27.9.09

Sourdine


Cet après-midi, l'eau était transparente comme un ruisseau de montagne, guère plus froide qu'en Aout. Elle était bleue à l'Est. A l'Ouest, son éblouissant gris de lame rendait les baigneurs et les rochers d'un noir profond et faisait plisser les yeux.

Est-ce mon dernier bain de l'année?

En rentrant, j'ai écouté la Rue Kétanou. C'est toujours un plaisir. Et une nostalgie. Cet été a réveillé un très ancien désir des mots qui consolent. Comme je comprend l'envie toujours vivace de mettre une chanson au cœur, sans plus qu'en passant.
Je chante si mal que j'en fais une menace plaisante à celui qui sert me un verre en trop. Mais je chante mal comme on est laid : en sachant bien qu'au fond, tout au fond de soi, il y a forcément quelqu'un d'autre, un être sublime et méconnu qui a échappé à la malédiction de la fée. C'est juste qu'on attend une autre vie pour le montrer.

D'ailleurs, moi, en vrai, je suis longue, brune, je déchire un accordéon trash-guinguette et je vous arrache des larmes et des embruns au ventre. J'ai une très longue jupe effrangée et le soir, je cueille, dans les plis, les émotions que j'ai chalutées en vous effleurant comme pour jouer.

Jusqu'à ce que j'éteigne la chanson.

Un beau dimanche, clair et un peu vain.

25.9.09

Partage.


Hier, elle est venue avec un panier plein de poissons magnifiques. Puis elle est repartie.
Ce matin, il est passé déposer un plat d'étrilles, ces petits crabes rouges et si délicieux à gratter. Puis, il est reparti.

Aujourd'hui, ce sont mes amis qui m'ont nourrie.

Pour eux, c'est sans doute un geste presque banal. Un peu plus qu'un geste de voisins, parce que l'amitié qu'ils nous montrent est sans feinte, mais rien, pour eux, qui doive faire mention.

Et pourtant, c'est bien plus que l'offre d'un repas en commun, bien plus qu'une civilité. Je mange, ni en invitée, ni en hôte, je mange à l'intérieur d'un cercle, je mange en partage.

Je pense à deux amies* qui très récemment, ont écrit des billets émouvants sur la difficulté qu'il y a, parfois, à se sentir une place au monde.
Je songe, devant mes crabes cerises, que fille de divorcés et petite-fille de migrants, il n'y a guère d'endroit dont je puisse revendiquer cette possession partielle fondée sur le souvenir et sur l'ancien usage. Nulle maison de famille, nuls greniers, nul ami d'enfance.
Cette pêche, donnée comme en passant, me rattache doucement à ceux des miens qui ont connu, il y a longtemps et loin, un village tissé de ces gestes entrecroisés.


Je mange avec plus que du plaisir. Je mange avec une émotion qui dessine la nostalgie d'une terre nourricière, d'un clan, d'une mère aussi, sans doute. Liens de sel et de sens.


Je mange et je rêve, avec étonnement, à l'imparable justesse avec laquelle, en peu de temps, en peu de mots, elle et lui sont devenus gens que j'aime, comme si j'étais d'ici depuis toujours.
D'ailleurs, à y regarder de près, les poissons, c'était bien des lieux.



* Ici et puis là.

23.9.09

T'as voulu voir Anvers




"-Et c'est tout?
-Bah, oui.
Même pas un p'tit cliché de Vesoul?
-Bah non.
-Ben quoi?
-Ben j'ai la flemme et pis c'est tout.
-Meheu?
-Mais rien du tout, et si tu continues à m'embêter, j'appuie sur delete et toi, t'auras disparu.

Non mais, c'est qui qui commande ce blog? Mon surmoi ou moi?

18.9.09

Conversation entre Miss Bibi et La Clandestine

Miss Bibi : "Ah, je voudrais être un chat! Tu dors toute la journée, tu vas pas à l'école, tu te lèves juste pour des croquettes et des câlins."

La Clandestine : "Oui. Mais t'es obligé de te lécher le c*ul."

Miss Bibi : (blanc)

16.9.09

Défendre la défenseure des enfants


Encore un mauvais petit coup en douce.
Madame Versini, défenseure des enfants vient d'apprendre que son poste serait-non pas supprimé, cela aurait fait trop mauvais effet- mais fondu dans un poste général de Défenseur des Droits.

Elle paye indéniablement d'avoir énoncé que la mise en rétention d'enfants sur le territoire français est un scandale pour un pays promoteur et signataire de la Charte pour Les Droits de l' Enfant.

