31.3.08

une révolution.

Et puis un jour, on ose relever la tête. Enfin, pour moi, cela s’est traduit comme cela : j’ai commencé à arpenter la vie en ne contemplant plus le sol, courbée que j’étais sous le poids de mon encombrant boulet, mais redressée, regardant les autres dans les yeux, et l’horizon vers lequel j’allais...

je ne sais pourquoi j'avais attendu si longtemps. Peut être parce que c'est le propre des boulets que de tenir à nous par de multiples fibres, objets d'attachements autant que d'agacement. Mi-fierté, mi-poids. Mi-stigmate, mi-symbole.
Il fallut peut-être quelque-chose dans l'air du temps, une autorisation implicite pour secouer tout ces attermoiements, pour m'aider à franchir ce que je ne savais pas encore être l'un des caps de mon existence.
Je peux parfaitement me souvenir de la date : j'ai redressé la tête le 9 mai 1981.
Ce jour-là, j'ai sacrifié une part de moi-même, dévorante, invraisemblable, un excès chronophage, un embrouillamini effréné, qui après m'avoir tout autant cachée que désignée, tomba de moi en copeaux silencieux et soyeux, sous les ciseaux d'un coiffeur navré et stoïque.

Ceci est ma huitième participation au sablier de printemps.
Petite précision pour le lectorat d'ailleurs, le 9 mai fut, comme chaque année, la veille du 10 mai, mais le 10 mai 81, la France entière changea de tête.

edit: l'amorce vient du blog de Traou qui, elle, changea de tête, en se laissant pousser les cheveux!

30.3.08

D'un bord à l'autre


(photo prise le 6/4/08, entre 12 et 13h)

L'humanité se divise en deux camps bien distincts que tout oppose irrémédiablement.
La ligne de fracture passe très précisément au milieu de la table de ma salle à manger...


Il y a , d'un coté, ceux qui sont capable de tenir une contrainte jusqu'au bout, par pur plaisir de la spéculation, jusqu'au vertige. Pour la beauté de la contrainte, pour la justesse réthorique, pour l'échafaudage rigoureux, à défaut d'être constamment gracieux. Ceux-là vous auraient refilé, une fois de plus la rengaine des dis-moi dix mots dans ce billet. Oh! cela aurait été sans difficulté qu'ils auraient imaginé un Xave et une Isolde tartinant (généreusement, bien sûr) une pâte chocolatée sur une tranche de pain de forme ronde (pour y glisser le nombre π).
On aurait fait, sur le mode badin, une ligne de fracture entre ceux qui tartineraient avec le couteau et ceux qui utiliseraient pour ce faire une petite cuillère. Cuillère ou couteau dans le N***tlla, d'une part, c'est une vraie ligne de démarcation psycho-sociologique, mais en plus cela permettait de glisser une phrase du genre "ouaip! pourquoi pas un tire-bouchon"...


Et puis, il y a ceux qui joueront le jeu, une fois, deux fois, six fois même... Puis qui s'arrêteront, rattrapés par la crainte que le jeu ne dévitalise un moment doux et chaleureux. Pour ceux-là, les mots "conditions générales de vente" évoqueront pour toujours, la visite d'une dame qui ne fait pas semblant de rire, qui ne fait pas semblant non plus devant la faille, qu'il était si simple de voir en cette maison, si justement commensale que les chats n'en dressaient pas l'oreille.
Pour ceux-là, le jeu n'est tolérable jusqu'au bout, que s'il laisse sourdre l'écho sous la contrainte, ne se justifie que si les grains du sablier, fusant entre les doigts, dessinent une figure familière, modeste et inlassablement surprenante : une promesse d'amitié.

Septième participation au sablier de printemps.

Vogue la galère

Ça y est enfin. Cela fait des semaines que je pense à ce moment. Comme le dit le dicton coréen, « le meilleur moment quand on fait l'amour, c'est quand on monte les escaliers ». Un bordel monstre règne dans et sur mon bureau. Rien à battre.
Pousser d'un geste badin le prospectus du magasin d'à coté, qui annonce entre deux miettes qu' i (miette) solde ses nappes parme à moins cinqua(miette) pour cent et dont seul l'examen attentif des conditions générales de vente diminue la générosité de l'offre puisque les cinquante pour cent concerne la surface de ces nappes et non leur prix.
Faire tomber le stylo, le reste de sandwich producteur de miettes, le tire bouchon en forme de pin-up aux formes généreuses, le récapitulatif des impôts, et même le chat Xave qui s'en va l'air offensé, la queue en l'air vers la chambre à coucher.
Négliger les appels de la marmaille qui meurt de faim et ceux de la blogosphère qui réclame son billet avant midi.
Virer le calendrier des marées 2007, poser sur le bureau libéré celui de 2008, ouvrir le grand livre du Manuel de Navigation des Glénans.
Prendre une grande inspiration.
Cette année, j'essaie de comprendre quelque chose aux calculs de marée, aux coefficients et aux calculs de courant.
Ça m'évitera, le jour où Dame Koz revient me voir, de l'envaser 3, 1416 fois sur un demi-mille .
Ce qui me permit de vérifier qu'elle est un mousse de première force, mais bon.

