31.12.07

Bloavezh mat!


Je vous la souhaite lumineuse et déferlante, tonique et vivifiante, éclaboussante et pleine de trésors.

29.12.07

décembre couchant


Des fois, je vis dans une carte postale.

21.12.07

C'est la saison

Alors pour une fois la Pêche à la Baleine se transforme en skyblog et vous offre pour la circonstance, ce magnifique

ADO DE NOEL!

Lol et joyeuses fêtes à tous.
Retour sous huitaine.
Peut-être.

20.12.07

rendez vous d'amour ancien


Samedi, j'embarque pour ce qui fut ma première île, mon île inaugurale. J'avais vingt ans, et je fus la première étonnée de tomber en amour d'un paysage, moi qui pensait n'aimer que les livres et les gens de passage.

J'ai rendez-vous cette année, avec une très intime amie, de celles qui vous font cadeau, en une phrase, d'un espace capital, sans même avoir l'air d'y toucher. C'est fort discrètement que l'île m'a tatouée, en un repli si peu visible, que j'ai pu l'oublier durant des années.
L'île me signifia, avec une douceur imperturbable sous le vent furieux, une chose que je ne compris que beaucoup plus tard: elle m'apprit la liberté gagnée à travers la limite admise.
Pour la première fois, je découvris qu'un lieu, d'être clos, pouvait en devenir inépuisable.

17.12.07

Ostracismes


Vous trouverez chez AKYNOU, chez SAMANTDI, ainsi que chez OXYGENE, le texte émanant de plusieurs organisations sociales et religieuses, demandant aux parlementaires européens de ne pas ratifier la directive autorisant la mise en rétention durant 18 MOIS (oui, vous avez bien lu) des étrangers.
Leurs posts sont clairs et documentés, je ne vais pas en rajouter une louche, la soupe est déjà assez infâme.
Je rajouterai juste une précision, puisqu'elle touche de près le métier que j'exerce. Tenir en rétention des adultes, actuellement, c'est également y tenir, de plus en plus souvent, des enfants, dans une situation que je croyais abolie pour toujours.
Cette année, c'est 240 enfants de tous âges (contre une cinquantaine quand même l'année dernière) qui ont été maintenus dans une situation littérale d'enfermement, et ce, pour un délit (mineur! j'assume.) commis par leur parents. Ni les lieux, ni les personnels n'ont été préparé à compenser les effets délabrants d'une incarcération. (doit-on se réjouir d'une directive qui leur demande de s'adapter?)
De plus, ces enfants ont vus leur parents aux prises avec des situations humiliantes, voir maltraitantes. Attachez la ceinture des enfants en voiture, et attachez les parents devant les enfants.
Ça c'est de la protection de l'enfance!
Je précise qu'en termes plus modérés que les miens, Madame Versini, défenseure des enfants, considère que : certaines conditions relatives au regroupement familial semblent contraires à « l’intérêt supérieur de l’enfant » et à la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE).
Et Madame Versini n'est pas connue pour être une pétulante gauchiste.
L'offense faite aux enfants n'invalide, bien entendu, pas celle faites aux adultes, elle la renforce.

Moins abominable, mais grotesque cette fois-ci, l'annonce de la mise sur Internet des "résultats des écoliers, école par école" . Je laisse les enseignants discuter de ce que sont les résultats d'un écolier: le produit du travail de l'enseignant? de l'élève? de la famille? la résultante de tous ces enjeux interprété au regard de la distance à parcourir entre un primo arrivant à VauzenVelin et un fils de famille du Lycée Français?

Par contre, je vous livre le résultat d'une étude épidémiologique portugaise. Elle a étudié le devenir de l'enfant "sage à l'école". Aucune surprise sur l'inscription sociale et le niveaux de revenus.
Mais un risque significativement plus élevé , de l'ordre d'1,5 de présenter à l'âge adulte, un épisode dépressif ou anxio-phobique.
Habitant une région qui cumule meilleure réussite aux examens, fort taux de conduites addictives et, hélas encore, plus fort taux de suicide chez les jeunes, je suis dans l'obligation d'alerter mon (très) chic lectorat, tenté de se précipiter sur la maternelle qui prépare le mieux à la meilleure école primaire de leur ville:
Trop d'adaptation scolaire nuit à la santé.
Consommer l'école avec modération.

Quant à la consommation de cette politique...

référence:
"Que deviennent les enfants normaux” d’A.C. Fonseca, M.H. Damiao, J.A. Rebelo, M.F. Oliviera, S.J.V. Pinto, université de Coïmbra. Congrès de psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent, Paris, 29/10/2004.

15.12.07

Dans la flache-1969


En 69, j'ai six ans, et un homme, pour la première fois, marche sur la lune
Reprendre un petit caillou. Le relancer dans l'eau, écouter son écho si particulier. savoir que celui de 1969, n'a pas pour rien immobilisé le jeu bondissant qui a précédé.
En l'occurrence, la forme même du caillou a moins d'importance que l'eau dans laquelle je suis censée le lancer.
En 69, j'apprends à lire, très vite, un mot qui devient page en quelques semaines, un livre, puis dix. Ce ruisseau là, devenu Orénoque, ne me pose guère de problème, guère plus qu'une vague culpabilité envers les bénévoles déménageurs qui se farcirent si souvent ma bibliothèque.
En 69, j'apprends à écrire. Mes premiers poèmes sont strictement contemporains de mes premiers déchiffrages. Mais ce souvenir est d'une eau troublante, une eau qui n'est paisible qu'en apparence. Je peux marquer de l'ongle sur l'itinéraire, les jaillissements intermittents de l'écriture, je peux lisérer ses stagnations, accuser ses arrêts brusques, ses heurts sur d'infranchissables parois. Pour autant, l'écriture possède son propre réseau souterrain, ses nappes captives, ses résurgences paradoxales.
Il y eu des années littéralement sans, des années où même écrire une lettre d'une commerciale banalité me fut impossible. Et cela a, de toute évidence pour moi, à voir avec la mort, avec la trace des morts, avec la trace des mots. Ne me demandez pas comment je le sais, je vous dirais que je n'en sais rien, ou plutôt que les traces préalables de cette évidence ne sont lisibles que par moi.
Je n'ai vraiment recommencé à écrire que dans cet espace intermédiaire du blog, à mi chemin entre l'éphémère et le pérenne, à partir d'un nom qui n'est pas le mien, sans pour autant être une identité d'emprunt, quelque chose qui n'est ni prose, ni poésie, et dont je réfute qu'il puisse être un journal intime.
Ricochets, remous, houle sinueuse et communicable, ressac fragmenté en éclaboussures, eaux vives.
Là haut, sur la lune, les traces de pas sont immuables, sèches et mortes.