Ne vous laissez pas abuser par cet hypocrite semblant de maintien. Chaque fois qu'on a dilué la spécificité de l'enfant, on a perdu l'écho de ces voix toujours minuscules. Parce que parfois contraire aux besoins immédiats des adultes.
C'est ainsi que cela s'est passé dans tous les territoires où les médecins ont cessé d'être des médecins de prévention maternelle et infantile, pour devenir des médecins territoriaux occupés tout autant de la prestation dépendance du sujet âgé que de la consultation nourrisson. Tout ce qui mettait un peu de liant, toutes les actions ouvertes, solidaires autour de la périnatalité se sont cassé la figure.

C'est ce qui risque de se passer avec la suppression d'une justice spécifique pour les mineurs.

Il faut, absolument, défendre la Défenseure. Pas la dame, son poste. (Oui, c'est entendu, Madame Versini est huempé, mais là, on s'en fout.)Elle est parfois le seul recours devant des situations inextricables, quand les institutions sont devenus sourdes, quand chacun a ses raisons qui volent comme des missiles au dessus de la tête des enfants qui n'y peuvent mais.

Ecrivez à vos députés, à vos sénateurs, faites du barouf, mais voilà encore un trait de plume qu'il faut suspendre.

(Tiens, au fait, dans le même genre, la psycho scolaire avec qui je bosse s'est vu intimer l'ordre de ne plus aller dans 4 écoles de mon secteur. Plus de prise en charge par les réeducateurs, plus de suivi ... you-pi.)

15.9.09

on avait detesté pour vous

M'sieur Baissons-nous-toujours-plus-bas vient de refuser de signer le décret sur les tests ADN.
Est-ce à dire que ce décret était non seulement révoltant, insultant, dangereux, mais aussi inapplicable, coûteux et inutile?

Ma foi, ça fait un petit moment qu'on leur dit.

Personnellement, je suis ravie de les voir se bouffer le nez.
Et ravie de voir que, finalement, un fonctionnaire peut désobéir à quelque chose qu'il trouve, non seulement coûteux, inapplicable et inutile mais également dangereux, insultant, voire révoltant.

14.9.09

Balade en Cap

Il est assez peu probable que vous passiez, un jour, au Cap-Sizun.
Le jour où vous découvrirez cette encoche de terre dans l'océan, ce ne sera pas par inadvertance. C'est trop loin, bien trop près du bout pour que ce soit l'effet du hasard.

De ce paysage, peut-être?


Et puisque vous l'aurez voulu, décidé, puisque vous aurez envie de beau, pourquoi n'iriez-vous pas voir les Rouille-Gorges?

Ils sont cinq, actuellement, cinq artistes, sculpteurs, plasticiens, monteur d'image et photographe à s'être installé dans cette campagne de Beuzec, si proche de la mer sur trois cardinaux.

Parfois, ils se déplacent pour une hilarante et poétique fête foraine. C'est comme ça que je les avais découvert, il y a cinq ans. Pensez-donc : la caravane est en forme de baleine, la balançoire est un thon fuselé et j'ai gagné à la course de poissons-rouges.





Il y a de la rouille et de l'acier, des ordinateurs et des sténopés, des nuages et des marabouts, un violon dans le crocodile et les délicates structures d'Annelise Nguyen


... pour lesquelles j'aurais volontiers craqué, si le percepteur ne m'avait malheureusement pas écrit juste avant.

Je vous ai mis quelques photos pour vous donner envie.



Par contre, je n'ai pas eu le temps de photographier la sublime crêpe qu'on m'a servie à la crêperie du Cap à Plogoff. J'ai dû la manger au 1/125° de seconde.

11.9.09

Des fois, j'habite dans une carte postale.

Et des fois, c'est dans un Turner.

On peut toujours cliquer sur l'image pour voir plus grand

Une autre photo ici, pour ceux qui veulent.

10.9.09

Et paf, ça fait des chocs à pic.