Voyons, le 6 avril prochain, la pleine mer devrait se situer entre midi et treize heures....


Participation 6, hors délai, au sablier n°6 et au dis-moi dix mots.

28.3.08

j'aurai voulu être un artiste.

Certains soirs, pour faire mon intéressant, il m'est arrivé de monter sur une chaise, de me draper dans un torchon à carreaux, et de déclamer une poignée de vers avec des accès de lyrisme proportionnels à mon taux d'alcoolémie. Il s'agissait de l'extrait suivant :

''C'est pas marqué dans les livres
Le plus important à vivre
C'est de vivre au jour le jour
Le temps c'est de l'Amour''


J'avais l'air de rigoler, et ça faisait bien marrer aussi ceux que j'appelais mes potes. Mes potes, ma bande, tes amis , disait ma mère. Tes merdeux disait mes frères.
Rien, a dit mon père lorsqu'il a poussé la porte de ma chambre à coucher, et qu'il m'a vu, avec mon torchon parme, le tire bouchon en guise de micro, avec Xave et Isolde à moitié écroulés qui reprenaient en coeur:
« Tu sais, non, je n'ai plus à cœur,
De réparer mes erreurs ou de,
Refaire c'qu'est plus à faire :
Revenir en arrière... «
Je suppose qu'il a cru faire preuve de générosité en ne m'envoyant pas une de ses beignes habituelles et en se contentant de me demander d'un ton badin si j'avais lu les conditions générales de vente de ce tire-bouchon avant de l'utiliser de cette façon.
J'ai entendu toute la bande rire d'un rire servile et je les ai haïs. De toutes mes forces. Surtout quand mon père a tourné les talons et que Jacques m' a demandé d'un air cauteleux :
« Et alors mon petit, tu ne m'avais pas dit que ton père était dans la salle? »
Je me vengerai. De tous. Demain, je change de registre. Tiens, la permanence du Parti repéré est ouverte entre midi et treize heures, le 6 avril, je vais m'inscrire. Dans dix ans, je prend le pouvoir. Non, mieux, je fais mon parti. L'UM-PI, rien que pour moi, ça me permettra un meilleur rayon d'action. Après je me paye tous les chanteurs que je veux.
Non. Mieux. Une chanteuse. Rien que pour moi. Canon.
Je vais tous les niquer.


5° participation au sablier de printemps, couplé avec les dis-moi dix mots.
Et l'amorce venait d'un billet bien senti de le chieur (une huile de la blogosphère)

"Ce que mes vers à l'âme sont."

Vous savez pas la dernière ? Il parait que j'ai un blog. Oui, oui, un de ces machins sur Internet où je raconte ma vie.

Cette phrase est une amorce.
Une boette de première.
Un truc à attirer le poisson, le chaland, la baleine.
Le pigeon?
Car blogger, ce n'est pas seulement écrire, ni lire les autres. Non, le fin du fin, le délectable plaisir, ce qui fait de vous un blogueur émérite et griffu, c'est de pousser quelqu'un d'autre dans le trou.
En un rien de temps, l'innocent quidam, qui n'avait jamais rien écrit d'autre qu'une carte de voeux à sa grand-mère, se met à produire une quantité effroyable de chaine de mots, expose les dessins qu'il aurait enfermé dans un tiroir jusqu'à leur découverte par des héritiers effondrés. Ou photographie le moindre pouce de l'usine désaffectée d'à coté.
Ou bien, publiquement, cuisine, tricote, coud, râle, chante, voyage, s'interroge, propose une aide, en reçoit, réfléchit, échange une confiture d'ananas contre feuille vigne farcie et essaye désespérement de faire entrer dans un texte dix mots contraints , comme π, conditions générale de vente, et huit autres que vous imaginez sans peine**.


Vous savez pas la dernière ? Il parait que j'ai un blog. Oui, oui, un de ces machins sur Internet où je raconte ma vie.
Petits, petits petits....



Quatrième participation au sablier de printemps.
, sur une amorce de Krazy Kitty, même ki faut aller la voir, parce que c'est vrai qu'elle a un blog et qu'il est bon.


* Boby Lapointe
** je savais que vous m'attendiez à ce tournant! Des bises et des embruns à tous, je manque un peu de temps pour répondre aux comentaires et en laisser chez vous. Mais je lis, je lis.

26.3.08

En cas d'insomnie, retourner le sablier.

Il est trois heures du matin, je n'arrive pas à dormir. J'entends le bruit de la mer, des vagues qui s'écrasent contre la falaise en soupirant, en rongeant de leur larmes les pierres insensibles.
Je ne sais pas pourquoi je me suis réveillée, dans cette chambre à coucher qui ressemble à une cabine de bateau.
Je sais juste que je viens de l'être, que j'ai erré de longues minutes-une heure? - dans quelque chose qui n'était pas le sommeil et pas encore l'insomnie, dans cet état confus où le cerveau joue à saute mouton et vous promène avec une humeur badine de réminiscences absurdes-
cet air d'opéra :
(ohne End',
ohn' Erwachen, )

d'où vient-il?*
et la fin de cette histoire d'explorateur qui faisait tourner une panthère au dessus de sa tête pour obtenir 2x π panthère (deux pipes en terre), merde, c'était quoi?
-en préoccupations terre à terre et, à cette heure là, comme frappées d'irrémédiable:
Avec qui ai-je rendez vous le 6 avril prochain entre midi et treize heures?

