31.7.07

Quel petit filet à crevette au fond de la cour? Et ce qu'il y avait dans le carton de polars.

Je voudrais m'insurger contre la rumeur qui prétend que j'ai ENFIN exhumé ma bibliothèque. C'est faux.
Je n'en suis pas, comme Pepe Carvalho, à allumer mon feu avec un livre déchiré, car j'essaye somme toute, de rester en bons termes intérieurs avec les gens et les choses que j'ai aimé un jour. Je n'y réussis d'ailleurs qu'imparfaitement, et je meurs parfois d'envie que certains noms surgissent dans la conversation, afin d'entamer, par mon célèbre sourire en coin, une soulageante séance de bitchage, daube et autres "plumer-déchiqueter".
Mais enfin, cela ne m'est jamais arrivé avec les livres. S'ils m'ont lassée, je n'ai aucune vindicte envers la part de moi qui les a aimé, et je conçois fort bien qu'ils aillent se faire désirer ailleurs. Découvrir dans un livre des relents que ma jeunesse m'avait empêché de voir (antisémitisme bien dosé, racisme tranquille, homophobie puérile- je ne parlerai pas du machisme, cela amputerait tant de rayons!) n'aura jamais l'effet délétère que provoque la découverte de la radinerie de celui-ci, ou du bulletin de vote de celui-là.
Ce n'est pas par rancune que les livres sont au fond du jardin. Ce n'est pas non plus pour les dissimuler aux yeux des autres, car il sont dans une cabane dont la porte ne ferme pas la nuit et qui n'est pas gardée.
Il n'y a d'ailleurs aucune raison raisonnable à cela. La seule chose qui soit clairement identifiable, c'est le sentiment de légèreté que j'ai dans ma maison, qui me semble toujours être une maison de vacance, et la sérénité avec laquelle j'ai fait non, non, de la tête , quand on m'a demandé si le chantier bibliothèque allait s'ouvrir.
Je n'ai plus la possibilité de me dissoudre dans un livre, et je ne sais pas s'il s'agit là, de la fin d'un impérieux besoin, ou de la perte d'un incommensurable secours.
Je sais juste qu'on ne peut vivre sans aucun amour ou souvenir de l'amour. C'est pourquoi je plonge, de temps à autre, la main entre les reliures. Mais ce n'est parce que je les lis comme avant, que je vous en parle.
C'est parce que vous lisez ici.

LE PREMIER CARTON DE POLARS


Je ne pensais vraiment pas les avoir classés par ordre alphabetique. Mais quand ont surgi tout ensemble Vargas, Van Gulik et Van de Wetering, je me dis que je devais être encore pleine de l'espoir candide d'arriver à tout classer. Dois-je dire que les derniers cartons mentionnent "bouquins chiottes du haut" (cela désigne le dernier endroit où ils furent aperçus en vie-et non leur qualité intrinsèque), et qu'à bien examiner ce carton grelottant de cintres enchevêtrés, il est tout à fait possible d'imaginer y trouver "Le manuscrit trouvé à Saragosse "de Potocki?

J'ai déjà parlé de Wetering qui fut longtemps un de ces auteurs, dont le simple fait de me dire que je n'avais pas TOUT lu me remplissait d'une sorte de profonde sécurité affective. C'est un des très rares auteurs que j'ai vraiment eu envie de rencontrer, bien que je me dise maintenant que l'alcool et la métaphysique l'ont probablement rendu insupportable.
Il me fit toujours l'effet d'un écrivain involontaire, étonné du plaisir de ses lecteurs à son plaisir d'artisan, toujours au bord de nous dire qu'il y avait peut être plus important que ses petites histoires, mais finalement non. Je lui doit d'avoir compris que l'humour était moins la politesse du désespoir que celle du désenchantement. Tout n'est pas explicite chez lui, mais, sauf dans les derniers livres, je n'ai jamais senti l'espèce d'agacement que je ressens parfois aux obscurités des autres (je supporte très bien les miennes, en fait). Par un préjugé favorable, je me berce au saugrenu de l'auteur, acceptant de ne pas tout comprendre de la rencontre d'un vieux commissaire rhumatisant avec un tendre vautour apprivoisé, ni même du bien et du mal dans la police d'Amsterdam.
Oui, c'est peut être pour cela que j'ai aimé son trio de héros récurrents : je ne suis pas sûre qu'ils m'aient rendu le monde plus compréhensible. Mais, en acceptant avec cette bonhommie là, que je pose un instant ma tête sur leur épaule pour qu'ils m'entourent d'un bras fraternel, temporaire et virtuel, ils m'ont rendu plus supportable ce que je n'en comprend toujours pas.