Si je désire une eau d'Europe, c'est la flache
Noire et froide où vers le crépuscule embaumé
Un enfant accroupi plein de tristesses, lâche
Un bateau frêle comme un papillon de mai.

Rimbaud,


L'aventure des ricochets se passe ICI. En ce qui concerne ce blog, cela a commencé LA

Breizhkou


la paix de l'hiver
Les corps morts en attendant
jouent au go sur l'eau

13.12.07

La fierté d'un homme.

Il n'aime pas blesser les gens, pas même ceux qui le démarchent par téléphone pour lui vendre de la fortune en paillettes fiscales.
Alors il ruse, et souvent je ris.
Cette gentille dame, à midi, lui a susurré dans le combiné qu'elle avait l'irréfragable moyen de diminuer sa feuille d'impôts. Il a pris sa voix de velours courtois, celle qui annonce, pour qui le connaît, ses plus impavides énormités:
-"C'est que, madame, voyez vous, je fais partie d'un petit club très fermé, et nous avons un challenge annuel.
-?...
- Oui, chaque année, nous nous réunissons pour savoir celui d'entre nous qui a la plus grosse imposition...
-???...
- Et cette année, j'ai une solide chance de gagner.
-???????!
-Non, Madame, pas une miette. Le champagne offert est bien trop bon. C'est cela, au revoir madame.

Souvent, je ris. Comme une baleine, même.

12.12.07

crépuscule


Les mots empêchés
Arrêtés
dans le feutre de l'existence commune
La tête passe, les épaules parfois.
Aurons nous une fois encore
le coeur
d'aller
jusqu'à la parole fertile
Ouvrir jusqu'au vivant,
ou bien dormir
sous l'or clément
de la lumière finissant?

11.12.07

Vents contre courants.


Ce post -ci pouvait donner à penser que je ne voyais que du noir dans des ces fameuses Assises de la Prévention. J'en serais confuse. C'est pourquoi je vais vous infliger un post bien moins joli que les vagues roses et ourlées.
Je veux des travailleurs sociaux dans ce pays. Je veux des assistantes sociales qui aient le temps de s'assoir boire un café, je veux des éducateurs qui aient moins de quarante mesures sous le coude, je veux des juges qui aient d'autres outils décisionnels que celui-ci,
et bien entendu, je veux pour mon propre compte, moins de 8000 élèves répartis en quarante et un établissements.
J'aime, j'aimerai toujours les gens qui font fonction, chacun à leur façon, de l'animatrice d'ateliers au médecin, en passant par l'instit et le prof, de remailleurs de fin, de tissu conjonctif, de halte bienfaisante et de dérailleurs de machines folles.
Mais, sans doute parce que je suis née dans la marmite, je ne peux m'empêcher faire bouillir quelques contradictions.
En vla un petit bouquet.
1) Travailler avec les familles.
Ben tiens.
Comme je le disais précédemment, on ne voit JAMAIS, mais absolument jamais de famille dans ces réunions. Passe encore qu'on n'invite pas à monter sur l'estrade une famille pour nous raconter leur vécu du placement d'enfants. Mais j'ai bien regardé sur la liste des réunions préparatoires. Rien, nada, maccache, nitra. Pas même une association comme ATD, Emmaus, même pas une association de familles plus huppée.
Travailler avec les familles, soit, mais pas travailler avec les familles à apprendre à travailler avec les familles.
Je me bagarre au quotidien pour que, lors des équipes éducatives, les parents ne soient pas convoqués APRES les professionnels, mais EN MÊME TEMPS.
Ahmaismediton, quand les familles sont là, on ne peux plus se dire les mêmes choses.
Ben justement.
Avant de leur dire des choses, on a d'abord à en entendre. Où en sont- elles? que font-elles de l'inquiétude des professionnels, sont-elles au bord d'une solution? Laquelle? Est-elle forcément sotte?
Ahmaismediton, il faut quand même se concerter avant pour parler d'une même voix.
Et voilà mon deuxième serpent de mer.
2) parler d'une même voix, se coordonner, avoir le même référentiel.
A se demander à quoi cela sert de mettre autour d'une table, un assistant social, un éduc, un médecin, un psy, un prof et un raton-laveur, si c'est pour qu'il aient la même chose à dire.
Si je n'écoute pas ce que le psy a à me dire, je ne fais pas mon métier. Mais si je ne fais que l'écouter, je ne fais mon métier non plus, je fais le sien.
Je ne veux pas qu'on parle d'une même voix. Je veux la voix de l'autre, y compris si elle me fait grincer des dents.
Je mets dans le même pot au noir ceux qui voudraient harmoniser les secteurs d'interventions en plus des pratiques. Travaillant avec des maternelles qui sont à l'échelle d'un quartier, des primaires à l'échelle d'une ville, des collèges à l'échelle de l'intercommunalité et des lycées drainant le département, permettez que je pouffe sur mon barreau.
Je crois à la prévention comme à une succession de tamis, à mailles différentes, ici ou là. Je crois à la nécessaire incohérence des pratiques, qui seule est capable de rendre compte de la complexité des enjeux.
Je crois à la nécessité d'avoir des lieux pour les enfants tout petits, et des lieux pour les adolescents, et que crois inévitable que les professionnels des premiers se plaignent du manque de suivi ultérieur et que les seconds aient envie d'intervenir plus tôt.
je crois inévitable que les gens parfois se dérobent, que des accidents aient lieu, parce que le jour où l'on se mêle de vouloir un paradis sur terre, cela fait tout de suite un fort convenable enfer, parce qu'une société qui s'imaginerait vider les couloirs de la psychiatrie adulte et la tôle, le tenterait au moyen de procédés terrifiants.
Et je crois à l'absolue nécessité de ne pas s'arrêter au genre de constat que je fais, et à celle de continuer à pousser des petits cailloux sur les rails des destins programmés.