Je ne sais pas pourquoi je suis réveillée, mais je me connais assez pour savoir que je ne pourrais me rendormir qu'en ayant assemblé le puzzle désordonné en une figure un tout petit peu cohérente, lorsque j'aurai désamorcé ce qui bute et embouteille la pensée.
Redressons-nous sur l'oreiller, et amorçons la séquence tire-bouchon.
Ah. Kozlika est dans ma maison. L'opéra, le tabac. Les rendez-vous aussi-j'ai eu itou une dame du mardi. Oui, cela a à voir avec sa présence.
Mais pourquoi ce réveil?
J'ai peur qu'elle s'ennuie, qu'elle dorme mal, que le vent la gêne, qu'elle ait froid.
Mais ého!, elle est la générosité même, pourquoi t'en voudrait-elle? Tu lui a donné les conditions météo, ce que tu as appelé en plaisantant « les conditions générales de vente du séjour! » Et puis, le temps instable, cela fait des couchers de soleils magnifiques, du bleu au parme...
Décidément-et je m'engueule- qu'est-ce qu'on est doué pour s'enquiquiner la vie et toujours prêt à faire pénitence ( X ave et dix je vous salue...) pour trois fois rien.
Allez ton invitée dort.
Ou alors elle blogue et c'est tant mieux.
Alors, tu vois bien, ce n'est pas une insomnie. C'est une veille. Et puisque tu n'entend nul bruit venant de sa chambre, rendors-toi.
Ou blogue.



C'est la participation n°3 au Sablier du printemps.
Petite précision, particulièrement à mon gentil lecteur qui était persuadé, à la lecture du précédent billet, que j'avais échangé un vieil époux, des filles en grande partie ado et une ravissante salle de bain contre un jeunot, deux marmots et une immonde salle d'eau que tout ceci n'est qu'une fiction, prétexte à utiliser une amorce et dix mots.
A part évidemment, que j'ai le plaisir immense de recevoir une dame d'une rare générosité. Je le dis pendant qu'elle dort. :-)

* "sans fin, sans réveil": Tristan et Isolde
L'amorce est tirée du blog de Zoridae

25.3.08

sablier, brosse à dent et tire-bouchons.

Il faut que je vous raconte… C’est une drôle d’histoire en fait, une histoire de brosses à dents ! Dingue !!
En fait tout a commencé alors que j’étais chez B. toute la semaine dernière. Nous avions bien senti que quelque chose se tramait dans la salle de bain, et puis il fallait se rendre à l’évidence, il y avait des signes avant-coureurs qui ne trompent pas…

Il faut dire que la salle de bain est une pure horreur, du genre parme avec un filet beige antique, exactement le genre de sanitaires qu'un vendeur d'humeur badine refilerait à un daltonien qui ne lirait jamais les conditions générales de vente, et surtout pas celles concernant le délai de rétractation.
Je la hais. C'est LA pièce qui m'interdit de décider mon installation chez B.
Bref.
Les signes avant coureurs, c'était l'absence totale de bruit. Généralement, lorsque Xave et Isolde sont dans la salle de bain, on perçoit le volume sonore d'une maternelle entière, avec glissades, trilles, couinements de jouets en caoutchouc, crachotis de dentrifice qui poudreront généreusement le miroir, sans compter le lot de noms d'oiseaux habituel entre frère et soeur.
La routine.
Là rien. Mais rien à point si inquiétant que leur père et moi quittâmes la chambre à coucher d'un commun élan pour voir ce qu'ils tramaient.
Les deux loustics, silencieusement penchés sur le lavabo, essayaient de comprendre comment ils avaient pu introduire leurs deux brosses à dents en même temps dans le siphon. Même en se livrant à un savant calcul-et en supposant qu'à 4 ans ans, ils eussent connu la valeur de PI,c'était impossible.
Je le sais, j'ai vu à la tête de leur père qu'il le calculait.
Et bien entendu, même avec un tire-bouchon, l'extraction était impossible. Restait la masse.
Rarement, j'ai démoli un lavabo avec autant de jouissance.
Le résultat, c'est que le 6 avril prochain, B. commence une nouvelle salle de bain, bleu des mers du sud, et moi, j'emménage. Entre midi et treize heures.

deuxième participation au Sablier de Printemps, couplé avec le dis-moi dix mots.

24.3.08

huit jours, encore heureux que c'est pas 53...