Promis, on parlera de Vargas et de Van Gulik.
Et puis, les furtifs, vous avez le droit de vous lâcher. la blogoboule est en vacances, on reste entre nous. Des bises à tous.

30.7.07

Lecteurs Anonymes. Suite du carton en S.

Bonjour, je m'appelle Anita, et je suis accro aux livres depuis l'âge de 6 ans. Je ne peux pas vous dire comment ça a commencé. En fait, je crois que toute ma famille est accro.Pour eux, c'était naturel, ils ne se posaient pas questions. Quand j'étais petite, personne ne m'a prévenue que j'allais bouffer de la poussière, ruiner le dos de mes déménageurs bénévoles, dépenser l'équivalent du PIB de la République de San Marin, et faire crâmer les purées de mes bébés. Et je ne parle pas des nuits sans sommeil.
Je décroche petit à petit. Mais j'ai encore des rechutes. Vous savez ce que c'est, on croise des dealeurs à chaque coin de rue.
Mais ce n'est pas de retomber dans la dépendance qui me fait honte.
Non, le pire, c'est... c'est que...
C'est moi qui ait fourni leur premier livre à mes enfants.
Et maintenant, ils sont accros. (sanglot)


LE CARTON EN S


Dans le carton, il y avait aussi Albertine Sarrazin. C'est presque machinalement que j'ai empoché le Journal de Fresnes. Elle est depuis si longtemps avec moi, a fait tant de déménagements que je ne me suis pas aperçue à quel moment je suis devenue beaucoup plus vieille qu'elle ne le serait jamais.
Figure paradoxalement tutélaire de mes 15 ans, brune, nette, écrivaine, taularde et morte, comment n'aurait-elle pas versé un baume sur ce qui poussait, incohérent et dépareillé en mon propre coeur?
Elle m'apparaissait incroyablement assurée, et il me faudrait des années pour concevoir que les gens si semblablemement sûrs n'écrivent point, et comment les mots jetés, un à un, comme on s'applique précautionneusement à respirer pour éloigner la douleur, comment les mots vous tiennent debout.
Dans mon adolescence trop peu bornée, il y avait un véritable espoir à lire la liberté gagnée dans l'étroit corset de la cellule et des jours judiciairement comptés.
Je ne sais pas si je relirais l'Astragale ou La Traversière. La Cavale, oui, sans doute.
Mais plus encore ses journaux, ou les biftons de prison. Ces écrits, toujours adressés à quelqu'un, ne serait-ce qu'à l'ombre de l'Administration Pénitentiaire susceptible à chaque instant d'y jeter un regard malveillant, offre un mélange d'intimité, de masques choisis, de préciosité et d'abandon, qui ressemble très fort à un exercice actuel que nous connaissons tous ici. Et quelle écriture, incisive et sensuelle!
Pour ceux que la biographie intéresse, notons que l'histoire d'Albertine trop vite disparue est le genre de roman qu'on n'oserait écrire qu' à 18 ans. Enfant des "amours" ancillaires d'un médecin militaire petit et alcoolique ayant engrossé une jeune bonne de 15 ans juive algérienne, (c'est dire, en 1937 la considération qu'on devait lui témoigner), elle fut abandonnée à l'Assistance Publique, réadoptée clandestinement par ce père, dont la femme, stérile, ignora tout du lien entre lui et cette enfant. Elle fut à 10 ans violée par un oncle paternel, enfermée par la volonté de son père au Bon Pasteur à 15 pour des manifestations somme toute classiques du déchirement adolescent, et pour lesquelles, n'importe qui, au courant de son histoire, lui aurait trouvé des circonstances exténuantes.
Evadée, auteur à 16 ans d'un casse minable et maladroit (elle en fera, semble-t-il, de plus brillants avec son époux), l'intelligence confondante de ses journaux intimes saisis au cours de son arrestation, la firent déclarer "perverse constitutionnelle" par la justice et condamner à 7 ans de prison.
Encore un triste cas d'héritabilité du trouble du comportement, mais il eut été sans doute préférable, pour la morale, sinon pour la littérature, de fourrer le médecin-colonel et son frère en taule avant leur fille et nièce. Ce ne fut pas le cas, et le père put tranquillement entamer la procédure destinée à ôter son nom à cette enfant dont la conduite lui faisait franchement honte, et qui ne fut pas assez reconnaissante d'avoir été "ramassée dans le ruisseau" (sic).

