30.9.08

De la nécessité de la décroissance :




Un interrupteur bizarroïde genre EDF.

Sept tubes en plastique contenant divers substances. Légales. Par contre cinq seulement affichent de façon exacte ce qu'ils renferment. A savoir un gel antifourmis, un baume pour les lèvres, un nettoyant pour semelle de fer à repasser (?), un antalgique et un concentré de plantes-tout juste si le pharmacien n'est pas tombé dedans-qui prétend avec arrogance empêcher un homme de ronfler. Les Tubes 6 et 7 contiennent apparemment des graines de basilic et des graines de cléomes, mais une surprise est toujours possible après germination.

24 mètres de fil nylon, dont 12 mètres entortillés autour d'un chouchou violet, d'un cordonnet doré suspendant un dauphin d'ivoire végétal blanc et d'une fève en forme d'âne.
Un biberon pour chaton, séparé de sa tétine.

La tétine.

Un prospectus orange de la Maison L. visant à allécher tout à la fois l'amateur de pizzas et la maîtresse de maison surmenée.

21 espèces d'objets à écrire, depuis le bic jusqu'au crayon de couleur, en passant par le fluo, le stylo chic et -merveille-une mine de plomb au toucher sensuel. Pour un peu, je me remettrai presque à essayer de dessiner.*

4 bouchons plastiques, inidentifiés, mais curieusement tous verts.

Un tournevis cruciforme.

Une boule de plastique blanc. Peut-être du jeu Abalone?

Cinq cartouches de gaz pour siphon. J'ai l'impression qu'elles toutes sont vides. Un maniaque vit ici, c'est sûr.

Deux jetons carrés et pastel donnant droit à un tour de manège. Le manège est joli, la demoiselle a le pompon généreux envers les petits et les timides. Mais ma fille dernière a grandi.

trois autres chouchous, dont un définitivement irrécupérable. Non, même Emaus ne peut plus rien.

Un podomètre donné par un labo, avant qu'il ne s'aperçoive que de toute façon, je ne prescris jamais rien, à part des bilans.

Un thermomètre électronique, faux et moche. Le jeter et observer le cul des goélands.

Un petit thermomètre à mercure genre thermomètre à frigo.

Un double collier pour tube de cuivre.

Un cornet pour otoscope.

Un rouleau de scotch.

Un bout de plastique noir. Des hauts cris poussés par l'un des habitants alors que j'allais diriger cet objet vers la poubelle, il ressort que pas du tout, c'est un support pour phare de vélo, juste un peu cassé mais parfaitement utilisable. Perd rien pour attendre.

Un bib test. Ça sert à vérifier l'état de ses pneus. Insérer dans la rainure. Si le bonhomme mich*lin a pied, changer d'urgence. A ce stade, le génie humain m'impressionne.

Un téléphone.

Une calculette.

Un copieur de carte sim.

La dépouille d'un chéquier.

Trois cylindres métalliques, 5 mm de diamètre, servant à bloquer une étagère suedoise. Quatre aurait été mieux. Pronostic réservé, mis en attente.


Une pièce de 2 francs de 1941. Peut servir.

Une boite d'allumette du casin-o de Quiberon. Pas moi, je le jure.

Une petite paille dans un bout de plastique, devant initialement adhérer à une brique de jus de fruit. Je suis écologiquement morte de honte. Aurait dû revendiquer les allumettes du casino.

Un bouchon de liège, six piles, un échantillon de parfum, un bateau en papier, vert aussi, tiens, une télécommande qui télécommande je sais pas quoi, un protège carte d'APN, une pince à bijou, des perles de pâtes fimo, un dé, quatre barrettes.

un ruban auto-vulcanisant.

Une agrafeuse.

Une mignonne petite tortue.

Trois cartes de visites, quatre cartes de fidélité inutilisées, une carte à jouer. Pas de carte d'infidélité.



J'ai rangé un des deux tiroirs du buffet.
J'ai mangé les bonbons à la menthe.


Le raton laveur c'est l'objet en photo. Celui qui trouve à quoi ça me sert gagne une palourde directement livrée par char à boeufs. Ou des caramels.

* me remettre au dessin. Mmmmh. Un coup d'oeil sur le tiroir à dessin. Laisser tomber l'idée. Pis d'abord, faudrait ranger. Dommage pour les mines de plomb.

