
Eh bien, le vingt-six décembre, il n'y avait pas de musique au pub que nous avions repéré l'avant-veille. Ou bien c'était plus tôt. Ou bien plus tard.
Ceci étant, dans la bonne ville de Port Laoighise, cela ne manquait pas d'autres pubs. Nos enfants et parents nous ayant gentiment mis dehors, l'homme aux défauts uniquement continentaux et moi-même étions libres de notre soirée.
Nous passâmes un nez fureteur dans l'entrebâillement de plusieurs sombres établissements, sans pouvoir nous décider.
Jusqu'à ce que nous tombions sur ce vantail ouvert sur une cour dans laquelle fumaient quelques jeunes filles. Nous sommes entrés en baissant la tête et devant notre air un peu perplexe, une toute mignonne et court vêtue nous désigna en riant l'entrée fort bien dissimulée.
C'était petit, bondé, chaulé de blanc et totalement plein d'Irlandais. C'était donc bien un pub.
J'ai alors commis trois erreurs.
La première, c'est de m'adresser en français à l'Homme, pour lui dire quelque chose comme : "vouiii, c'est gzactement là que je veux ma bière." Ce qui attira immédiatement l'attention d'un grand diable-car oui, le diable est grand, irlandais et b'solument charming.
Et comme il s'adressait à moi dans un français parfait, je l'en complimentai et je commis ma deuxième erreur.
Je lui demandai où donc il l'avait appris, pour le manier aussi fluidement.
"aoh, j'ai habité longtemps dans une Ile du Pacifique, à V.....u plus précisément et c'est là que je l'ai parlé..."
Ceux qui connaissent l'auteur auront deviné ma troisième et fatale erreur.
"Nooon? Quelle coïncidence! figurez-vous que ma petite sœur, que je viens juste de mettre à l'avion, eh bien, elle passe une partie de sa vie justement à V....u."
Sean avait sept frères et sœurs, dont trois buvaient aussi leur Guiness au pub.
We were definetely screwed.
Les deux heures suivantes ont consisté, outre à se marrer comme des baleines, à un gigantesque jeu de bonneteau pour esquiver le maximum de tournées, réussir à en placer une et ne pas finir complètement bourrés au moment de rentrer sur une route gelée qui porte gentiment l'inscription "drive to the left."*
Je jure que ce n'est pas par mesquinerie que j'ai fini par glisser dans la tournée qu'on a réussi à payer, une des 4 bières qui m'attendaient sur le comptoir.
C'était par simple sauvegarde. Et encore, en tant que lady, j'avais droit à des demi-pintes.
Et puis, j'ai trouvé à ma sobriété (relative) un bénéfice inattendu : quand il a fallu dire adieu à ces irlandais qui mettent autant de générosité à cuiter une dame, j'étais parfaitement consciente du plaisir qu'il y avait à tenir embrassé un, deux, puis trois diables.
Et contrairement à eux, je m'en souviendrai pour longtemps.
* L'inscription est à gauche de la route. Dans l'état où nous étions, il en aurait peut-être fallu une deuxième à droite : " We said to the left, moron!"
Une excellente année à vous tous! Que vos jours soient pleins de baisers tendres, fougueux, mordants, amicaux, proches, lointains, attendus, inespérés, réconfortants, troublants...