Que celui qui redonna vie, amour et nom à l'enfant algérienne reniée soit un Sarrazin, qu'elle ait échangé le patronyme d'un vicieux honnête homme contre celui d'un intègre malfrat, est encore un exemple de ce qu'on n'oserait inventer dans cette histoire.

Voila, Albertine va sortir de sa cellule cartonnée, et je vais relire en plein soleil, cet anté-blog, ce passe-peine vital et exigeant.

29.7.07

haiku breton


Bruine dans mon cou
Les mouettes font du sur-place.
Le phare est éteint.

un carton en S

PRÉLIMINAIRE IMPORTANT :

1)une bibliothèque entière laissée trop longtemps abandonnée peut avoir des réactions imprévisibles. Un livre frustré peut se mettre à gémir, à peine à l'air libre " prend moi tout de suite, oui là! à même le sol!" "un autre peut s'ouvrir sournoisement à la page où vous aviez glissé une lettre d'amoureux d'avant l'ère du mail, ou un billet d'avant l'euro, deux objets sans aucune autres espèce d'utilité que de vous mettre la larme à l'oeil et de vous faire oublier vos obligations ultérieures.

Je conseillerais donc à ceux qui s 'y risquent, de prendre quelques élémentaires précautions : ne partez jamais sans avoir averti quelqu'un de l'endroit où vous étiez et sans avoir donné une heures limite de retour, vérifiez que vous n'avez rien laissé dans le four, munissez vous de provisions suffisantes, pistaches, thermos de thé, pommes. N'oubliez pas les mouchoirs, certains tire-larmes sont particulièrement invasifs. Prévenez l'entourage de vos possibles changements physiques. Cet oeil de lapin myxomateux, ce nez en patate dégoulinante, ces ongles dévorés, c'est peut-être vous. Par contre, vous n'êtes nullement obligée d'avouer que c'est la mort de Beth dans "les 4 filles du Dr March" et pas celle de Fantine dans "les Misérables" qui en est la cause.

2) n'attendez des posts suivants aucune espèce de critique littéraire. D'ailleurs, je suis rétive à l'exercice dans les deux sens. Il suffit parfois de me faire l'éloge passionné d'un livre pour le rendre aussi tabou à mes yeux qu'un homme dont une autre femme m'aurait vanté les qualités au lit.



UN CARTON EN S.


Celui-ci semble faire partie de ceux qui furent à peu près classés avant migration. Tous sont des romans dont l'auteur à la lettre S pour initiale, en éditions bon marché pour la plupart. Compte tenu de ma consommation de base, de mon incapacité à emprunter, ou plutôt à rendre les livres de bibliothèque, j'ai attendu un âge canonique avant d'oser les éditions de collection.

Il y a du beau monde chez S. Qu'on me pardonne d'avoir laissé de coté "la bonne grosse montagne en sucre" de Wallace Stegner. Bien qu'il fut tentant, avec ses huit cent pages, son sucre est trop chargé d'une sorte particulière d'amertume finale pour qu'il soit raisonnable de le relire maintenant.


Mais j'emmène les nouvelles de Salinger. J'avais pris cette photo, un jour, et l'aspect légèrement inquiétant qui surgit du noir et blanc, me fit associer sur le titre de la nouvelle de celui-ci.(Un jour rêvé pour le poisson banane) Ai-je raison de sortir ce livre du carton, alors même que l'auteur vit reclus depuis cinquante ans, s'il n'est mort?
En voilà, un écrivain de la faille. Sur un mode comique les indications qu'il donne sur ses personnage ressemblent à la noisette de l'écureuil fou de l'Age de glace. (je vous avait dit de ne pas compter sur moi pour la critique littéraire!) Autrement dit, il vous montre la mince fissure, s'arrête juste au moment où elle s'élargit. Deux pages plus loin, et vous tomberiez en pleine glaciation, pour des siècles, et il ne vous resterait qu'un rire à mi-chemin et une pitié déchirée.
Parce qu'il y a fort à parier que ni l'intelligence blessée, ni l'oxymore de la rage tendre ne parviendront à maintenir suffisamment contenus les bords de cette plaie qui menace éternellement béance.