Maintenant que l'affaire est médiatisée, que non seulement les sites internet, mais aussi la radio et la télé parlent de l'affaire, je me sens plus libre d'en parler.
En fait, je n'ai jamais été très à l'aise avec le jeu du sablier, initié par Kozlika, et repris par Xave, entre autres
Ce n'est pas que je craigne, en soi le principe de la contrainte littéraire. Elle aurait même plutôt tendance à exciter chez moi une humeur badine. Etre tenue, et ce avant le 6 avril prochain, entre midi et treize heure, de réécrire dans sa chambre à coucher la tragédie de Tristan et Isolde dans le style du catalogue des conditions générales de ventes des regrettés cycles Manufrance, ça ferait plutôt l'effet d'un tire-bouchon sur mon habituelle rétention.
Il y a en soi, de la générosité chez mâââme Koz, à pousser ainsi son prochain à sortir du cercle habituel, forcement restreint de ses préoccupations et de ses procédés d'écriture .
Je ne crois pas me tromper, en prêtant à Kozlika et à sa bande, une tendresse spéciale à Perec, dont le dernier ouvrage inachevé mentionnait, entre autres échafaudages périlleux, une acheteuse de Parme... Oui, la contrainte et on le sait depuis les Grands Anciens de L'Oulipo, a un effet démultiplicateur, quelque chose comme un Pi du style. (enlarge your PI-style! ça,c'est de la contrainte littéraire de robot spammeur!)

Donc, ce n'est pas l'obligation de farcir mon texte avec des mots imposés, de les commencer comme-ci, de les pondre avant telle heure qui me gêne, et qui fera de ceci, peut-être le seul exemplaire posté sur ce blog, de ce jeu-ci, et aussi de celui là.

Non, ce qui me gêne, c'est qu'elle a l'air de croire que le difficile, en la matière, c'est de commencer un texte. Alors que le plus dur, c'est de le finir. Comment voulez vous trouver une chute pour une ineptie pareille?
« C'est la morale de mon histoire,
moi je la trouve chouette.
Pas vous?
Ah bon. »

Renaud – Gérard Lambert.

(ma participation à l'amorce 1 du sablier de printemps, couplé avec le dis-moi dix mots, chez Kozlika)

L'amorce, en italique, est issue d'un billet de TarValanion

Pêche à pied.



Il n'y aura pas de photos. Parce que gratter ou viser, il faut radicalement choisir. Alors il va falloir que je tâche autrement.

Il faut imaginer que la rivière est réduite à quelques rubans de métal dépolis. La mer est d'un vert d'huître, plate, à peine ourlée, le sable est glauque. Le crachin a tamponné toutes les couleurs et il faut bien le jaune acéré des ajoncs pour transpercer ce coton qui étouffe les bruits et ravive les odeurs.
Le pied s'enfonce légèrement dans cette vase rincée deux fois par jour, qui n'a rien de fétide. Des coques, comme s'il en pleuvait d'en bas, une abondance inconcevable, un filon nourricier qu'on dédaignera cette fois.
C'est la palourde que nous sommes venus chercher, plus discrète, moins grégaire. Le grattoir fouille, retourne un sillon presque noir. L'oeil déshabitué s'y perd le premier quart d'heure, puis très vite s'affûte à reconnaitre les deux petits trous dans le sable, et le profil ovoïde du meilleur coquillage des plages bretonnes.
On parle peu. Un grognement de satisfaction, la chute d'un caillou vivant dans le panier à maille, le sourire à l'envol d'un héron nous servirons de lien conjugal, une heure durant.
Ce n'est qu'en remontant le chemin parmi les racines lessivées des pins maritimes, fourbus, le pantalon trempé mais le chandail sec sous la vareuse de travail, heureux et bons derniers qu'on s'autorisera, en récompense tout autant qu'en avant-goût, à mordre le sel sur la bouche de l'autre.

23.3.08

Pâques



A vingt ans
J'aimais le coeur tranchant des choses
les belles idées
éruptives
Est-ce la sagesse
qui m'est venue
ou bien est-ce
d'avoir incisé
d'archaïques chagrins?
Je ne me fais plus scrupule
d'aimer la peau du jour
l'enveloppe facile
ce monde nommé
par la main bénigne
et sans hâte.

aujourd'hui
j'ai ramassé des moules.
L'eau était claire
et l'on voyait de loin
les enfants en manteau rouge.

17.3.08

Insomnie


Ah j'ai du génie
entre une et une et demie
entre deux eaux
entre deux o
entre deux oreillers.

J'ai du génie
j' vous dis
et mes poèmes
de la nuit
vous berceraient
comme des bateaux
à l'encre
si vous étiez ici

Vous m'y verriez
légère et brève
précieuse
comme le sillage fin
de mon rêve évanoui

Si vous étiez ici
vous me feriez récit
de tout ce que j'oublie
entre deux eaux
entre deux o
entre deux oreillers

Car j'ai du génie
mais seulement
d'une heure à une et demie



(un écho à ce texte-ci, chez JJ dorio)

16.3.08

Un marron et un marron, ça fait deux marrons...

Et une succession d'enjeux locaux, ça pourrait faire une claque.
J'ai pas suivi le baratin habituel des soirs d'élections, la télé m'est suffisamment insupportable comme cela.
Mais je vends mon bonnet rayé qu'aucun de ces messieurs décomplexés ne s'est posé la question : comment avons-nous fait pour dégoûter à ce point -même d'aller voter- ceux qui nous avaient quasi plébiscités?