P., je l'ai connu pire que tout petit.
Je l'ai connu rapetissé, pas fuyant, non, mais assis, trop sage dehors, éperdu dedans, rétréci de ne comprendre le monde que par bribes.
Sa surdité, non connue malgré sa profondeur pourtant importante lui faisait le regard stupide, la réponse à côté de la plaque et le sourire gentil, éternel, en bannière plaquée.
Enroulé autour de son sternum pour tenir encore moins de place.
En fin de CE2, ça devenait pour le moins urgent de l'appareiller. Je n'ai pas eu d'autre mérite que d'être là, à faire de la routine. Ces gamins à l'ouest, d'abord, bêtement, je leur regarde le bout de l'oreille et cette fois-ci, je me souviens que j'avais changé les piles de mon vérificateur, parce que là, à ce stade, ça ne me paraissait pas possible. Qu'il ait survécu dans l'école sans avoir eu la tentation de taper tout le monde ou de fuir définitiveemnt me semblait tenir du miracle

Je venais d'arriver et, tout à la fois parce que l'histoire était grosse et parce que c'était l'un de mes premiers lancers de filet dans ce coin de mer, celui-là, je m'y suis attaché. Professionnellement, mais pour de vrai, avec, à chaque fois, un petit coin de vrai plaisir à le rencontrer.

L'appareillage lui a donné une claque, dans tous les sens du terme. Tout à coup, il pénétrait dans un univers de sollicitations presque insupportable. Les premiers temps furent douloureux pour tout le monde. Il n'avait pas d'autre défense que la colère devant l'envahissement soudain de la sensation sonore dans son monde. Et ses parents ne reconnaissait plus l'enfant qui disait oui à tout.

Et puis tout est rentré dans le calme et les consultations sont devenues un régal. Dès lors que son sens de l'observation pouvait lui servir à autre chose qu'à sa simple survie, il s'est montré d'un humour très vif et tout à fait généreux avec les adultes qui n'avaient rien compris à ce qui lui arrivait.
Ce n'était pas encore un monstre d'expansivité en public et on a tous eu un serrement de cœur juste avant son passage en sixième, mais enfin, il y est allé bravement avec son énorme cartable et un beau projet personnalisé.

Si je vous raconte ça, c'est que je l'ai entraperçu l'autre jour. L'a ben dû prendre une douzaine de centimètre, deux octaves et goût à pêcher autre chose que les bigorneaux, et il riait avec sa gang, de ce gros rire qui vous ferait désespérer de l'espèce humaine entre 14 et...
Mon vilain petit canard est devenu un parfait grand couillon.

Il a fait semblant de pas me reconnaître.
Ptit con.
J'ai rien dit, j'ai gardé ma lèvre supérieure rigide et je suis passée.
Ptit con.
L'adolescence de mes enfants, ça suffit pas? Faut encore se faire celle des patients?*

Pinaise, qu'est ce que je suis contente!


* la réponse est : oui, dans le meilleur des cas.
D'autant que dans le cas de celui-ci, il est tout à fait vraisemblable qu'il devienne, après ça, un adulte adorable.

Ah tiens, ça c'est une surprise.

L'ami Brice, d'après le monde, aurait été surpris en flagrant délit de communautarisme.

Pourtant, un homme aux idéaux aussi élevés...

8.9.09

mal archivée




Faut bien dire
je gagne souvent
à n'être pas connue.
Oh!
inutile
de retourner mes poches
d'épier le pli de mon coude


Je n'ai pas de secret

Mais sous le regard
je m'alourdis
Je m'assagis

pour faire bonne fille
plus que bonne figure

Vous auriez dû
me laisser sur la route
libre et si peu méchante

je vous aurais griffé
juste un peu mordu peut-être
Mais c'est ce que je fais de mieux
cette trace délicate
d'une morsure
au milieu d'un poème forain

Et puis quoi!
vous vous en seriez
si bien remis
n'eut été cette faim
mal archivée
Ce besoin
de scruter l'horizon

2.9.09

Le grand roman de l'hygiène à l'école.

Le commentaire se S@rah sur le post précédent me donne envie d'aborder ici l'un de mes grands sujets de fascination perplexe : les rapports profondément tordus que l'Ecole entretient avec la question de l'hygiène.
L'enseignement de l'hygiène a été consubstantiel à la création de l'école. On peut même dire qu'il en a été la religion laïque. Avec l'Alcool dans le rôle du Malin, la scoliose et l'orientation gauchère comme péchés capitaux et le Crachat comme blasphème.
Il y eut, dès le début, des médecins aux portes des écoles. Dans les Ecoles Normales d'Instituteurs, l'enseignement de l'Hygiène allait de pair avec la Science Naturelle (Pour les instituteurs) et avec la Morale et l'Economie Domestique (pour les institutrices). La circulaire de 1905 qui en atteste précise que le programme en est le même pour les teurs que pour les trices, à l'exception du cours sur les maladies vénériennes, qui, chez ces dames, sera remplacé par un cours de puériculture. (Seuls les messieurs attrappent la chtouille, c'est bien connu.)

Ah, la belle époque! La belle ferveur! Les beaux textes! Ferdinand Buisson avec nous!

