
Ces derniers temps, j'ai beaucoup pensé à une nouvelle d'Alphonse Allais. En bon chimiste fou, il eut l'idée de décrire par le menu la composition élémentaire de sa bien-aimée. Ayant constaté que l'objet de ses soupirs étant composé essentiellement d'eau, de protéines et de quelques électrolytes, il en conclut que c'était bien bête de faire tant de tintouin pour si peu.
En dehors de quelques grands fracas et de l'impérieuse nécessité de survivre, il n'est guère de troubles de l'existence qui ne puissent être résumées de la même façon.
Peines de cœur, projets noyés, embarras de trésorerie ou inquiétude devant les tendances de votre progéniture à une forme hilare d'amoralité, rien qui, convenablement détaillé, disséqué, remis en perspective et trituré, rien qui puisse garder longtemps sa figure de drame.
Et rien, absolument rien qui, au final, ne résiste à cette entreprise, tant qu'il n'est pas encore temps de cesser d'en souffrir.
On aura beau faire, raisonner, abraser les écueils douloureux de la pensée, ils reviendront dans la nuit. On aura beau faire le tour des ses richesses, le matin vous verra le front collé à la vitre, le cœur étreint, balançant entre le sentiment d'injustice et celui de sa propre iniquité, abandonné, vacant.
Le premier mensonge de la raison, ou sa première erreur, est de croire l'homme raisonnable.
Ce n'est pas la raison qui a fait lâcher le gris. Peut-être la stupéfaction. La compassion pour l'homme aux quatre-vingt défauts (oui, oui, il en a perdu pas mal dans le maelstrom) touché, touchant, tenace à vouloir effacer les traces de ce qu'il faut bien appeler une Bérézina de Juillet, dont il n'était pourtant nullement responsable.
Vos messages, vos invitations, vos sacres.
Je ne courrais pas après Michel Strogoff. Mais après tout, j'ai
eu d'autres amours littéraires. Dont
certaines ont résisté.
J'aurai peut-être, une dizaine de jours, une place sur un cargo. Je le saurai lundi.
Alors, je ris, je fouine, je parle globish avec un Hambourgeois charmant au nom imprononçable qui me parle de la Baltique et me promet qu'il va tout faire pour que je parte. Je n'ai pas défait ma valise, juste effacé les widgets qui me donnaient la météo de Kazan et d'Irkoutsk. Je touche du bois et la casquette bleue pendue au mur.
Oui, bien sûr, il y avait aussi un marin, dans mes amours de jeunesse.