PS qui n'a rien à voir :
ce week-end est née en Bretagne un nouvel aphorisme météorologique : "il souffle des Rafales à décoiffer une secrétaire d'Etat aux droits de l'Homme."
Allez, une petite dernière, trafiquée celle-là.

10.12.07

interlude

Par suite des récentes conditions météo sur le Bout du Bout -vu par chez nous- (j'ai un lectorat canadien auquel je tiens beaucoup), l'auteur de ce blog est dans l'incapacité de vous présenter, ce soir, le post très long et très rasoir sur ses interrogations sur la prise en charge de l'enfance bringuebalée. En effet l'auteur s'est précipitée en bord de mer dès sa journée finie, au lieu de rentrer sagement à la maison pour le finir.
Donc, en lieu et place du post initialement prévu au programme, une vague vague.
C'est regrettable.
Mais pinaise, qu'est ce que c'était bon!

9.12.07

ça souffle


Tempête chez moi. Le vent lève l'eau et arase l'herbe. Butés, pied à pied, presque horizontaux, les arbres s'entêtent et jouent sans rire à la sélection naturelle. Les mouettes et les corbeaux se sont réfugiés chacun dans un champ et se les plument grave. La chatte n'a pas bougé de la couette.
On a bien prévenu tout le monde qu'il ne fallait pas s'aventurer sur les chemins de bord de mer. Il y a presque autant de badauds sur la pointe de T. qu'un quinze août. Seulement, ils penchent.
-c'est sûr, pour habiter ici, faut être franchement à l'ouest.
-ou bien avoir un caractère bien trempé.

vague précise

7.12.07

de la contradiction en milieu ouvert-post embrouillé

Aujourd'hui, c'était Assises de la Prévention. Qui vaut mieux que Courate de la Guérison, comme chacun sait.
Je ressors, comme toujours, partagée de cette journée, où il sera essentiellement question de la nouvelle loi sur la protection de l'Enfance, et où il sera beaucoup parlé des Familles qu'il est question de Placer au Centre du Dispositif. Je mets des majuscules pour que chacun soit conscient qu'il s'agit bien de concepts. Car les Familles, c'est comme les Pauvres, dans ce genre de grand messe, on ne cesse de les nommer, et on n'en voit pas la queue d'un. Sauf à penser que nous sommes, même nous les professionnels, toujours le Pauvre de quelqu'un, et pour le moins un bout de Famille, par en haut ou par en bas.
Mais là, j'attaque le Dogme.
Qui veut, bien entendu, que le Pauvre, ou la Famille à mettre sous tutelle à aider, soit l'Autre.
J'exagère.
On va finir par m'accuser d'être du genre à dire "pfff, savent même pas nager!" le jour où les travailleurs sociaux marcheront sur les eaux. Mais au vrai, je suis, comme je l'ai dit, partagée.
Je suis si contente d'avoir vu tant de gens occupés à coincer les pieds dans les portes, que je suis même presque prête à tolérer qu'on prononce une fois de plus devant moi l'expression : "Intérêt Supérieur de l'Enfant". Et pourtant, s'il y a une expression qui me colle un urticaire de derrière les flaques d'eaux, c'est bien celle-là.
Je ne suis absolument pas capable de déterminer quel est l'ISE qui motive l'AEMO ou celui qui meut le TISF . Je suis tout au plus capable, au fil des ans, d'étalonner mon propre trouillomètre et de me dire, devant certaines situations : "Bon. Là, ça suffit les conneries sur poupées vivantes. "
Mais le seul intérêt supérieur que je reconnaisse à l'Enfant, c'est de devenir adulte. Et cela se passe forcément en s'arrachant à l'enfance. Où, quand, comment, à quel coût, voilà bien des points sur lesquels je suis contente d'être à ma place, et pas à celle d'un juge.
Je sors de ces pince-fesses avec le sentiment qu'il est dans la nature des institutions de ne pouvoir saisir l'aspect dialectique et nécessairement conflictuel du grandir.
Une toute petite anecdote, comme cela, en passant parce que je sens bien que j'aborde des territoires à moi-même confus. Régulièrement, je découvre chez des enfants de cinq ans, des anomalies de la vision des couleurs. Parmi les professions interdites aux daltoniens, il y a celle de démineur dans l'armée. J'annonce donc, d'un ton grave qu'il faut renoncer à cette perspective d'avenir pour leur enfant.
Croyez moi si vous voulez, je n'ai absolument jamais rencontré de mère ni de père qui en témoigne un quelconque regret.
Et pourtant, il semble dans l'intérêt supérieur des nations d'avoir des gens qui acceptent le risque de sauter sur une mine antipersonnel.
J'en ai donc conclu que démineur au Kosovo, c'est comme flic au GIGN, medecin scol, ou testeur d'héroïne à Bogota, c'est un métier qu'on décide quand on a l'âge de balancer aux orties ce que les adultes pensent bon pour vous.
C'est pas avec ça que je vais révolutionner la protection de l'enfance, hein?

6.12.07

Ecole du renard.


D'habitude, je ne poste pas le jeudi, parce qu'après trois heures de breton, j'ai la tête dans le chou-fleur, voire même dans le chou-chêne.
Mais le prof étant absent, j'ai fait skolig al louarn, la petite école du renard. Vous avez remarqué qu'on est tellement formaté par ses années d'école qu'on est capable de se réjouir d'un cours qui saute, même quand on a payé pour, et que personne, absolument personne ne vous oblige à y aller?
J'ai beau savoir, j'ai quand même un sentiment d'allégresse à expier, en rattrapant du retard de post.
J'en profite donc pour annoncer deux concours photos.
Un chez Gilsoub et/ou Jathénaïs sur le thème de l'insolite. Ça risque de rêver grave.
Un autre chez Olivier, dont le blog " Belgian coffee time" sous-titre fort joliment et on ne peut plus justement : "la Belgique est un plaisir et doit le rester"
Rien que pour ça, et aussi parce qu'il y a des pralines belges à gagner, je participe.