Oui, je vais le relire très vite, et puis l'enfouir à nouveau dans un carton, en hommage à l'auteur, avec amour et abjection.

28.7.07

Livres, est-ce chronique?


Depuis que je suis ici, ma bibliothèque est encore rangée sous forme de cartons exilés au bout du jardin.
Chose choquante pour la blogueuse qui vint me voir, elle même plus que férue, imprégnée, imbibée, imprimée presque, de papier .
Chose frustrante également, puisque comme moi, elle consulte, pour connaître ses hôtes, plus volontiers encore leur bibliothèque que leurs souvenirs d'enfance.
Oui, oui, je connais bien ce coup d'oeil leste et photographique vers les lectures des autres...
Ainsi, j'admis le quasi scandale de cette chair vive entassée dans un recoin, en ordre hâtif, d'abord à peine alphabétique, puis totalement à la va-comme-j'-t'épouse, au fur et à mesure que l'échéance du déménagement se précisait.
Je résistais pourtant à l'injonction, amicale et ferme de faire cesser cette menace d'anolexie mentale.
Car pour la toxico que je fus, pour celle que la promesse d'un livre tout neuf dans son sac faisait saliver aussi sûrement qu'un chien devant une saucisse, il y a une incroyable légèreté à cette situation. Les livres, c'est comme les bambous ou la pervenche. Une fois bien installés, il est illusoire de leur astreindre une place. Ils glissent, débordent, s'empilent, se coincent sous les fauteuils, plongent dans les baignoires pour en ressortir hilares et gondolés, empêchent les portes de s'ouvrir et les glissières de fermer, dégringolent des étagères, fuguent dans le jardin, bossèlent votre lit conjugal.
Je crois même que malgré l'inscription au copyright, ils se reproduisent clandestinement, dans une forme de vie autonome qui m'a toujours semblé quelque peu effrayante.
C'est d'ailleurs sans doute la raison pour laquelle, malgré tous ces barrages contre le Pacifique, des exemplaires furtifs et décidés ont réussi à rejoindre la tête de mon lit.
Et parce qu'avec eux, rien n'est stable, tout est toujours insidieusement mouvant, parce qu'il fait enfin beau, que la plage me tend les bras, je suis allée faire un prélèvement, comme un scientifique fait une carotte dans la banquise faussement immobile pour en surveiller l'état, ou dans un mammouth pour en connaître l'histoire.
Il est possible que que je vous tienne au courant des résultats de ces ponctions.
Ainsi, belle B., tu en sauras plus encore sur moi que tu ne l'aurait fait devant la bête entière.
Tu sauras ce qui m'arrache un cri de nostalgie, un soupir d'attendrissement, un frisson respectueux, un tendre sourire. Ceux, devant qui, je rend les armes, et que je prends sous mon bras.



(photo déja publiée dans lookskedenn)

25.7.07

Eté, demeurer.



Depuis quelques saisons, je ne suis pas en vacances.
Je suis chez moi.
Vacante dans ce paysage familier.
Sans autre luxe que celui du temps d'aller saluer des rochers très aimés, des vols de hérons et d'héroïques rosiers bravant le vent de la baie.
Sans autre effort que celui de choisir l'orientation, le grain de la plage où dérouler mes os sous l'éphémère soleil, regarder mes filles se poudrer de sable et de sel, et rêveusement, poursuivre, à mains nues, la transparente crevette dans la flaque.
Me demander, pourquoi ce pays m'a ainsi, par surprise, assignée à résidence, comment il a fait de moi, une vagabonde d'un arpent trois-quart. Ne pas connaître la réponse, ne pas le vouloir.
Seuls luxes, mais quels.