27.9.08

Primum non nocere

Un monsieur est passé en justice pour avoir laissé, une fois, son môme de 5 ans, pendant 45 minutes dans une aire de jeu close et surveillée, avec un portable. Il est accusé d'avoir compromis gravement la santé et la sécurité de son enfant.

Précisons tout de suite que ce jeune homme est probablement un grand couillon. Oui, il avait le droit de déranger son lardon de cinq ans de son jeu et de lui signifier qu'il n'avait pas le choix.
Parce que l'autre solution qui consistait à prévenir son chef qu'il avait son trousse-pet sur les bras, ça, c'est bien sûr du domaine de l'impossible.
Des générations entières ont fermé furtivement des portes nocturnes sur des nichées qui se réveilleraient seules, ont jeté un oeil sur la pendule de l'atelier en espérant que leurs gamins à la clé ne traineraient pas en chemin, des floppées de nourrissons ont vécu leurs premiers jours dans les arrières-boutiques, le biberon calé dans le bec.
Je me souviens de mes nuits de garde après la mort de C., les rares fois où je n'avais pas de solution pour garder ma bébé, ma terreur des appels nocturnes et ce téléphone que je posais à coté du berceau, pour que l'oreille compatissante de l'infirmière de nuit reste en veille pendant que je m'occupais du patient.
Alors, bien sûr, moi, j'aurais pris mon morveux sous le bras, content ou pas content, parce qu'un portable, c'est un peu court comme nounou. Mais c'est parce que je suis une vieille mère acariâtre qui supporte assez bien la frustration de sa descendance.

Mais quand même.
Si on considère le motif de l'accusation, est-ce qu'il fallait judiciariser à ce point?
M'est avis que l'enfant a très bien pu se sentir parfaitement en sécurité avec la promesse de son papa. Si l'absence ne dure pas trop longtemps, la parole des adultes fait sanctuaire de façon assez efficace.
Par contre avoir un père en garde à vue 48H par des adultes qui vous disent haut et fort qu'il est dangereux, ça oui, c'est traumatisant de façon à peu près garantie.
J'appelle ça l' effet Kenneth Starr. Rappelez-vous : pour fustiger l'immoralité de Clinton, ce procureur fit un rapport tellement détaillé de ses faits et gestes qu'il constitua un magnifique support d'onanisme pour tout un tas de jeunes gens.
J'ai très fort le sentiment que cet enfant se souviendra plus durablement et plus lourdement du procès fait à son père que de ses 3/4 d'heure au jardin du Luxembourg..

Le père a écopé de trois mois de sursis. Il me paraît à peu près certain qu'il ne recommencera pas. Une bonne remontée de bretelles dans le cabinet d'un juge aurait fait tout aussi bien l'affaire.

Maintenant, faisons ensemble un rêve. Un homme se lève dans un jardin public et lance une annonce à voix haute :
"Excusez-moi : je viens d'être appelé pour un travail urgent qui ne devrait pas durer. J'ai le choix entre interrompre mon enfant qui joue ou faire appel à la bonne volonté de ceux qui savent qu'il vont rester encore un moment ici. Acceptez-vous de veiller quelque temps sur un enfant qui n'est pas le vôtre?"

Des fois, le degré de civilisation auquel nous sommes parvenus m'effraye quelque peu.

25.9.08

Rechute


J'ai rechuté. Je suis relapse.
Je pensais cette histoire terminée pour moi, j'étais quasiment sûre que mon cerveau avait fini par se déconditionner. Quand même, le sevrage se comptait en année et j'en était contente.
Plus de crise de manque le dimanche soir, quand on a brûlé toutes ses cartouches, plus de regard envieux vers le voisin, plus de tentation d'aller taxer.
Une grande paix lorsque le sujet était abordé, le sentiment d'être ailleurs, au delà...
A quoi cela a tenu? Une période plus solitaire, des soirées un peu longue? La rentrée et ses quelques tensions?
Curieusement, c'est sans doute à ma fille aînée que je dois cette rechute, et c'est peut-être un retour de boomerang, car je suis en partie responsable de sa propre dépendance.
Dans son déménagement, elle a laissé, ne pouvant l'emmener, une bibliothèque.
Vide.
Insupportablement.
Et j'ai craqué. J'ai rouvert un carton, rempli un rayonnage et je me suis remise à lire.
Trois ans, merde.

