18.11.07
Fille indigne
Est-ce que je la connais?
Et qui, pourtant, pourrait m'être plus familière?
Le visage s'est soufflé jusqu'aux yeux, autrefois si grands, si bleus. La morgue n'est plus entière, elle s'est veinée, sans doute, de la pensée qu'un jour, la solitude pourrait être sans rémission.
J'écoute en moi comme une archéologie de sentiments autrefois tumultueux. Plus que la voix, habilement modulée, si souvent péremptoire, dont je n'écoute plus les provocations, plus que les traces pesantes et floues de l'alcool et du temps, ce sont les mains qui pourraient m'émouvoir. Elles y arrivent fugacement, la peau si douce, les longs doigts, le toucher offert, curieusement plus spontané que toute autre communication, ce contact sans aggrippement, quand tout le reste est si avidement soumis au besoin d'emprise.
Je me laisse émouvoir, parce qu'il n'est plus si douloureux d'accueillir la nostalgie de ce qui a manqué à être, parce que la marcotte a pris, finalement, dans un terreau ni proche ni lointain, un terreau partagé ailleurs. Je me laisse émouvoir et m'en vais, somme toute, puisque la seule façon de ne pas achever cet irrassasiable gâchis, est d'en garder par devers moi les fragments féconds.
Je m'en vais, escortant en moi seule, après tant de drames publics, la compassion blasphématoire que j'éprouve envers ma mère.
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15 commentaires:
Je pleure.
Là.
Ici,loin, et si proche...
Je pleure.
Là.
Ici,loin, et si proche...
Très beau texte, comme un hommage à cet attachement si imparfait ...
Un si beau texte qui laisse sans voix. Et qui rèsonne profondément en moi. La puissance avide des mères confrontée au travail érodant du temps, mais qui toujours cherche à s'exprimer.
S'en aller vivre ailleurs, oh oui. Mais qu'il reste dur de s'y confronter parfois, et qu'il est long de calmer ses anciennes douleurs et hargnes.
Mais l'apaisement est comme une promesse dans ce que tu ècris.
On ne choisit pas ses parents. C'est une des raisons pourquoi il vaut mieux avoir un village pour élever un enfant.
On ne choisit pas ces parents et on est autorisé à les critiquer ..beaux mots , belle finalité les fragments féconds gardés par devers soi donnent une note optimiste à cet émouvant récit .
Y a-t-il un âge où on peut réussir à pardonner les failles ou les gouffres d'une mère? Peut-être le jour où nos propres enfants découvrent les nôtres...
Tu as trouvé les mots pour le dire. Avec pudeur et émotion.
J'adore cette photo. Je ne peux m'empêcher de penser à la main qui tient cette rose.
"d'en garder par devers moi les fragments féconds"...
Ton texte en témoignerait, s'il en était besoin...
Des bises
Je ne peux m'empêcher de rapprocher ce texte de Nantes, la chanson de Barbara.
« Je veux que tranquille il repose
Je l'ai couché dessous les roses
Mon père, mon père.»
Bacchante--) Pardonner? devant sa mère, il est inutile de condamner comme de pardonner. On peut juste accepter qu'elle est aussi humaine et imparfaite que nous, et que c'est justement ce qui nous pousse à tenter de faire mieux.
@ tassili: une forme de réponse, peut-être, sur ton bloug.
@Luciole: oui, de l'attachement, il y a eu. Dommage que le lien ait si souvent servi de ficelle de Jokari!
@Meerkat: chacun sa mère, c'est bien connu. des bises.
@Moukmouk : oui, il est vraisemblable que l'enfance soit une chose trop sérieuse pour la confier aux seuls parents. (Quand à ton deuxième commentaire, j'attend la mesure de ta zenitude, si jamais tu découvres que ta mère a sponsorisé une association japonaise de chasse à la baleine... Yeurk.)
@ Marianne : il faudrait aussi pouvoir se le dire pour ses propres enfants, se satisfaire de ce qu'ils sont pour le reste du monde...
@ La bacchante: Il y a bien sûr de cela. Mais pas seulement.
@ Fauvette: merci Dame.
@Ada: la rose est encore au rosier.
@Still: des bises à toi aussi, du fond du coeur.
@Yves: tu tombes toujours aussi juste?
beau...
Je ne peux plus m'arrêter de lire et relire ce texte.
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