La chanson ci-dessous n'a bien entendu aucun rapport avec le prochain conseil des ministres.
boomp3.com

14.3.08

L'oeil écoute


Invitée, il y a quelques années, à exprimer auprès d'un député blasé, les raisons pour lesquelles, je souhaitait le maintien du service de santé au sein de l'Education Nationale, du moins tant que celle-ci le serait (nationale), j'avais défendu la théorie suivante :
"Monsieur le Député, si les maires se battent pour garder ou faire revenir des boulangers dans leurs communes, ce n'est pas parce que leurs administrés manquent de pain."
Je crois que c'est là qu'il avait levé un sourcil. Et c'est sans doute grâce à cette phrase que j'ai obtenu dix minutes au lieu de trois, pour lui faire entendre que la place sociologique d'une profession dépasse largement son objet technologique. De dedans, ou de dehors, ce n'est pas pareil.

J'ai repensé à cet entretien à deux reprises cette semaine. D'abord, parce que cela fait trois fois que je fais office d'écrivain public pour des familles tétanisées par les innombrables feuillets à remplir pour la Maison Départementale de la Personne Handicapée.

Et puis, ce matin, parce qu'à la radio, on parlait des phares.
Les phares meurent de leur automatisation. Personne n'a pensé, en supprimant l'humaine et quotidienne présence, au fantastique pouvoir corrosif de l'air marin, ni au bénéfice d'un entretien banal, soigneux et journalier. Non les équipes d'interventions ne remplacent pas l'attention d'un groupe d'hommes attachés à ce paysage vertical, le petit coup de vernis presque en passant, le clou machinal, la surveillance de l'usure.
Un gardien de phare n'est pas un simple allumeur, il n'est même pas résumable à son héroïque solitude pendant les tempêtes. Il porte la structure autant que celle-ci porte les navires en mer.

Comment ne pas aimer les phares? Pour qui aime les paysages marins, ils sont une signature du paysage, immédiatement reconnaissable, de jour comme de nuit, une empreinte dont on connait le nom, dont on cherche l'éclat et le rythme, qu'on sourit de voir en miniature dans des trucs à souvenirs, et cela fait comme un jeu de piste :
-"attend, celui-là c'est Kéréon?
-Nawak, c'est Nividic/La Jument/ les Baleines...
-oh l'aut', y prendrait le phare de la Vessie pour une lanterne!"

Oui, je sais, la Joconde , c'est beau, et les Demoiselles d'Avignon aussi, mais j'ai un faible pour la beauté cachée des utiles et des opiniâtres, pour les témoins du génie humain quand celui-ci joue une épopée sur cent mètre carrés de rocher en pleine mer. Il faut avoir lu le récit de la construction de la Jument, ou celle d'Ar Men...
Pas plus que le gardien de phare n'est qu'un simple allumeur, le phare n'est une simple lumière, en passe d'être inutile en ces temps de GPS. Le GPS ne veille pas sur vous, il ne vous dit pas "je t'attends" en trois éclats toutes les vingts secondes, il ne lie pas l'érigé et l'oeil de la mer, il ne dit pas le solide dans le mouvant. Il donne des ordres, pas des nouvelles...

Je serais triste qu'on laisse les phares à l'abandon. Et j'aimerai bien aussi, que lorsque les hautes sphères liront le montant de la facture pour la réfection des ces merveilles, ils prennent le temps de calculer combien ils auraient économisé en laissant sur place ceux qui, malgré tout, malgré le bruit et la fureur, y habitaient et les aimaient.

Bonus ici, et n'oubliez pas de cliquer sur "la suite" ou alors LA, pour ceux qui n'auraient pas trouvé.
Et puis, pour la musique, ce sera la Crevette d'Acier :
boomp3.com

12.3.08

La carte postale n°22

Ceci est ma participation au jeu de la carte postale 22. Je vous ai déja parlé du caustique et talentueux Cartophile : c'est ICI!