The 2nd Belgian Coffee Time Contest


5.12.07

Mirage


Souvent, les poings sur les yeux, je m'envole vers d'autres vies à vivre. Sous ma couette, j'ai sauvé des vies innombrables, marché sur des crêtes téméraires, d'un pied infaillible, j'ai dompté des animaux et des hommes d'une paume altière, et chanté comme une rock star. Toute honte bue, à certaines heures limoneuses, j'ai même déplacé des objets par la seule force de ma pensée, et comme tout le monde, j'ai volé, dès lors que j'ai su maîtriser le petit saut moqueur et magique de mon thorax.
Rien de ceci, bien que cela constitue un fond de rêveries inavouables en société, n'est aussi subversif que de rêver une rencontre, que d'imaginer, les yeux fermés, le choc d'un regard grand ouvert.
Nos cils sont des paravents, nos larmes des écrans de fumée, même nos sourires sont des esquives. Combien de fois ai-je accepté de me laisser regarder autant que je regardais, pupilles humbles, sans calcul, première nudité offerte, première plongée consentante, un peu tremblée?
Je peux rire de moi, de l'enveloppe prospère qui nargue l'adolescente spéculation, je peux me taxer de vouloir le beurre et le songe du beurre, je sais malgré tout que subsiste, ici, l'une de mes plus grandes nostalgies.
Les yeux clos, je continuerai à rêver d'un premier regard.

4.12.07

La lettre d'Ingrid


Je suis émue en lisant la lettre d'Ingrid Bétancourt. Je réalise que ce petit garçon de grande section de maternelle, que je vois aujourd'hui, en visite, plein de vie, avec tant de choses à raconter, n'était pas né quand elle a été enlevée.
Je pense curieusement à mon père, qui, au même âge que ce petit garçon, en 44, quand on lui racontait l'anecdote du chien qui lui avait arraché un morceau de chocolat, se taisait, perplexe : c'était QUOI, le chocolat?
Aucun autre rapport, bien sûr, que ma propre association d'idées, que mon propre glissement autour de l'échéance, du temps qui fait basculer dans un autre monde.
Six ans, bientôt, une durée de guerre. Et jour après jour, cette menace, dont la première et suffisante victoire est de dissuader toute espérance, d'abraser l'horizon des jours en lignes plates et sépulcrales.
J'essaie d'imaginer, de me représenter Ingrid Bétancourt, à qui l'on demande de prouver qu'elle est en vie. (C'est quoi la vie?, dirait le petit garçon, disent peut être les 243 enfants placés cette année en centre de rétention-au mépris de toutes nos lois sur la protections de l'enfance)
Aurai-je le courage, après six ans d'une vie comme ceci, de continuer à dire que la vie n'est pas cela, ne peut se résumer à cette âcre survivance, sans même le réconfort d'un clan? aurais-je le courage de maintenir cette plaie béante, de garder vive la perte, plutôt que les cendres?

3.12.07

Breizhkou c'hoazh*


la mer fait l'échine longue
Au vent tailladant
Et mes oreilles tombent


(*haiku breton encore!)

(j'ai un tout petit peu la flemme
d'écrire autre chose
alors je vais dans mon lit
lire Orhan Pamuk)

2.12.07

Breizhkou


Tempête en bourrasques
Ironique, le cormoran
a plongé sous la vague



L'homme prudent qui n'a
qu'une seule paire de chaussure
garde la vague à l'oeil

le truc idiot du jour

Mon cher Diogène, ayant promené sa lanterne dans des coins saugrenus (au lieu d'aller bosser, hein!) me propose le test suivant:

Aller sur le site de l'ANPE
- cliquez sur « Recherchez vos offres d'emploi »
- A la rubrique "vous cherchez un emploi de", plutôt qu’un travail fatigant payé au lance-pierre, tapotez « Rien » et lancez la recherche.

hihi.

30.11.07

futuriste.

C'est le thème de la semaine chez Lens Day.
May be this one?




Encore que je garde une certaine tendresse pour celui-ci, mon premier essai de bidouillage sur Fautau chop:

28.11.07

Encre ici, Ab Dick...


Dans mon curriculum vitae, entre le ramassage des framboises et une parfaitement usurpée mission d'audit de communication interne, figure la mention "conductrice offset".
C'est un fait : j'ai su conduire une offset avant une voiture.
Juste retour des choses, ce tendre mastodonte prénommé AB Dick 350, de la fac de médecine, m'a conduite bien plus loin que je ne l'aurais imaginé, et notamment devant un Monsieur Maire.
Je n'y pensais pas (menteuse!) lorsque, dans les locaux de l'association des étudiants où j'allais exercer mes talents deux ans durant, j'écoutais gravement le démiurge maculé d'encre assortie à ses sourcils me donner mon premier cours d'anatomie roto-calcographique.
Car, sous ses airs de brute noire et carrée, une offset est une diplomate jouant subtilement sur tout une série d'attraction-répulsion, l'eau et l'encre grasse se rejetant mutuellement, la première se consolant avec l'aluminium, tandis que la seconde est absorbée par le cuivre. Le tout à un train d'enfer, car l'offset joue à tournez-manège huit mille fois par heure.
J'ai encore en tête la symphonie nocturne de la cérémonie d'imprimerie. Je reconnaîtrais partout le doux sifflement de l'aspiration de la feuille de papier, le glissement le long des rouleaux, le bruit de baiser poisseux de l'encre et l'atterrissage sec, immédiatement calé de l'exemplaire imprimé.
Tiens. J'étais partie pour vous raconter des choses drôles, le condisciple penché d'un peu trop près, et dont la barbe se coinça dans les rouleaux, l'immonde pâte à papier dans le réservoir d'eau qui résulta de ma première expérience en solitaire, et mon appel affolé à trois heures du matin, le journal étudiant en cambodgien Khmer,dont un courant d'air malencontreux mélangea la pagination, et dont nous ne pûmes, faute de traducteur, retrouver ni l'ordre logique, ni le haut, ni le bas, et que nous imprimâmes dans une totale confusion.
J'étais partie pour cela, et j'arrive à une vraie nostalgie de l'odeur d'encre, de ces nuits alternant somnolence et fièvre, quand le bruit d'une feuille "montée dans les rouleaux" nous faisait dégringoler du tas de ramettes sur lequel nous tâchions de grappiller un peu de sommeil avant de reprendre la journée d'hôpital. (Ah, le regard torve du chirurgien sur la ligne bleu-noir de nos ongles qui transparaissait sous les doubles gants et le mal que nous avions à le convaincre que l'encre d'imprimerie était on ne peut plus inapte aux germes clandestins!)
Le démiurge noirci comme un Vulcain est toujours là, et s'il a vieilli, si les ongles sont devenus propres, son poil est toujours sombre.
L'offset, belle au blanchet dormant, est au fond du jardin. Il l'a rachetée à l'association, n'ayant pas eu le coeur de s'en séparer. Depuis, elle nous suit. J'ai bien sûr grommelé devant la difficulté de la transporter lors de notre déménagement. Mais c'est assez facilement que je me suis laissée attendrir.
Ce n'est pas fréquent, un homme qui garde une telle fidélité à un souvenir de jeunesse d'une demi-tonne.