20.7.07

C'est curieux ce besoin qu'ont les marins, de faire des phrases...*


La phrase du jour d'hier venait, comme je le disais en commentaire à EOR, de l'Almanach du Marin Breton.
Ce nom seul, fait naître sur les lèvres des initiés, un sourire erratique, mi reconnaissant, mi-ironique.
Ne voyez aucune accointance dans cet Almanach avec son facétieux collègue à gros ventre, ce Vermot tressautant de rire vulgaire à la fin du banquet arrosé.
Le Maron Bretin est pragmatique, concis dans ses informations techniques, et itérativement poétique pour le terrien-ou le marin du dimanche, ce qui est la même chose.
Où donc, hors ces pages, y rêver sur le Chenal de la Moisie, dont on y apprend qu'il est " franc et profond, mais soumis à de forts traversiers"?
Qui d'autre pourrait nous rappeler que le Banc de la Mauvaise porte bien son nom, et qu'il faut éviter de se laisser tenter par le raccourci entre les bouées 4 et 6, tant y est présent le risque de déferlante?

Dans son ancienne version, ces renseignements indispensables, s'accompagnaient de saynètes, nouvelles, conseils du jour et apophtegmes sans réplique.
Moral, voire vertueux dans son rôle de distracteur prudent de l'homme embarqué, l'Oeuvre de l' Almanach tentait de lutter contre tous les fléaux guettant le marin. Entre deux descriptions de signaux à distance:

-Yankee/golf: il semble que vous n'observiez pas le dispositif de séparation de trafic- ce qui est plus courtois que: "tribord connard!"

l'Almanach adjurait le marin de rentrer chez lui aussitôt son sac déchargé, de remettre immédiatement sa paie à sa femme, ou, s'il n'en était point pourvu, à sa mère.
Elles seules, et les conseils prodigués à longueur de page, pourraient éviter à l'homme de trébucher sur ces deux brisants redoutables : l'Alcoolisme et le Communisme.
A voir hier, la fête organisée sur le port, par la section locale du PCF, il est à craindre qu'ils n'aient échoué, plus radicalement dans un cas que dans l'autre, d'ailleurs.
C'est sans doute parce qu'il le sait, que l' Almanach est venu à une formule plus technocratique, où seuls les hauts de pages portent encore des sentences propres à raviver la nostalgie des afficionado, ceux qui, comme moi, pouvaient acheter le volume de l'année, même à 300 km de la première flaque d'eau salée.
Car, comme il est dit à la page 223 de l'édition 2007: "le bonheur n'est pas dans la recherche de la perfection, mais dans la tolérance de l'imperfection."
C'est pour ça que je l'aime.

* in Les Tontons Flingueurs, of course (au large)

19.7.07

truc idiot du jour.

Planter un arbre en dix secondes : ici, par exemple. Garanti sans tour de rein. Mange pas d ('arbre à)e pain.

Phrase du jour.

Les bateaux sont plus en sécurité au port. Mais ils n'ont pas été conçus pour cela.

16.7.07

aiguillage


Je me souviens de ce très beau texte de Scott Fitgerald qui s'appelle "la fêlure", et qui décrit ce moment où une faille imperceptible change le destin d'un homme.
Dans mon propre imaginaire, cette modification de la destinée prend très nettement une dimension temporelle plus que spatiale. Je la nomme point de cristallisation, instant de bascule, voire effet cliquet quand je veux me donner l'impression de connaître quoi que ce soit en économie.
Quelque soit le nom que je lui donne, cette tache aveugle, cet instant suspendu me fascine.
Chez moi, chez les autres.
Ce ludion inventif, éternellement rebondissant, est-il devenu pour de bon un raté? Ce chantre de l'amour universel sait-il que son toujours neuf ballet de séduction l'a insensiblement amené à la pathétique position de vieux beau, quêtant une gratification de plus en plus compatissante?

Je ne peux dire où et quand l'insolente originalité de cette femme s'est muée en aigreur célinienne, ni à quel moment le raccourci étincelant s'est transformé en préjugé hargneux. J'ai presque perçu le moment où cela a cessé de me torturer, ce lâchage soudain, à la fois minime et définitif, quelque part entre plèvre et péricarde, lorsque j'ai enfin vu la toile peinte , les grossiers artifices du drame répétitif et grinçant. Mais sûrement, cela avait commencé avant, les premières fibres de la laisse s'étaient rompus bien avant.
A quel moment cela a vraiment fait sens?