DANS LE CARTON POLARS DIVERS

Il y avait Donald Henderson Clarke et Un nommé Louis Beretti
avec Alias Tire-au-But, Louis Beretti a longtemps été mon préféré. Je le reprend avec une infinie nostalgie, parce qu'il me rappelle un temps révolu.
Non, n'allez pas croire que je regrette la Prohibition! Je ne suis quand même pas si vieille. Ce n'est pas ce que décrit le livre, qui me ramène en arrière avec douceur. C'est de l'avoir lu en un temps qui me paraissait sans effroi.
Dans le milieu des années 70, nous n'avions pas le syndrome du monde méchant. Les crimes que l'on nous montrait à la télé était ceux de rois maudits et personne à ma connaissance n'était entré dans un lycée pour y vider un chargeur.
C'est donc l'esprit parfaitement serein que j'ai pu découvrir le monde de Louis qui jouait à mettre le feu au chapeau des chinois qui allaient jouer au fan-tan.
Sûr, Louis est un dur, qui découvre le sexe et l'opium le même jour, du coté de ses quinze ans, le jour, tiens, où son ami Big Italy tua son premier homme sur un toit de Chinatown.
C'est un macho aussi, qui peut se laisser surprendre en train de parler à une femme et l'écouter tant que ce n'est pas la sienne, qui veille sur la vertu de ses soeurs, qui achète à sa mère une maison pourvue d'un confort dont elle ne profitera pas, et dont les phalanges connaitront une lente migration vers le poignet, jusqu'au jour où il sera enfin assez puissant dans le trafic d'alcool pour arrêter de cogner.
Pourquoi diable me reste-t-il si sympathique?
Sans doute parce qu'Henderson Clarke relate une réalité loin d'être rose, mais sans vouloir en rajouter, sans vouloir à tout prix nous tirer un frisson de répulsion.
Il y a de la loyauté dans Louis, autant qu'il y en a dans son auteur. C'est un bon fils, un bootlegger consciencieux, un compagnon solide.
Peut-être parce que c'est avant tout un migrant, et qu'à l'instar de mon aïeul, la respectabilité est un luxe qui prend souvent quelques générations. Bien des petits capitalistes de banlieue, qui savent au berceau que l'essentiel est de prendre et de vendre le plus vite possible, sont, sans s'en douter, sur le chemin d'une honorabilité qui ne leur sera reconnue que plus tard.

23.9.08

1, 2, 3


"M'sieur ! Y a Benjamin qui m'a filé un caramel qui colle!
-Fais celle qui n'a rien vu."

Voui, mais moi, en fait, j'aime pas si mal les tags, je fronce le nez juste pour faire genre.
Puis Benjamin, l'est très bien. D'ailleurs, quelqu'un qui cite "le Traité du Zen et de l'entretien des motocyclette " mérite une place au chaud dans un coin de mon paysage virtuel.
alors voilà:
1, 2, 3, j'étends le bras.
1: choisir un livre, l’ouvrir à la page 123 ;
2: recopier à la 5e ligne, les 5 lignes suivantes ;
3: indiquer titre, auteur, éditeur, année d’édition ;
puis, bien sûr, tenter de refiler le caramel à 4 autres personnes.

Ce qui donne cela:

Son visage est toujours en feu
C'est même pire: il brûle, il brûle.
Ainsi le pauvre papillon
Qu'a pris un écolier cruel
Agite ses ailes brillantes.




Au bout de mon bras, il y a Eugène Onéguine et ce visage, c'est celui de la très jeune Tatiana qui brûle d'attente et d'effroi depuis qu'elle a osé écrire une lettre au jeune homme qui se croyait revenu de tout.
Pouchkine, c'était l'un des grands amours de ma grand-mère et j'acquiesçais avec respect et solennité--- jusqu'à ce que je lise enfin.
Et c'est moi qui suis tombé amoureuse, non pas d'Eugène, mais d'Alexandre, de sa plume qui distribue les volées de bois vert et les billets tendres, qui se moque des jeunes gens blasés mais retient son souffle et son ironie devant l'ardeur candide d'un premier amour. Cette plume qui flâne et serpente, chante les petits pieds de ses anciennes maitresses et l'hiver russe, célèbre la perfection de l'ordre villageois en ces termes:

"Les servantes, dans le jardin
Cueillent des framboises et chantent
Comme on en a donné l'ordre
(Ordre fondé sur la sagesse
Bouche qui chante est occupée;
Bouche qui chante ne peut pas
Manger les framboises des maîtres)"


Et s'interroge sur sa postérité avec ceux-ci:

" j'aimerai ne quitter le monde
qu'en y ayant laissé ma trace
Je n'écris pas pour la louange
Mais il me plairait de donner
du lustre à mon triste destin
et que quelques mots fassent vivre
Comme des amis, ma mémoire."