27.11.07

Aujourd' hui : rien.

Des fois, je ne perçois ma propre tension que quand je l'efface, de ce mouvement d'épaule d'après la lutte. Boxeur sortant du ring, danseuse ou cireuse d'escalier, pareil, l'ai-je bien descendu?
Cette tension, je la connais bien, elle est moins liée à la dureté propre des situations individuelles qu'à la complexité des enjeux entrecroisés. Ménager chèvre, chou, et jusqu'au piquet et à la corde...
S'il m'arrive quotidiennement de rencontrer des enfants et des adolescents qui ne vont pas bien, c'est rare que je voie, comme aujourd'hui, une classe entière qui va mal. Petite classe d'une formation peu qualifiante, elle regroupe cette année, un extraordinaire concentré de souffrances diverses. Ce n'est plus une classe, c'est un jeu de tarot divinatoire, où chacun tient une place exemplaire.
H., sur le mode même pas mal, ment comme un arracheur de vote, boit, fume et vole, I., raide et fermé, fume, boit et cogne, J. se suicide un jour sur deux, se scarifie l'autre, fume et boit un peu moins qu'avant, depuis l'instauration du traitement, et pleure toujours autant. K est là épisodiquement, quand elle n'est pas occupée à couvrir son bébé de bisous voraces et à l'égarer ensuite chez qui en veut, et quand elle est là, dévore l'adulte de son enfantine avidité.
Ces quatre là, au hasard Baltazard, t'as tort Melchior, ont des pères perdus ou pendus, et leur mise en commun tient de l'expérimentation perverse : ils n'en peuvent plus de se chercher, de se trouver à belles dents, de s'éprouver jusqu'à la vivisection, entrainant des satellites moins souffrants, mais tout aussi vulnérables. Le groupe ne cesse d'exploser, de se fragmenter, les désertions durent une heure, ou trois jours, avortant tout projet, toute tentative scolaire.
Je ne sais pas par quel bout prendre cette tête de Méduse. Le seul morceau qui n'en morde pas immédiatement, c'est l'équipe enseignante effarée, au bord de l'arrêt collectif et plus qu'au bord des larmes.
Or il n'existe aucun ressort institutionnel pour ce genre de situation. Tout au plus puissé-je suggérer à l'équipe de prendre contact avec une équipe de psychiatrie de l'adolescent, au moins pour être un tant soit peu écoutée.
Que faire d'autre?
Redresser un peu les épaules, ma journée est finie.

26.11.07

j'aime, j'aime pas, c'est ben compliqué.


Je n'aime pas le poids des religions, mais j'aime la petite chapelle de XXXX dessinée à l'encre de Chine sur fond de ciel et de mer, flanquée de deux judicieuses petites vaches noires.
Je n'aime pas l'étouffoir de la dépendance, mais certaines chansons d'alcooliques m'émeuvent à me pendre. Si tu me payes un verre, je ne t'en voudrais pas de n'être rien du tout, je ne suis rien qui vaille*.
Je n'aime pas la foule, mais la ferveur, celle qui ne peut naître que de l'assemblée, m'atteint plus souvent que je ne le voudrais. Après des années de pratique prophylactique de l'ironie, je continue d'avoir la larme badaude, et des enthousiasmes de gobe-mouche.
Je n'aime plus la ville, et pourtant, je suis du regard la ligne d'un immeuble comme celle d'un bateau, et la friche industrielle est, comme la grève, une inépuisable source de trésors oblitérés.
Je n'aime pas la pêche à la baleine, mais les chansons qui en font foi, et le vieux bois d'une chaloupe usée me chavirent, haul away, old fellow away...


( c'est Reggiani qui chantait ça, et, pour une phrase pareille, je lui aurais bien payé une douzaine de verres).

25.11.07

Pour saluer Still


Still nous annonce avec cette très belle photo le décès de son père. Qu'il lui soit redit ici combien je l'aime et combien je pense à elle. Gens de coeur, si vous avez aimé ses photos, allez donc l'effleurer en ce temps noir et blanc et gris aussi...

24.11.07

comme une envie d'élégie



La fenêtre découpe un rectangle clair sur le lit.
Des petits nuages roses viennent de Saint Malo, gonflant leurs voiles pour se donner de l'importance.
Le goéland de huit heures un quart est passé depuis longtemps.
Samedi matin.

20.11.07

Aujourd'hui, grève entre drapeaux rouges



Et bistro après la manif.
Pff, de qui sont-ils les hommes de paille?