Et sur mon propre visage, ces deux plis sévères de la bouche, ce regard parfois fixe, cette tendance à la rumination, ce besoin réïtéré de me désentraver, dans combien de temps auront-ils fait de moi, pour toujours, une errante préoccupée, solitaire et marmonnante?

12.7.07

immunité.

Un Roumain,qui avait assigné Dieu devant la justice pour escroquerie, vient d'être débouté de sa plainte, par la justice de Timisoara, au motif que Dieu n'était pas sujet de droit, et n'avait pas d'adresse. (source Libération)
Il faut reconnaitre qu'il est difficile de croire que Dieu ait pu être à Timisoara, au contraire de la Presse.
M'enfin, je soupçonne encore un cas d'immunité, qui une fois levée, annoncerait une belle pagaille.

concours de chats

Voilà, y a bon pour ton poil qui organise un concours de chaton. C'est parfaitement idiot, et cela ne m'étonne pas de ce suisse et triste individu.
Mais comme j'avais justement une photo et l'immense flemme de poster, voilà... C'est bon pour le poil dans la main.


Non l'esprit n'est pas encore là
réunissons nos fluides...
Les Frères Jacques)

9.7.07

Limbes


Sur la photo,
Il y a le père,
Il y a la mère
Et puis l’enfant qui n’est pas né.
S’il te plaît, dessine-moi,
A dit l’enfant qui n’est pas né

Alors, maladroits, attentifs
Ils ont tenté
D’esquisser ce qui n’a pas été.

C’est un dessin à la plume.




(Un texte ancien, en écho à celui de Tiphaine, ICI)

6.7.07

Paris carbet


(pour Still)
Tu raconteras? m'a-t-elle demandé.
Raconter? Mais je ne sais pas faire quand c'est trop près du coeur, je m'emmêle ou bien j'ellipse de trop. Et puis j'ai toujours un peu de vergogna à mettre à l'encan ce qui, même joué en place publique, procède de l'intime.
Mais c'était bien, ça oui.
Tu te souviens, quand Diogène disait qu'il avait eu la chance de mai 68, et que nous avions celle d'internet? Je crois que c'était cela, mon bonheur de ce moment. Ce qui rompt les cercles de craie, mélange les genres, tricote en dehors de la génération. Ce qui fait la parole, comme une eau qui court. Oh oui, nous sommes bavards!
Le café? Je ne crois pas l'avoir très bien vu. Il y avait tant de monde qu'il me laisse le souvenir d'un café brun, comme en Hollande, mais peut-être juste parce qu'un jour, là bas, j'ai vécu un moment comme celui là, où les discussions partent comme des sentiers dans le maquis, où l'on ne va au bout de rien, ni des verres, ni des propos, où l'on finit parfois la phrase de l'un avec le verre de l'autre, sans même s'excuser, où l'on attrape un rire à l'autre bout qui vous fait sourire sans envie, parce qu'on n'est pas là pour tout voir , tout saisir, pas là pour dire de chaque parcelle qu'on y était, qu'on a tout compris de l'instant, du moment.
On est juste là pour faire chaud, pour faire caillou dans l'eau, bribes, étincelles, transparence en fragment, éclat.

Et puis on repart, avec dans ses poches, un peu plus que ce qu'on y avait cherché.
De la cannelle et la muscade par exemple.
Raconter? je ne sais pas.
Mais la prochaine fois, belle Dame, je t'emmène.
Merci à Oxygène, Ada, Traou, Kozlika, Matthieu, Pascal, Mr Ka, la Bacchante, Fauvette, Mlle Moi, Thomas, Bertrand et les autres.

3.7.07

consolation


Ce que la pluie enlève de réjouissance à la peau et à l'oeil, elle le rend, généreusement, au nez sensible.
Mon jardin sent le vent de la mer, l'humus léger, la rose qui sent, elle-même, le litchi et l'abricot plus encore que la rose, la menthe folâtre, l'oranger du Mexique. Et dominant le tout, pour peu qu'on la sollicite du bout des doigts, l'odeur unique d'algue poivrée du dimorphoteca , qui semble décupler à chaque ondée.

(Bonheur sur toi, Anita, tu pars tout à l'heure à la grand ville! A toi, la cinglante odeur d'humanité saturée et de gaz brûlés... Vi, mais il y a les amis. Et avant qu'il ne proteste, je le dis haut et fort: Mr Ka sent sûrement très bon.)