ne marche pas. Le voyage n'est qu'une route morne, pesante, interminable. On se demande pourquoi on est parti, s'il était bien raisonnable de mettre en mouvement tant de chose et de gens, y compris soi-même, pour une aussi mince satisfaction.
Ce n'est souvent que le sentiment que le temps s'est morcelé inharmonieusement, que l'on a pas su tirer parti de rien, que la pensée, au lieu de flotter, s'enroule en barbelés.



Mercredi fut long, jusqu'à Arras. Mais je me suis sentie particulièrement bien dans cette ville qui offre sans détour, sans complications particulière, son vieux cœur magnifique. Sur la place aux hautes façades qui se soutiennent sans défaillance depuis des siècles, le luxe d'un café au son du beffroi me coûta un euro vingt et me fut servi par Martine, la cheville effondrée dans les tralettes et lœil vif, qui délaissa un temps ses cotes de porcs mises en route pour le midi pour venir cuisiner cette dame seule avec un appareil photo. C'est que le jeudi, il y a jamais grand monde.
Et cette ruelle, ne l'ai-je pas vue dans un Pieter de Hooch?


Dans la campagne, les engins agricoles moissonnaient soigneusement autour des cimetières militaires enclos, qui en paraissaient presque minuscules.
Est-ce qu'un jour, la ville rejoindra ces espaces volontairement laissés sous leur forme de champs de cratères, maintenant incompréhensibles?

(monument canadien de Vimy)

8.7.09

Ondes positives

Je suis dans l'enceinte d'une célèbre enseigne qui vend de la junk-food. L'avantage, c'est qu'ils ont ouvert des connexion wifi en libre service.
L'inconvénient, c'est que ni l'odeur, ni les bruits ambiants ne vous pousse à la délicatesse d'écriture.
Alors, ce billet sera pour donner des nouvelles.

Je suis du côté d'Arras. Je monte tout doucement vers le Nord. L'heure de départ est encore incertaine. Le 11? le 12? Peut-être finalement le 13. Mais j'ai un beau ticket de passage dans mon ordi et des gens très gentils qui me tiennent au courant tous les jours.


Quand je suis partie, j'ai allumé la radio. Il y était question de la "Jeanne d'Arc", de l'attachement que les marins qui y ont fait campagne ont pour ce bateau.
Puis, l'heure suivant, il fut question de Cendrars.
Sauf cinq minutes, où un vallon me fit perdre le contact avec la radio nationale, pour tomber sur une station locale.
Il y était question de Mac Orlan.

C'était, pour partir, de magnifiques ondes qui ne sentaient pas outrageusement la frite.
Mais qui en donnaient.

Je vais sans doute voir Tippie dans sa n'Hollande.
Tout va bien...

6.7.09

Décidément, c'est Corto...

Un quai pour un autre, ce sera donc celui du port de Bremerhaven, pour embarquer sur un cargo allemand qui fait un circulaire, passant par Kaliningrad, la Finlande et Gravle en Suède.
13 jours de farniente et de méditation.
De photos aussi, j'espère.
Départ prévu le 11 ou le 12 et retour vers le 24.

M'en vais partir par petites étapes, parce qu'il n'y a aucune raison de se bousculer et toutes les raisons de cultiver l'absence de précipitation.
Bref, je vais promener ma baleine sur une ligne du Havre à Brème.
JEA, j'ai votre adresse en munition, peut-être au retour.
Tippie, je devrais passer pas loin de chez toi... On partage un gâteau et un muffin?
Les autres... vous avez jusqu'à jeudi pour lancer une écholocation!

Pour le récit de voyage et les photos, ce sera au gré des connexions-peut-être seulement au retour. Un cargo, c'est des escales à des heures aléatoires... Pas sûre de trouver un cyber-café.

Rendez-vous fin juillet. D'ici là, portez-vous bien.

5.7.09

Sous la canopée


(c'est plus joli si on clique)
Sous la canopée
du Morbihan
j'ai croisé la patrouille
qui s'entraînait
pour le 14 juillet.

4.7.09

Sortir du gris


Ces derniers temps, j'ai beaucoup pensé à une nouvelle d'Alphonse Allais. En bon chimiste fou, il eut l'idée de décrire par le menu la composition élémentaire de sa bien-aimée. Ayant constaté que l'objet de ses soupirs étant composé essentiellement d'eau, de protéines et de quelques électrolytes, il en conclut que c'était bien bête de faire tant de tintouin pour si peu.

En dehors de quelques grands fracas et de l'impérieuse nécessité de survivre, il n'est guère de troubles de l'existence qui ne puissent être résumées de la même façon.
Peines de cœur, projets noyés, embarras de trésorerie ou inquiétude devant les tendances de votre progéniture à une forme hilare d'amoralité, rien qui, convenablement détaillé, disséqué, remis en perspective et trituré, rien qui puisse garder longtemps sa figure de drame.

Et rien, absolument rien qui, au final, ne résiste à cette entreprise, tant qu'il n'est pas encore temps de cesser d'en souffrir.
On aura beau faire, raisonner, abraser les écueils douloureux de la pensée, ils reviendront dans la nuit. On aura beau faire le tour des ses richesses, le matin vous verra le front collé à la vitre, le cœur étreint, balançant entre le sentiment d'injustice et celui de sa propre iniquité, abandonné, vacant.