ART. 18. — Toute école maternelle devra être munie de privés distincts pour chaque sexe et d'urinoirs pour les garçons.
Les privés et les urinoirs seront mis en communication par un abri avec le préau.

ART. 19. — Les préaux seront disposés de façon que les vents régnants ne rejettent pas les gaz dans les bâtiments ni dans la cour.
Ils seront divisés par cases. Il y aura une case pour quinze enfants environ.
Chaque case aura 0m, 55 de largeur sur 0m, 80 de profondeur.

ART. 20. — Le siège sera couvert d'une lunette en bois. Il aura une hauteur d'environ 0m, 23 et sera légèrement incliné en avant.
L'orifice, de forme oblongue, aura environ 0m, 20 sur 0m, 14. Il ne sera pas à plus de 0m, 05 du bord.
La cuvette sera munie d'un appareil obturateur.


Je sais bien qu'on ne peut se fier aux textes pour juger de la préoccupation réelle d'une population au sujet d'un fait. Ou plus exactement, on peut parier que le nombre de textes, en pédagogie comme en matière législative, est inversement proportionnel à son taux d'observance par la population. Moins ça va de soit, plus y a de papier pondu sur le sujet. Par exemple, il y a beaucoup plus de textes sur la nécessité de coucher les enfants sur le dos que sur les inconvénients de les pendre par les pieds.

Donc, tout n'était pas si rose, sans doute, dans les écoles du début du siècle. Mais, si l'on regarde ce qui reste des bâtiments anciens, leur hautes fenêtres, leurs arbres, leurs cours largement dimensionnée pour le nombre d'élèves de l'époque, les toilettes, une pour quinze enfants... l' ardeur militante de la Laïque lui a quand-même fait mettre le prix.
Au moins pour un moment, l'Ecole ne s'est pas seulement préoccupée de dire l'hygiène. Elle s'est sentie, pour le meilleur et le pire, tenue de l'incarner.

A quel moment ça s'est mis à foirer?

A quel moment, on est parvenu à un degré de civilisation tel qu'il devient inimaginable d'autoriser des enfants à se laver les mains après s'être mouché?

A quel moment s'est constitué cette particulière névrose française autour du papier-cul dans les écoles?

Toutes les actions participatives de prévention ayant pour thème la santé, l'estime de soi, l'école bientraitante ou la citoyenneté commencent, à la minute même de l'ouverture de la boîte de Pandore, par ce cri du... coeur?
"Y a jamais de PQ!"
Auquel répond immédiatement le cri de l'autre partie :
"Y en aurait si vous ne jouiez pas avec!"

Parfois, un tiers désolé, désabusé ou rigolard tentera de glisser:

"Peut-être que s'il y en avait depuis toujours et pour toujours, ILS ne joueraient pas avec..."

Les écoliers européens ont-ils subi des modifications génétiques qui rendent accessoire la question du gaspillage de PQ?

Depuis que je fais ce métiers, j'ai toujours vu des écoles qui me demandaient de parler d'hygiène dentaire. Jamais des écoles qui offraient la possibilité de se laver les dents à la cantine. D'équilibre nutritionnel quand bien même, le meilleur moyen d'avoir des sous pour le voyage annuel, c'est de vendre des gâteaux. Et j'ai bien sûr eu, pour venir parler d'hygiène corporelle aux enfants, des demandes énoncées dans des salles des maîtres pleine de cendriers débordants et de tasses au pourtour suspect.

La grippe qui vient est une grippe, pas la peste noire, heureusement. Ça va être un beau foutoir, parce que nous sommes sans défenses anticipées et parce que nos sociétés follement complexes vont se retrouver désorganisées par l'indisponibilité de 30% de leurs membres.
Un foutoir, mais pas non plus une hécatombe.
Sagement, nous allons essayer de diminuer le nombre de virus circulant, avec des moyens simples et qui, bonne nouvelle, nous serviront aussi pour la grippe saisonnière et la gastro-entérite.

Si au passage, on médite sur :
-le nombres de gens qu'on emploie pour faire le ménage, essuyer de temps en temps les poignées de porte et recharger les dévidoirs,
-le bénéfice qu'il y aurait à ne plus s'exciter sur la question "un enfant peut-il sortir de classe se laver les mains sans déranger le service juridique du Ministère de l'Education Nationale?"
-et si on se met à considérer que diminuer de 50% les constipations opiniâtres et les infections urinaires par rétention est un acquis sociétal aussi important que le Bii,

alors, cette campagne, pour ce qui est de ma propre religion, c'est pain bénit.