Voilà, ça s'appelle Eugène Onéguine, d'Alexandre Pouchkine, ça a été écrit entre 1823 et 1830, c'est paru en Folio classique et ça me donne envie d'apprendre le russe chaque fois que je l'ouvre.

Ada, Oxygène, le Loup et l'Ane, si le caramel vous en dit..

21.9.08

Enfin une bonne nouvelle!


D'après le Nouvel Obs, notre grand Duconcator- Conducator, pardon, serait "en situation d'analyse".
Il était temps.

Me demande juste qui est le psy qui s'y est collé.


(je sais, c'est indigne de l'élégiaque beauté qui règne ici habituellement. Mais si vous saviez ce qu'il fait chaud ici ...)

20.9.08

Totem et bout de chou



L'arrière-saison, c'est souvent la consolante des étés pourris. Et, parfois, l'imagination de certains, la consolation de la négligence des autres.
Journée parfaite.

M'ferez cent lignes.

Aie aie, je me suis encore laissée prendre par le temps. Mais vous avez encore une journée pour envoyer chez Jathénais ou Gilsoub vos travaux d'écriture, à l'adresse:
ecrit(Arobase)chic-des-clics.fr
On ne gagne absolument rien, sauf parfois la redoutable tâche de choisir pour les autres le prochain thème, et toujours le plaisir de voir les photos des autres.
La mienne est ci-dessous.

18.9.08

autre demi-dyptique

Ça avait été épuisant. Un face à face sur la corde, un ping-pong menteur, un jeu de roulette russe à barillet plein. Plus que d'habitude? Peut-être, parce que la circonstance était exceptionnelle. Pas vu ça depuis le siècle dernier, le manège avait cessé de tourner brutalement, projetant tout le monde contre le mur du fond.
Mais pas que. Parce que même ça, il savait faire. Surfer sur les vagues monstrueuses, échapper au maëlstrom, survivre.
Et plus encore. L'écroulement des empires, ça rapporte autant que leur construction.

Alors oui, il avait commencé par jeter toutes ses forces, toutes ses ruses dans cette bataille. Prendre tout le monde de vitesse, être le premier à sortir de la fournaise, tant pis pour les autres. Il avait cette voix, autoritaire et moelleuse tour à tour, cette capacité à séduire, convaincre trois personnes à la fois dans trois endroits différents.

Allez savoir pourquoi, pour lui qui avait connu toutes les places fortes du monde, ça s'était arrêté là, sur ce trottoir gris et sale, pourquoi subitement, il avait décidé que tout ce cirque ne l'intéressait plus. Pourquoi, lui qui, au poker comme à la bourse, avait toujours cannibalisé ses adversaires avec jouissance, il avait, d'une phrase, laissé à son interlocuteur, un gain inespéré.
"Ça va, dit-il, je me couche"
Et puis il l'avait fait, comme ça, à même le trottoir gris, et, pendant que toutes les places boursières s'écroulaient, il écoutait ce que cet intime et minuscule effondrement avait à lui dire.


La photo est d'Akynou "herself et dans sa personne", et ceci est la deuxième partie de son jeu. On en profite pour dire qu'Akynou, elle prend des photos belles, sensibles, parfois drôles et parfois pas, mais toujours prises avec un sacré oeil.

Demi dyptique


Dans un léger délire ouaté de petite fièvre, de celle qui ne vous cloue pas au lit, de celle qui vous donne juste cette vague impression que tout est un peu plus loin que d'habitude ; Dans un léger délire ouaté, donc, je comate… »




le texte est de Luciole.
Les costumes de Marinette.
le Jeu est celui d'Akynou, qui nous propose dyptiquement d'illustrer un texte et d'écrire le contre cha(nt)mps d' une photo.
Voici la part touane.

17.9.08

La tâche d'Isis.