Le Docteur Cenas n'avait jamais rêvé une quelconque célébrité. Homme affable et prudent, il éprouvait un réel plaisir à faire un travail d'artisan soigneux. Voir ses patients vieillir, enrayer des coqueluches, accoucher les robustes et peu sages blanchisseuses avec lesquelles il voisinait en rougissant parfois, suffisait à son bonheur. Pour peu que sa montre de gousset brillât au soleil, que le rôti fut tendre et le gamin de sa concierge un peu moins pâle que la veille, il était enclin à penser que sa place au monde était, sinon exceptionnelle, du moins fort satisfaisante.
Nanti de cette égalité d'âme, il supportait fort bien les banderilles plus confraternelles qu'amicales que lui envoyaient certains de ses ex-condisciples lors du banquet annuel de la Faculté de Médecine de Lyon. Il avait fait partie durant ses études d'une bande assez brillante, et au moins deux de ses compagnons étaient en passe de devenir des chefs de service réputés, tandis que trois autres s'étaient constitué une clientèle de ville fort aisée.
Ces retrouvailles annuelles étaient l'occasion de joutes qui restaient encore courtoises au bout de dix ans, et l'on y faisait assaut de diagnostics d'exception, de chansons ordinaires, d'anecdotes cocasses et de revenus des plus confortables. Evariste Cénas écoutait en souriant.
Il aurait pu se sentir exclu, mais malgré la modestie de sa clientèle et de ses honoraires, il était un bon médecin, meilleur même qu'il ne le croyait, patient et sûr. Il se méfiait des traits de génie, des improvisations virtuoses et des traitement téméraires. Les maladies rarissimes le laissaient aussi froid que le statut social des ses malades mais il ne s'avouait pas facilement battu
Aussi, quand Celestin Auber , ancien artiste de cirque au chômage vint le voir pour des douleurs thoraco- abdominales inexpliquées, il prit le temps d'un examen et d'un interrogatoire complet.
Tout y passa: les antécédents, les habitudes alimentaires, la fréquence des symptômes, leurs caractéristiques : la douleur était-elle en ceinture, en coup de poignard, comme une onde, en poinçon, localisée, irradiante, diminuait-elle penchée en avant, après le repas, en mangeant des champignons, par les nuits de pleine lune, avait-il des gaz, des renvois, était-il constipé, avait-il parfois le teint jaune, des selles grises?
Au bout d'une heure, le bon docteur Cénas n'y voyait goutte quant au diagnostic, mais il avait acquis une certitude : cet homme là ne lui disait pas tout. Il l'observa de plus près : Celestin était tendu, agité. Parfois, entre la question et la réponse, il y avait comme un temps de latence, comme si, ne voulant pas mentir, l'homme cherchait ses mots pour ne pas tout dire. Comme s'il suppliait silencieusement le médecin de comprendre sans qu'il ait besoin de lui dire.
Alors, Evariste, tenace, bienveillant, reprit l'interrogatoire. Et quand il réitéra ses questions sur la profession de son patient, sur ses habitudes, il eut ce dont il se méfiait le plus. Une illumination.
Qui le laissa tellement incrédule qu'il se leva d'un bond, et arpenta à grand pas son cabinet les mains derrière le dos, bougonnant. Pour la première fois de sa vie professionnelle, il était presque en colère.
Celestin, lui, était au bord des larmes, et c'était une chose extrêmement curieuse à voir chez cet homme à l'abord abrupt.
Et, quand finalement, le médecin se décida à poser l'incroyable question qui lui brûlait les lèvres, Celestin éclata en sanglots. Ce fut une libération, pour lui, comme pour le Docteur Cénas.
Au moins, maintenant, on savait où on en était.
Ce serait long, difficile, mais on y arriverait. Il aurait des rechutes. Il fallait un régime strict, peut-être aussi un changement de décor. De la famille à Besançon? Parfait. Mais qu'il revienne tous les deux mois en consultation, si c'était possible. Non, qu'il ne s'inquiète pas des frais, c'est le Docteur Cénas qui les prendrait en charge jusqu'à guérison.
Le médecin eut une brève pensée pour ses confrères et un sourire sardonique. Puis il serra fortement l'épaule de Célestin Auber
Oh oui, il y eut des rechutes. Comme toujours, elles ne furent annoncées que de manière détournée. Comme cette carte postale envoyée 8 jours avant la consultation.
Mais le temps passant, il était de plus en plus facile, la confiance établie, de débrider l'abcès:
« Ça a recommencé, hein?
Celestin baissait la tête
-oui..
-Qu'est-ce qui s'est passé?
Celestin dans un souffle...
- mon Oncle m'a emmené voir la fabrique...


-La fab...Oh nom d'un chien! la fabrique de montres? les petits tournevis? Hein, c'est ça?
Celestin pleurait.
-Oui... je voulais pas, mais c'est plus fort que moi. Je me suis dit, un tout petit, rien qu'une fois...Pour dire que j'étais quasiment guéri. Mais c'est terrible, après, je ne peux plus m'arrêter. Oh Docteur, ça va finir quand?

Le Docteur Cénas lui tapota la main.
-Allons, allons, ne vous découragez pas, vous allez y arriver. Je vous ai dit, il y aura des rechutes, mais il y en a de moins en moins. Vous faites des progrès fantastiques. Allez...
-Ah Docteur, heureusement que vous êtres là...Vous savez, j'ai mis amitié dans ma carte, je sais , j'aurais pas dû, mais ça m'est sorti comme ça..

-Oui, je sais. Moi aussi, je vous aime bien. Allez, vous allez vous en sortir. »

Le bon Docteur Cénas sortit sa montre de son gilet et tenta machinalement de capter un rayon de soleil dans le couvercle, pour masquer son émotion.
Il ne publierait pas ce cas clinique pour river leur clou à ses confrères. Il ne serait jamais célèbre. Pourtant, quel joli titre cela ferait dans la Nouvelle Revue Française de Gastro-Entérologie :
« Boulimie chez un avaleur de sabres, diagnostic, traitement, évolution, à propos d'un cas »...