Le premier mensonge de la raison, ou sa première erreur, est de croire l'homme raisonnable.

Ce n'est pas la raison qui a fait lâcher le gris. Peut-être la stupéfaction. La compassion pour l'homme aux quatre-vingt défauts (oui, oui, il en a perdu pas mal dans le maelstrom) touché, touchant, tenace à vouloir effacer les traces de ce qu'il faut bien appeler une Bérézina de Juillet, dont il n'était pourtant nullement responsable.
Vos messages, vos invitations, vos sacres.


Je ne courrais pas après Michel Strogoff. Mais après tout, j'ai eu d'autres amours littéraires. Dont certaines ont résisté.

J'aurai peut-être, une dizaine de jours, une place sur un cargo. Je le saurai lundi.
Alors, je ris, je fouine, je parle globish avec un Hambourgeois charmant au nom imprononçable qui me parle de la Baltique et me promet qu'il va tout faire pour que je parte. Je n'ai pas défait ma valise, juste effacé les widgets qui me donnaient la météo de Kazan et d'Irkoutsk. Je touche du bois et la casquette bleue pendue au mur.

Oui, bien sûr, il y avait aussi un marin, dans mes amours de jeunesse.

2.7.09

Partir, na!


Je n'aime pas le tourisme. Pour m'en convaincre, je n'ai qu'à regarder les innombrables offres de zoulis rêves à prix cassé.
Je l'ai fait, par acquis de conscience, poussée par les voix aimantes et désolées qui me disaient: " allez, fais-toi plaisir!"
Mais non, j'ai envie de voyage, pas de tourisme. Ce qui me plaisait dans ce rêve stoppé net, c'était justement le temps non emballé, le train, le temps sur le fleuve. Oui, oui, je voulais bien voir des églises, mais en plus du reste, des babas qui vendent des framboises, des réminiscence de Michel Strogoff et de la lumière entre les bouleaux.

Oui, peut-être qu'un jour, je serais tentée par les Torii ou les eaux cristallines de Vanuatu, mais c'est parce que quelque chose m'aura appelé là-bas, un ami, un tableau, une incise dans le feutre du quotidien.

Je n'aime pas le tourisme, mais la privation de voyage m'est aussi insupportable que l'éloignement trop prolongé de l'eau.

Alors, je vais partir. Je ne sais pas encore comment je vais lancer les dés, pour ouvrir la première case.
Prendre un volant et faire un blogotour? (mais, suis-je montrable en ce moment? Pas sûr... Vous avez du soapalin?)
Prendre un volant et ne se fier qu'à l'envie de cette route là, juste à droite?

Prendre le train pour une de ces gares parisiennes qui s'étoilent sur toute l'Europe et profiter de Schengen pour décider au gré des petits volets métalliques dont le bruit est aussi alléchant, aussi prometteur qu'une odeur de cannelle sortant du four?

Opter pour un tour d'iles? Un zig-zag alphabétique? Un voyage dans les Cévennes? Avec une ânesse?

J'ai envoyé des mails à des compagnies de cargos qui prennent, parfois, des passagers.
Amis canadiens, si jamais j'arrive à Montréal, passant par Gibraltar, prendrons-nous un bagel de concert?
Au bout de 15 jours de mer, à ne rien faire d'autre qu'épuiser ma pile à livres et photographier le bastingage, je serais sûrement plus montrable que maintenant.

Sait-on jamais?
Un désistement est si vite arrivé...

Partira pas.

Mais curieusement, pas pour les raisons craintes au départ.
Le passeport vagabond a été récupéré au terme d'une épopée, dont je n'aurais pas tiré 500 pages, mais un joli petit billet quand même.

L'enveloppe récupérée contenait bien le passeport mais au lieu des billets attendus....
une lettre de la société Arteast / Russorama déclarant le voyage annulé. Une histoire de dépot de bilan.

Je m'étais étonnée de la légèreté de ce voyagiste. Je comprend maintenant pourquoi il ne répondait pas à mes mails. Mais il aurait pu nous éviter de déranger 5 personnes pour courir après un courrier qui n'était même pas celui du Czar.

Ma déontologie m'interdit de le découper en rondelles. Par contre, le net peut-être un moyen efficace de faire savoir son incompétence.
Donc, vous pouvez faire savoir haut et fort que Russorama arteast est tout, sauf fiable.

(d'ailleurs, gentils amis, si vous cliquez suffisamment fréquemment sur ce billet, vous ferez monter mes stats, ce dont je me contrefous, mais si ce billet vient s'intercaler sur gougueule entre les pages de pub de ce monsieur, ça évitera à d'autres gens de rêver comme je l'ai fait.


Vous avez des plans sympas pour juillet?

1.7.09

Positivons.

Est-ce la grande valise va servir?
"Oh, dit Fille Cadette, ça peut toujours servir à planquer les morceaux du voyagiste dans la consigne."
'ffectivement.