18.11.07

Fille indigne


Est-ce que je la connais?
Et qui, pourtant, pourrait m'être plus familière?
Le visage s'est soufflé jusqu'aux yeux, autrefois si grands, si bleus. La morgue n'est plus entière, elle s'est veinée, sans doute, de la pensée qu'un jour, la solitude pourrait être sans rémission.
J'écoute en moi comme une archéologie de sentiments autrefois tumultueux. Plus que la voix, habilement modulée, si souvent péremptoire, dont je n'écoute plus les provocations, plus que les traces pesantes et floues de l'alcool et du temps, ce sont les mains qui pourraient m'émouvoir. Elles y arrivent fugacement, la peau si douce, les longs doigts, le toucher offert, curieusement plus spontané que toute autre communication, ce contact sans aggrippement, quand tout le reste est si avidement soumis au besoin d'emprise.
Je me laisse émouvoir, parce qu'il n'est plus si douloureux d'accueillir la nostalgie de ce qui a manqué à être, parce que la marcotte a pris, finalement, dans un terreau ni proche ni lointain, un terreau partagé ailleurs. Je me laisse émouvoir et m'en vais, somme toute, puisque la seule façon de ne pas achever cet irrassasiable gâchis, est d'en garder par devers moi les fragments féconds.
Je m'en vais, escortant en moi seule, après tant de drames publics, la compassion blasphématoire que j'éprouve envers ma mère.

14.11.07

Breizhkou*


La lumière longue
Oblique sur la lande tannée
Je vais à Ouessant

(* Haïku breton, selon la magnifique néologisation de Traou)

13.11.07

Heuristique à la chandelle


Un homme, un jour, errait dans un désert, tourmenté par la soif et la faim. Au coeur de la nuit,à bout de force, il se mit à prier. Sa prière fut intense, à la mesure de sa détresse. Un souffle doux passa autour de lui, et la puissance inconnue déposa un petit tas près de lui. Au toucher, il reconnut des figues, mûres à point. Il en goûta une, et tous les jardins du Paradis lui descendirent dans la bouche. Moelleuses, parfumées, fondantes, elles calmaient tout à la fois la faim, la soif, la solitude et le froid.
Éperdu de reconnaissance, il pria à nouveau, remerciant pour ce don divin.
" Ah, pensa-t-il, quel dommage que mes yeux ne puissent se réjouir comme mon palais, quelle dommage que je ne puisse contempler de mes yeux, ces merveilles qui témoignent, Seigneur, de ton infinie bonté."
Aussitôt, surgie du néant, une chandelle allumée apparut.
Et l'homme put contempler les figues.
Elles étaient toutes, absolument toutes véreuses.
L'homme, alors, souffla la chandelle.
Et se remit à manger les figues.

Stupide aveuglement?
Sublime renoncement?
Conscience intime que rien, jamais n'est parfait?
Accomodante lâcheté?

Je n'ai jamais su décider.
Alors j'ai soufflé la chandelle sur la parabole.

12.11.07

kitsch-net


Chez Ah Oui, j'ai trouvé l'annonce de Tambouille qui organise aujourd'hui, un inventaire des objets biscornus, drôles, précieux, moches ou incongrus de vos cuisines.
Voilà les miens, catégorie aléatoire:


La tasse à moustaches, qui me vient de mon grand-père. J'attends encore le bel hidalgo qui viendra y boire un délicieux chocolat, sans salir l'ornement pileux de son aristocratique lèvre supérieure. (le problème, c'est les serviettes brodées que je n'ai pas. Croyez-vous qu'il accepterait un Salopin à la place?)


Le buveur de chocolat n'étant pas venu, un petit bonhomme tout rond est venu prendre le thé.



Cendrillon est venue chez moi. Sur le coup de minuit, elle a laissé sa pelle à gateau. Et j'ai pris 10 kilos.

Quant à celui-là, hummmm...


Me reste à vous présenter cette magnifique écumoire chinoise, à moins que ce ne soit une écumoise chinoire. C'est un magnifique sert-à-rien, qui met son point d'honneur à être totalement inutile. A ne pas confondre avec le Sert-à-tout, qui lui, peut parfois servir à quelque chose. Encore que rien n'est moins sûr.


Et chez vous? En tous (en)cas, ne vous privez pas de l'exposition virtuelle chez tambouille, elle est fort gouleyante.

11.11.07

avel y vélo

Trouvé chez Samantdi, un concours de vélophoto organisé par Jathénais et gilsoub.

Voili, voilà, vélo.



Et si vous voulez savoir pourquoi mon blog, y va mouru, c'est là.. Ne me dites pas que devrais avoir honte, je pense que c'est exactement pour ça que c'est bon.

9.11.07

du bleu, jusqu'à l'embellie


Encore un tableau volé sur le chantier de carénage... Décidément, j'ouvre sous la rubrique "la galerie de la cale", le catalogue de ces oeuvres éphémères.
La première est ici

8.11.07

haiku breton


L'oeil de la baleine
Regard croisé dans le port
La grève est finie

6.11.07

la gavotte du pantin ou "La raie publique nous appelle"

"Nous n'irons plus en mer
les chaluts sont levés
si vous voulez de la sole
Voyez donc l'Elysée"


Après le Petit Timonier, Le Petit Poissonnier?
C'est pour lui l'occasion ou jamais d'apprendre que le talent d'un patron pêcheur, c'est aussi de savoir composer un équipage où chacun sait ce qu'il doit faire.
Etre à la barre et au chalut en même temps, cela ne dure jamais longtemps.