11.3.08

la pêche aux voix


Chez Gilsoub
et Jathénais, on parle courbes. Droite dans ses bottes (mouillées) Anita sollicite vos suffrages pour cette photo:

Mais j'aime aussi les courbes de Valérie et celles d'Oxygène.
Donc, là aussi, vous faites comme vous voulez!
Et demain à minuit une, grand jeu cartophile

bonus



"If your pictures aren't good enough, you're not close enough."
("si ta photo n'est pas assez bonne, c'est que tu n'étais pas assez près")
-C'est du Robert Capa
-"Si ta photo est assez bonne, tes godasses sont foutues"
Anita, photographe méconnue et trempée.

10.3.08

Les jours de tempête, c'est post flemme.





Ouaip. Mais quand même, y a comme un grain sur ces photos.
Voui. Toi aussi d'ailleurs.
Moi quoi?

8.3.08

Goûts en mélange


Trouvé chez Kozlika, dix associations de, ou sur le goût, sans réfléchir.
Sans réfléchir, je suis obligé d'y adjoindre les odeurs, je suis un nez plus qu'un palais, et les parfums me rendent gourmande.
Je dévie? tans pis, c'est fait pour ça!

le meilleur café de ma vie et le camping municipal de Miranda Do Douro.

une crêpe complète après dix heures de navigation houleuse -et le granit de Paimpol

L'eau de vie de mirabelle-une discussion fondamentale et une tendresse jamais démentie

Le whisky à l'eau gazeuse et le Cameroun-Je n'en ai bu que là.

le whisky sec et la Tunisie-Je n'en ai bu que là.

Et les fleurs de jasmin que les hommes mettent derrière l'oreille-avec ma maison de la rue Djemal el Afghani

L'odeur âcre des gares avec tous mes départs et mon sentiment de liberté

L'odeur d'un cheval avec un sentiment totalement indescriptible mais profond, qui fait que je ne peux en voir un sans aller poser mon nez au défaut de l'épaule-bien que je ne monte point .

le gâteau au chocolat de la tante J. et la naissance de mon premier enfant. Elle me l'amena, coupé en carrés minuscules, à la maternité.

La feuille froissée du dimorphoteca et ma maison bretonne.


Prends qui veut, à son goût!

7.3.08

manuel du chat viré


Pendant qu'on court après Totor, Meerkat me demande comment le chat est entré dans nos vies.
Vous connaissez l'histoire du type qui tourne sans fin autour d'une bouche d'égout ouverte, en marmonnant sans fin 51, 51, 51...? Arrive un quidam qui demande, l'air intéressé et surpris, mais pourquoi donc je vous prie tournez vouzainsi? Le type, alors, avec un ricanement, pousse le quidam dans le trou et continue à tourner en marmonnant : 52,52...

La seule différence, c'est que mon père n'a point ricané. Il a juste levé un regard d'un bleu candide vers le ciel, en mmmmmmh, demandant, si mmmmmmmh, par hasard, et euh, compte tenu qu'il avait réussi à placer presque tous les chatons de son Isis, mmmmh...euh. Et puis il m'a regardé avec cette fois, son oeil plissé de vieil éléphant auquel je ne résiste pas, surtout quand il se gratte la barbe avec l'air d'un qui se serait fait renvoyer de chez les jésuites pour hypocrisie.

Et donc, première chatte est arrivée chez nous. Chatte fondatrice, fine et sensible, elle s'est sauvée quelque temps après mon ultime retour de maternité, laissant une descendance aux chances diverses.
Un chat disais-je, deux à la rigueur. Et je le disais avec rigueur, pensez-donc , vous me connaissez!
Mais...
Mais lorsque qu'il fallut, des deux chatons, en éliminer un, l'homme, ayant affirmé sa force d'âme dans le rôle de préposé aux basses oeuvres, partit nuitamment, le pas ferme et la bouteille d'éther à la main.
Il revint tout aussi nuitamment se glisser sous la couette, et j'entendis, dans le noir, une voix étrangement chevrotante:
"y en a un gris, pis un roux. J'ai un bébé dans la maison. J'peux pas..."

Devenus adultes, ces deux là nous suivirent dans nos déménagements, dûment stérilisé.
Deux chats, héhé! Et même, compte tenu que l'un méritait le titre de chat le plus con et plus sympathique de tous l'Ouest, un chat et demi quant aux cerveaux. Bon, trois chats quant au poids, m'enfin la situation était stabilisé sur le front félin

Jusqu'au jour où ELLE arriva.
Et c'est elle qui ricana.
J'étais loin, ce jour là, et c'est l'homme-oui, celui là, l'homme fort et impitoyable qui résiste à tout*, qui m'annonça la venue de cette microscopique teigne décidée à nous adopter.
"Gère, lui dis-je au téléphone, fous-là dehors, dégoûte-la de venir habiter chez nous, arrose-la".
Il géra.

Elle m'attendait, la queue en l'air, le sourire de chat en coin. Ayant compris que j'étais la femelle dominante, elle déposa une souris à mes pieds dans les dix minutes.
Pfffff! même pas peur, j'ai dit. T'es rien qu'une chatte de mauvaise vie.
Et le chat viré me chavira.
Depuis, elle fout le boxon dans le quartier, vole ma lotte, annexe les territoires avoisinant en impérialiste sans vergogne et drague tout ce qui miaule sur le mode mâle.

D'ailleurs, mmmmhhh..., vers le mois de mai...mmmmh, euh, y'en a que ça intéresserait?
Très bonne lignée.