Ne cherche pas toujours, les paupières baissées,
Ton noble père dans la poussière.
Tu sais que c'est commun : toute vie doit mourir,
Passer de la nature à l'éternité.
Hamlet*

Depuis quelques années, mon père est tombé dans le piège fort addictif de la généalogie. Il cherche, fouine, ausculte, prospecte, tourne dans tous les sens la mince bribe délivrée par un obscur registre, comme le paléontologue devant un malaire de stégosaure. Il suppute, vérifie, bute et, comme tout généalogiste, il râle.
Contre les opacités, les lenteurs, les omissions volontaires et les destructions.
Beaucoup de documents ont été volontairement brûlés. Je comprend qu'il s'en exaspère, et pourtant, venant de lui, je m'en étonne.
D'une certaine façon, la tâche entreprise est assez proche de son habituelle activité :
Ramasser d'infimes indices, les agencer avec douceur, en évitant de les tordre, parce qu'il est plus important d'en connaitre la forme que de la faire entrer à toute force dans la théorie, prendre le temps de voir se dessiner une silhouette, ce fut pour lui un exercice familier.
Mais je sens bien que la place de ce qui manque, de ce qui échappe prend ici une valeur différente: dans sa recherche du "comment ça marche", "ça" incluant les gens, les groupes sociaux, la folie, les institutions, les courants de pensée et autant de ratons laveurs que d'éléphants blancs, j'ai toujours pensé qu'il tolérait, voire appréciait, les inévitables impasses, les silences, les humaines ellipses.
Je tiens de lui que toute reconstitution est approximative, qu'à Isis elle-même, quand elle tenta de rassembler les 14 pièces d'Osiris, il manqua toujours un morceau du puzzle, le plus vivant.


Du coin de l'oeil et de l'oreille, je l'écoute parler de cet ancêtre qui est le pivot de sa recherche, et je vois bien que cela me fait des choses, cette quête, des choses mêlées.

Faut dire que le personnage a de quoi titiller. P'tête bien un peu espion. Opportuniste en diable sans doute, on ira pas jusqu'à dire p'tête bien un peu rouleur dans la farine, mais pas loin. Coureur de jupons, décidé à faire sa place dans le monde. Un passeport à un autre nom que le sien, des bolchéviques, une plantation détruite par un ouragan, un certificat identifiant, comme luthérien converti à l'orthodoxie, ce franchement juif élevant sa fille au Couvent des Oiseaux, une bague de l'Impératrice, des lettres de Tchékov, une ruine ou deux, un dossier comme un roman russe aux Renseignements Généraux, un secret de famille. Ou deux?
Il faut reconnaître qu'il a de la gueule, l'Ancêtre. Il a, d'ailleurs, exactement la gueule à faire un bien meilleur ancêtre que parent...
A choisir, j'aurais sans doute préféré que mon père en fit un roman. Mais rien de tel qu'un secret de famille pour lancer une quête. Eut-il, avec ses frères, hérité d'une histoire limpide et du demi-mètre cube de documents y afférent, il aurait peut-être plus hanté les vide -greniers pour se débarrasser du superflu que les archives d'un shettl d'Ukraine.
Mais je vois bien que ce n'est pas là l'essentiel des questions qui me brassent, entre figue et raisin, entre mythes et raison.
Que garder du passé, du parent? Quels sont les signes qui étayent et ceux qui barrent la route? Devons-nous tout garder, tout mettre en lumière? Mes arrières-petits-enfants ont-ils besoin de savoir ce qui m'a amené en ces rivages? Ou bien la tradition orale suffira-elle pour qu'ils sachent qu'Anita, un jour, eu besoin, plus que tout, de lumière et de vent?

Je sais bien, qu'un jour, dans dix ou vingts ans, je me trouverai en face de cette cruciale question, d'abord, si tout se déroule dans l'ordre, à la place d'enfant.
Il m'est particulièrement malaisé de savoir ce que je garderai et transmettrai d'une mère de plus en plus enclose dans une malveillance désespérée. Sans pour autant vouloir fabriquer des séquestres mortifères, il y a bien des choses que j'aimerai faire basculer dans le registre d'une archéologie pas si intéressante que cela. La tentation est forte de laisser filer tout ceci en d'autres mains que les miennes.
Du coté de ma filiation paternelle, je sais bien que l'essentiel est fait, que mes enfants ont d'ors et déjà le goût du jeu de mots épouvantable et de la chanson idiote, qui signe sans appel la transmission. Sans doute aussi, la tendresse partagée sans trop d'ombre dégage le terrain des suivants.
Par contre, j'aimerai bien éviter qu'entraîné par son souci d'exploiter toutes les traces de son grand Ancêtre, il ne me somme de faire pareil vis à vis des siennes.
Car, pour parler franchement, s'il ne me délivre pas des soixante-dix-sept chaises en instance de réparation qui hantent sa cave (et s'y reproduisent?) c'est moi qui les mets sur le trottoir.