5.11.07

un dossier épineux


Jardinière intermittente, tolérante à la mauvaise herbe, feignasse d'exception, espérant peut-être toujours secrètement qu'une chose aimée puisse se passer de soins, j'ai, j'ai toujours eu, dans mon jardin, au moins un roncier.
Par la force des choses, celui-ci est généralement situé aux confins, dans les zones les moins visibles, mais hélas aussi, les plus susceptibles de déclencher un conflit de voisinage.
Il faut, un jour, décider la radicalité.
Le roncier, tout d'abord, se toise.
Il s'évalue posément, en enfilant ses gants d'un air assuré.
On en coupe quelques unes des branches les plus folâtres, les imprudentes pousses de l'année, qui s'imaginent conquérir un territoire à elles seules, dès lors qu'elles se seront poussées du col, hors de la pelote d'origine. Les présomptueuses partiront les premières.
Parfois les seules de la journée, pour peu qu'une visite arrive ou que l'on me proposât imprudemment de prendre un re-café.
Mais comme les chiottes ou le cimetière, le roncier, un jour, fatalement, faut y aller.
Et plus seulement du bout des doigts. La chose s'affronte des mains, de la tête, du pied, et parfois de l'épaule. On rend perfidie pour sournoiserie, on profite de la force agrippante de l'adversaire pour engluer les drageons les plus faibles et tirer d'un coup sec, on déterre, hache, taille, on poursuit les racines jusque sous les murs.
R. le roncier se venge d'une souple détente, fouette au ras des yeux, infiltre ses épines kamikazes sous les gants, juste à l'extrémité sensible de la pulpe des doigts, et se cramponne à tout, ne cédant que sous la lame.
Quand le sécateur a trouvé et tranché l'ultime lien barbelé, il me semble que la masse entière cesse de se défendre, que sa vitalité funeste s'éteint d'un seul coup, ne laissant plus sous ma main qu'une botte embrouillée et sans hargne.
Et quand la fourche, sans effort, la soulève en direction de la brouette, j'ai le sentiment essentiel que j'ai extirpé bien autre chose qu'un souci végétal.

4.11.07

boucaille

Je n'aime pas le port en berne, je suis partagée sur la question de la pêche: protéger la ressource, qu'elle soit énergétique ou animale, protéger les familles qui en vivent, puisqu'il n'est pas juste qu'elles prennent de plein fouet, et avant nous, le résultat de nos gaspillages. Qu'il ne soit plus possible de pêcher comme il y a 20 ans, c'est évident, mais pourquoi, toujours, tirer l'échelle sous les pieds du matelot, et le regarder couler.
Petite consolation, l'exposition éphémère de la cale de carénage est toujours aussi belle:




et voici l'une des galeries:

1.11.07

Le loup, la pétition, moi et le petit lapin blanc

Mon cher Loup,
bien sûr que non, je ne vais pas supprimer ton commentaire en dessous de mon dernier billet.
Sans se connaître vraiment, je crois qu'on s'aime bien, et toi et moi avons passé l'âge de jouer aux bisounours. Je ne connais pas les raisons de ta colère, mais c'est bien de la colère, et non de la malveillance. Alors je le laisse là, ce commentaire rageur.
Mais j'y laisse aussi chacun de mes billets, bien sûr.
Et bien sûr, il y en aura d'autres du même ordre, pour tout un tas de raisons. Tu ne trouveras pas, même en farfouillant dans le tas, l'idée qu'une pétition change le monde, ou tient lieu pour toute soupe, d'action militante. Se désolidariser d'une mise devant le fait accompli, c'est juste, de façon infime, faire la différence entre une décision prise sans que personne ne moufte, et une décision prise malgré quelques ou beaucoup de protestations.

Quelque chose qui aurait à voir avec l'ultime offense qu'est le silence.

Sans que cela me coûte beaucoup plus que de savoir que je ne serai jamais fonctionnaire de première classe-la belle affaire! Mais penser que je ne serai pas tout à fait seule, à l'heure de la désobéissance, quand je refuserai de signaler aux maires, les enfants instables et les familles vulnérables, me met un peu de baume au coeur. Parce que, au train où vont les choses, ça va m'arriver tout droit sur le nez d'ici peu.
L'ennui, vois-tu, c'est que je n'ai plus la ressource d'imaginer que je vais poser des bombes sans imaginer tout le boulot après pour nettoyer, soigner les blessés, réconforter les familles et répondre aux journalistes.
Remarque que je suis prête à changer d'avis, mais sur d'autres arguments qu'imprécatoires.
Ce que tu ignores sans doute, mon cher Loup, c'est qu'une femme ne vit pas sans être des dizaines de fois confrontée, pour peu qu'elle ouvre un peu la bouche, à une multitudes d'avis masculins extrêmement condescendants, sur le mode "ma pauvre, t'as rien compris!Tu devrais plutôt faire çi, ou ça, poétesse plutôt que porte-pancarte, p*ute plutôt que médecin, otis plutôt que pfiffre etc..."
C'est donc avec beaucoup d'amitié, mais une très ancienne fatigue, cher Loup, que sur ce point très précis ( et le seul, hein les gens!) je t'emmerde.
Il continuera à y avoir ici, exactement ce que j'ai envie d'y mettre, et dans l'ordre que je veux.
On se fait déjà assez suer dans la vie à faire son petit lapin blanc - pas bouger, bonne bête- pour ne pas continuer ici.
Je t'embrasse.

31.10.07

ben voui, encore une pétition.

Médecins du Monde lance une pétition contre l'instrumentalisation de la médecine au profit de la politique de contrôle migratoire.
Elle vise non seulement les contrôles de l'ADN des individus demandant un regroupement familial, mais aussi les pressions exercées sur les médecins de santé publique, la réalisation d'âge osseux sur les grands adolescents pour permettre aux institutions de ne pas appliquer les lois sur la protection de l'enfance
Vous vous doutez bien que que je l'ai signée des deux mains.
Après tout, si l'on veut vraiment utiliser les progrès de la science pour le confort de notre population, il y a largement à faire avec la question des élèves à besoins spécifiques dans l'éducation nationale, la lutte contre les maladies orphelines, l'éradication du SIDA, etc...

30.10.07

un week end en épices douces


Dimanche à Paris.
De la lumière, sur le canal, sur une frimousse drôle et futée de petite fille, dans le sourire d'ADA, qui est et a une fille formidable.
Je suis venue avec des langoustines, repartie avec une incroyable confiture de Traou, et l'envie de connaître mieux Valclair.
Et une recette de feuilles de vignes farcies.
Et une chaude expérience de hammam.
Et des heures de conversations.
Le désir de lire Pamuk.
Une forte envie de voyage.
Franchement, si la SNCF avait évalué mon bagage de retour, je n'y coupais pas d'une surtaxe...

26.10.07

brouette illégale


(cliquer pour voir en plus grand)

Poursuivre l'illégale brouette...? Oui, mais avec quel véhicule?