* sauf à ce qui a quatre pattes, ou deux. Et pas aux unijambiste. Ni aux moutons à cinq pattes. Ni aux canards boiteux.

une doublure à Totor

Totor fut un petit chien à roulette, acteur dans une troupe de théâtre. L'acteur semble avoir été payé au lance-pierre par des sagouins et il n'est plus utilisable.
Donc, si vous avez une doublure dans vos greniers, rendez vous chez Ah Oui, et oui c'est très sérieux et non je ne fume pas la moquette entre midi et deux.

5.3.08

l'école, c'est pas l'abbaye d'untel aime...



J'aime bien ce que dit Garfieldd, invité chez Samantdi. Il revient à l'occasion d'un billet de son hôtesse sur la tragédie d'Etampes, sur le titre du livre écrit par la victime de celle-ci, qui s'intitule "Et pourtant, je les aime".
Garfieldd, proviseur de son état, dit ceci:
"croire que l'on fait ce boulot pour être aimé... Je suis sans doute parfois tombé dans ce travers, mais j'ai tenté de le garder pour moi, en mettant entre moi et mes profs ou mes élèves une simple question (soufflée par le premier proviseur avec qui j'ai travaillé) : pourquoi suis-je à ce poste ? Et la réponse ne pouvait jamais être : pour être aimé..."
Plus exactement, il dit aussi
ceci, mais tout le post est à lire.
Curieusement, j'avais en tête un post sur ce sujet-là, et, bien entendu parce que c'est très compliqué, ce post n'est jamais sorti. Mais cela voulait parler de l'affection que j'avais pour certains de mes patients, et de mon impression que ce sentiment était tout à la fois très plaisant et parfaitement encombrant, sinon inutile dans un lien thérapeutique.
Je ne sais pas si on peut superposer la relation de soin et la relation éducative. Je suis dans la première, et souvent observatrice de la deuxième-et bien évidement les pailles sont toujours plus faciles à voir que les poutres.
Là où je diffère du point de vue de Garfieldd, c'est qu'il semble dire d'une part que l'affect étant encombrant, ça serait bien si on pouvait s'en passer, et d'autre part, que l'affect c'est le besoin d'être "aimé, reconnu".
Or être aimé et être reconnu, ce n'est pas à mon sens du tout la même chose.
Je trouve tout à fait normal et sain qu'un adolescent arrive à l'école avec le besoin d'être aimé et reconnu. Je trouve (trouverais?) parfaitement salutaire que l'école lui réponde qu'il n'est pas là pour aimer ses professeur ou en être aimé.

Par contre, le travail éducatif ne peut se faire si l'élève n'est pas reconnu.

Etre aimé, c'est être choisi, élu, poussé, voire excité à faire montre de ses qualités.
Etre reconnu, c'est être nommé dans la place qu'on tient au monde, balisé non plus par le seul lien qu'on entretien avec un individu, mais par une multiplicité de liens diffus, entrecroisés. Liens avec sa culture, son sexe, son âge, ses goûts, son histoire, sa géographie, ce qu'on fait, les chansons qui vous bercent. Et plus il y a de liens divers, plus ils vous contiennent sans vous assigner. Parce qu'on peut être arabe et ne pas aimer le couscous, maigre et costaud, bon en math et se destiner à la peinture, élève charmant et futur électeur frontal.
Oui, je crois que le besoin d'être reconnu est un besoin puissant, aussi important que celui d'être aimé.
D'ailleurs, dans notre langage, on ne dit pas "je fais professeur, je fais médecin ou je fais plombier", mais bien "je suis".
Le propre des adolescents, c'est que la question "qu'est-ce que je suis?", dans un corps qui prend un centimètre par mois et un moi par sentiment, prend souvent l'allure d'une roue vertigineuse, où tournent toutes les figures possibles, du bon fils au mauvais élève en passant par le ouf. Je regrette, bien sûr, comme tout le monde, que personne n'ait posé la main sur la roue folle quand le couteau est sorti...
Mais, au delà de ce fait dramatique, nous avons quotidiennement à faire avec les multiples rôles que se jouent les ados sur ce qui est devenus un grand théâtre.
Certains adultes ne font pas mieux...
On peut rêver une école débarrassée de ces encombrants que sont les affects adolescents... je crains que l'école d'antan n'aie fait que se débarrasser des adolescents chez qui ils se voyaient le plus. Hélas, ma bonne dame, il n'y a plus l'armée ni le monde du travail pour servir de parcours de régulation. Alors sauf à y revenir, ce qui paraît improbable, il faudra bien que l'école se dote d'outils pour faire travailler cette matière brute.

3.3.08

Breizhkou*


coquille d'huitre
sous l'épave à marée basse
froide est ta dentelle


Edit:
perles en collier:

Nacre en pic
creux de perle
Coquille
oygène


Froide est ta dentelle
Cidre et granit rose
Calissons en ribambelle...
alain d'A




* haiku breton, selon la magnifique néologisation de Traou (en lien à droite)
Et comme toujours, on peut cliquer sur l'image pour la voir en plus grand.