Edit de 2110: ce post montre que mon arrière-grand-mère, Anita, était assez ambivalente. Il est heureux qu'elle ait finalement changé d'avis, sans quoi nous ne disposerions pas de cette merveilleuse "Salle des Chaises à Trois Pieds" qui est le fleuron du Musée International de la Procrastination


* on voit également que c'est à cette date que commença sa période "puisque je vous dis que TOUT est dans Shakespeare", période qui dura jusqu'à ce qu'elle eut saoûlé tout le monde avec ça. Elle a fini par s'arrêter, tout en affirmant avec force que Will était quand même beaucoup moins chiant que la génétique.

14.9.08

Pour une çonnerie, c'est une belle çonnerie.

Je ne sais pas à qui décerner le pompon de la phrase la plus crétine de la dernière semaine.
A la soeur d'Hannibal Kadafi, venant défendre son frère de l'accusation pour mauvais traitements, lancée par la justice suisse? ( Avant que cette dernière ne se couche, comme la française d'ailleurs)
La miss, avocate, a stigmatisé l'attitude des juges, les accusant de racisme, et déclarant:
"Je pense à nos frères maghrébins qui périssent pour arriver sur les plages suisses»"
Les boat-people du Lac Léman m'ont échappé.

Au duo de Doublepatte et Patachon? L'un déclarant qu'il serait "une folie de se priver de la religion", l'autre déclarant qu' "être antisémite, c'est être antichrétien", oubliant que l'antisémitisme s'exerce- et s'est exercé au XX siècle- bien au delà des choix religieux des juifs et sans se rendre compte, qu'inverser la phrase ( être antichrétien serait être antisémite ?) en souligne l'absolue condescendance.
Mes petits, ce qui est gravissime dans l'antisémitisme, c'est que ça fait de la peine au Pape. Tenez-vous le pour dit, et lâchez cette barre à mine.

A ce stade là, on avait déjà le choix. Mais finalement, le truc qui m'aura fait éternuer mon café devant mon écran, c'est la proposition mirifique de Darcos :
Il propose des médailles aux bacheliers, de différentes couleurs selon la mention obtenue. Bleu, blanc, rouge? RVB? Or, argent, bronze?
Je vois déja la tête des secrétariats de lycée.
Doivent avoir un stock de médailles à refourguer depuis la fermeture des casernes.
Remarquez, voir de très vieux universitaires couverts de médailles comme des généraux soviétiques donnerait peut-être une autre ambiance à l'annuelle garden-party de l' Elysée...
"Oh, remarquable! vous l'avez gagnée comment celle-ci?
-J'ai fait lire deux pages de la Princesse de Clèves au Présiprince!"
Silence respectueux dans l'assistance.

paysage flottant


Ecrire ces instants arrêtés
la nuque mordue
ce vacillement précis et doux
Cela ne dirait rien de ce regard que l'on jette autour de soi.
Manque-t-il donc quelque chose ici?
Non, rien ne manque, au contraire.
Les couleurs sont plus brillantes,
les accents plus vifs

Ce n'est pas ici que se déroule et s'enroule
cette inverse rêverie
Poser-une fois
juste une fois
dit le chant menteur
mon front au creux de son épaule

Pourquoi désirer
sans fin
que la main nomme
ce que les mots ne diront pas?

11.9.08

Vais-je raconter l'histoire de Derek à J. ?


Derek Malone y a cru. J'ai failli le présenter à J. Il aurait pu lui dire des choses, lui dire par exemple, que l'entraînement physique était non seulement possible et pensable, mais bénéfique quand on était atteint d'infirmité motrice cérébrale.
Il aurait pu lui dire qu'il fallait viser haut, voir loin, moquer les bornes et jouer avec les destins.
Mais je ne sais pas s'il a vraiment envie de parler. Il vient d'être exclu des Jeux Paralympiques, parce que la rigueur de son entrainement à fait de lui un homme plus assez handicapé pour concourir.
Décidément les rapports entre les Jeux et la médecine me rendent de plus en plus perplexe...


Dans le même ordre d'idée, une institutrice que j'aime beaucoup me parle de V. Il est dyslexique, c'est à dire qu'il peine à automatiser ses processus de lecture, dyspraxique, c'est à dire qu'il peine à automatiser certains enchaînements de gestes, et néanmoins, élève satisfaisant, parce que débrouillard et pas sot.
Il s'est cassé le bras.
Elle lui a servi de secrétaire.
Elle s'est rendu compte que débarrassé de ses pesanteurs, il n'est pas satisfaisant : il est excellent, brillant, rapide, ingénieux, etc... ( c'est une instit, elle a plein de vocabulaire dans ce registre. C'est pour ça que je l'aime bien.)
Elle voudrait un auxiliaire de vie scolaire pour lui.
Abé non, l'est pas assez handicapé. Si on se met à donner des AVS à des élèves satisfaisants, où donc que ça va nous mener?
A avoir des élites handicapées?
Ça va pas la tête?

9.9.08

J.n'est pas simple.


J'aimerais pas être conseillère d'orientation.
Ou peut être que si, justement, parce que j'aurais pu répondre quelque chose à J.
En tous cas, autre chose que voueye, faut voir, ça dépend et pour finir, lâchement, hmmm, on en reparlera.
L'est pas simple, J. D'abord, indéniablement, c'est une chieuse. Comme je les aime, d'autant plus librement que je les vois de loin. Ça doit pas être facile de se la tartiner tous les jours, l'abricotine.
Elle a beau, en raison d'une naissance difficile, ne pouvoir ni fixer son regard ni courir le cent mètres, elle n'a pas les yeux dans sa poche et encore moins la langue dans son sabot. Pour le squash verbal, malgré quelques difficultés d'élocution, elle ne craint personne.
Si je rencontre son médecin spécialiste, je lui dirais qu'il peut partir pour une transat, il est gréé pour l'hiver. Cette idée, aussi, de continuer à vouloir fourguer à J des trucs rigides et blessants pour redresser ce qui est tordu, étendre ici, forcer ça à venir là.
Je vois bien que J. après des années de soumission grognonne et tout juste majeure, réclame le droit de ne pas se tenir droite. Les pauses thérapeutiques sont toujours délicates à négocier, mais parfois tellement nécessaires.

Et puis, j'aime mieux que cela se dise comme ça, avec son ricanement sardonique, son mouvement de la tête pour chasser la mèche qui lui tombe sur l'oeil, et cette tension du cou, visible, quand elle vous écoute soudain avec attention, et qu'elle estime que vos paroles méritent l'effort qu'elle fait pour stabiliser son regard. J'aime mieux comme ça que l'année dernière, quand la montée de l'angoisse, la colère, tout ce qui bouillait à l'intérieur la paralysaient au seuil de la classe. Des semaines sans pouvoir venir, un bricolage d'urgence et parfois de mauvaise grâce, la décision in extremis de l'autoriser néanmoins à passer en terminale.
Un bon choix : des notes fort honorables aux épreuves anticipées, J. , toujours acerbe, mais pacifiée.
Alors, pointe la question si longtemps éludée, si importante, si insoluble : quoi faire après?
J. dit qu'elle n'a aucune idée, rien, nada, netra.
Et les quarante profs qui lui ont posé la question ces deux dernières années peuvent aller rejoindre le médecin spécialiste, z'auront pas froid non plus. Quand à moi, si j'insiste de trop, je vais avoir droit à mon petit costard en laine polaire sur mesure.
Ça va pas être simple. Tout, les déplacements, l'accessibilité, les débouchés envisageables, tout aura son poids pour J. que son corps limite depuis toujours.
Faut-il, à cette limitation, rajouter celle d'un horizon professionnel non choisi?
J. est une chieuse, la cause est entendue, mais c'est aussi une fille intelligente, tenace et d'une frémissante sensibilité. Elle est aussi, et c'est encore un handicap, issue d'une famille où personne n'a fait d'étude.
Elle bagarre depuis si longtemps, je la comprend d'hésiter devant l'échéance. Et puis, tant d'adultes, depuis toujours, à vouloir ci, ou ça, kiné, chirugiens, psychologues, psychomotricien, orthoptistes, ergothérapeute, rajouter là, enlever ici, assouplir, renforcer, élaborer, soutenir, étayer, rallonger, rectifier, rééduquer, découper selon le pointillé...


Mais quand même, avec cette intelligence.
Et ce chouette mauvais caractère...

4.9.08

Voulez vous jouer avec moi?


C'est un jeu qui se joue avec un groupuscule et un haut fonctionnaire. Le Groupuscule peut être formé au choix, et sans limitation, d'indépendantistes bretons, de faucheurs d'OGM, de séparatistes du Pont de Tolbiac, de militants pour la promotion du monocycle, bref de tout ce que vous pouvez trouver qui soit capable de fabriquer une pancarte.

Le but est de les convaincre de venir faire un peu le dawa chez vous en votre absence, pendant une petite heure.
Le gagnant est celui d'entre nous qui aura réussi à faire déplacer le plus grand nombre de hauts fonctionnaires à la fin du mandat de celui qui s'est engagé à ce que ses amis soit traité comme vous, et moi bien entendu.
Une carte ouiqui interactive , avec des petits drapeaux de couleur qu'on déplacerait, serait un petit plus, pas vraiment utile, mais ça serait pimpant et gai et puis ça nous ferait rire le matin au café.

Je reconnais que les provinciaux sont légèrement favorisés, surtout quand il sont, comme moi, pourvu d'un jardin où l'on entre comme dans un moulin, et de marins pêcheurs costauds et un peu remontés.

Par contre, j'avertis tous ceux qui voudraient jouer à la variante interdite qui consisterai à essayer de ME faire déplacer en collant une salmonella typhi dans une cantine de mon secteur, que ma vengeance serait terrible et à base de poisson avarié.

3.9.08

Allèle et cons


Le Monde vient de contribuer de manière ébouriffante à la connaissance du comportement humain en consacrant quelques lignes à l'étude suédoise suivante: d'après l'étude du Karolinka Institut, les hommes porteurs de l'allèle 334 auraient deux fois plus de problème de couple, ce que leurs femmes auraient remarqué, étant deux fois moins que dans le groupe témoin à s'estimer satisfaites.

Je passe sur la critique habituelle faite au compte-rendu dans les journaux de ce genre d'étude : le minimum, jamais respecté, c'est de donner le chiffre de la population étudiée. En dessous d'une centaine, vous pouvez foutre l'ensemble de l'étude au panier.

Je passe même sur le flou entourant la notion de satisfaction. S'il y a bien un truc qui ressemble à une auberge espagnole, c'est bien les plaisirs qu'on trouve à son couple, tout autant que les griefs. Des fous, y en a partout, comme disait ma grand-mère, mais alors, comme les hommes et les femmes... L'un va se plaindre du niveau sonore des engueulades quand l'autre s'affligera du silence, l'un se plaindra du désordre et son voisin de la maniaquerie, pendant que le collègue s'effrayera des propositions d'inscription au club SM devant une qui ne baise plus depuis la mort clinique du PS.
(Je passe, parce que j'attend la prochaine étude sur l'allèle du masochisme dans la population de couples qui restent ensemble tout en étant insatisfaits...)
Non, ce qui ne me donne même pas envie d'aller farfouiller le net pour avoir le texte original de l'étude, c'est que, d'entrée de jeu, comme ça, gros comme une maison d'acteur en Corse, y a un putain de biais.
A moins, et en v'la une piste intéressante qui va faire bouger du monde, que ce fameux allèle 334 ne soit, ô miracle, l'allèle attendu par toute une frange de la population : celui qui protège de ce chancre qu'est l'homosexualité.
Car visiblement, tous ces porteurs d'allèles 334 ont des FEMMES, et pas des compagnons. Statistiquement, ou bien, c'est douteux sur le recrutement de la population, ou alors, c'est un super filon.

J'ai trouvé le slogan pour lancer mon nouveau centre d'insémination artificielle:
"Choisissez nos 334! Y f'ra chier sa femme, mais au moins y s'ra pas pédé!"

La bande-son, bien sûr, ne pouvait être que la chanson de l'ami Boris.
Boomp3.com

Edit : un gentil lecteur m'a envoyé le texte de l'étude, que je vous promet de me palucher consciencieusement, bien que je sois une quiche en anglais et que ma traductrice préférée ait encore abandonné sa ieille moman . (m'en vais lui faire une analyse de génome, à c'te jeunesse!)
D'une lecture en diagonale, il ressort quand même que les dépêches AFP, c'est de la mierde. L'allèle 334 existe chez la femme aussi, contrairement à ce qui était écrit, parce qu'il est situé sur un chromosome que possèdent les deux sexes. Mais seul l'homme semble présenter une variation de comportement selon le type d'allèle, pour ce gène qui code un neuro peptide. Ce qui, en soi, me semble poser effectivement une question...
Mais cela confirme que l'étude n'intéresse que les hommes engagés dans une relation hétérosexuelle. Et là, par principe, je coince.
Allez, je la lis et j'essaie de revenir dessus.