22.10.07

La chaine et le roseau pensant


Me voilà maillon.
Moukmouk, celui de Pohenegamouk, vient de me lister comme l'un des cinq blogs qui le font réfléchir, et me demande de continuer ce qui semble être une chaîne.
Si je réfléchis bien au boxon qui se produit dans mes neuromédiateurs, il y a du plaisir, de l'orgueil (cogito ergo je m'la pète), un intense sentiment d'imposture (mais un jour il vont finir par s'EN apercevoir!...), et une certaine perplexité.
Parce qu'au fond, je crois que je réfléchis peu.
Par contre, je rêve beaucoup, je soliloque, je marmonne-et de plus en plus-je divague, je contemple, flâne, surfe et songe.
Finalement, je ne réfléchis au sens strict que quand un caillou vient faire dérailler le train de ma rêverie: ce peut être une émotion, une sensation de discordance, une réminiscence, et bien sûr une obligation professionnelle. Je cherche alors ce qui fait scrupule, épine irritative, ce qui insiste comme obstacle.
Je défroisse, parce que je ne peux pas faire autrement, parce que, face à ce qui peut attaquer, déstabiliser, rendre fou, il n'y a eu, pendant longtemps, pas d'autre moyen que la mise en mot.
Ça n'a sans doute pas moins ni plus de vertu que courir ou de confectionner des cornes de gazelles. (ou des feuilles de vignes farcies)
L'amusant, c'est que Meerkat, nomminée en même temps que moi au Moukmouk Thinking Award, a titré son billet suivant "rêver la vie?". Ce qui tendrait à me sussurer que je ne suis pas la seule à dégainer rêverie quand on ma parle de refléchir.

Réfléchir, c'est interroger l'accroc. Du coup, me voilà en train de creuser pour savoir ce qui me sort de ma flânerie.
Ben c'est variable.
L'auteur de l'Ivresse Philosophique m'en voudra -t-il si je lui dit que rêve peut-être plus en lisant que je n'y réfléchis? Ce n'est pas que son blog manque de consistance, c'est parce que je suis sensible à son plaisir, à sa jouissance quand sa pensée est fluide. Alors parfois, j'échappe au sujet proposé, et je navigue à l'estime.
A l'inverse, Samantdi écrivit là, un billet qui me fit tellement réfléchir que je n'en suis qu'aux prémices. Sa brève échappée sur la notion de confort me semble contenir un point central de ma propre existence. D'ailleurs c'est souvent le cas, tant elle pose, avec une apparente simplicité et en quelque traits, des questions tout à fait fondementales.
Mr Ka, aussi, a l'art de soulever un point comme un caillou sur une plage, et de m'y faire découvrir tout un monde, à travers un mode que je maitrise peu, l'image. Au fait, d'un texte, je dis que le lis et le relis. Des images soulevées par Mr KA, dois-je dire que je les regarde, puis les garde?

En fait, dans mes blogs vraiment à réfléchir, qui ne servent qu'à cela il y a ceux de Maître Eolas et de JP Rosencweig. Parce que la frénésie de lois des derniers gouvernements, la façon, à la fois candide et perverse de croire qu'on peut, par la loi, combler tout les trous, supprimer tout vertige, réduire toute marge, ça, c'est un vrai caillou dans ma chaussure.
Itou, Technologie du langage, de Jean Veronis
Mais comme cela me fatigue, je retourne vers ceux, tous en lien, qui distraient en instruisant.
Car, disait Boby Lapointe:

"je peux instruire en distraisant
Treize ans 1/2 maximum.
Après, je prend ma retraite".

19.10.07

La jeune lectrice et le carton en L.

Elle descend l'escalier, à peine réveillée. C'est encore une enfançonne, le mollet bâillant hors du pyjama défraîchi, la tignasse embroussaillée masquant le visage mince, l'oeil encore enfoui . Elle oursonne, grognonne, s'étire. Pendant que je prépare le chocolat, la tartine rituellement fendue et beurrée, elle file chercher son Asterix du matin.
20 minutes durant, rivée à sa lecture matinale, elle remuera le contenu de son bol avec son peigne et tentera de se coiffer avec son toast.
Elle est si jeune! N'est-ce donc pas possible de faire dévier cet implacable destin?Ne vous moquez pas, je vois poindre les premiers éléments liturgiques de cette secte infâme:

-Je finis mon chapitre.
-Attends!
-cékika pris mon livre?
-On pourra acheter le tome trois, quatre-cinq-dix?
-Cekika perdu ma page?
-j'arrive!
- y meurs à la fin?
-t'as fini? je peux le prendre?
-Tu peux porter mon sac, l'est trop lourd...

Que peuvent, contre cela, mes exorcismes pauvres et mal convaincus?
-Dépêche -toi!
-Quand je dis tout de suite, c'est tout de suite!
-Eteins la lumière!
-Ah non, tu as voulu les emporter, tu portes.

Rien sans doute.
Et dès que j'ai le dos tourné, la marée rampante du livre reprend l'escalade du lit, du bureau rose, de l'escalier et de la branche basse du figuier...

LE CARTON EN L


Dans le carton en L, il y a , il y a toujours eu Rosamond Lehmann.
Qui la lit encore?
Elle est en Purgatoire, après avoir connu la célébrité dans les années 30. Au vrai, si l'on peut se figurer le Purgatoire des Écrivains comme un lieu matériellement bien achalandé en cigarettes et en gin, je ne crois pas qu'elle s'émeuve plus que ça d'y séjourner.
J'ai dit gin et cigarettes. Le thé aussi bien sûr. Mais si j'avais rajouté ce dernier élément au fait qu'elle soit femme, anglaise et qu'elle s'appelle Rosamond j'aurais eu peur de voir filer la déjà mince partie masculine de mon lectorat, et franchement, c'eût été dommage.
Alors, dans ce Purgatoire qui ressemble plus à la Gare de Paddington dans le fog, qu'au salon de thé de Harrod's, il faut imaginer R. Lehmann en position d'observatrice attentive, masquant sous son détachement, une sensibilité extrême. Ironique avec les traits de classe si évidents dans la bonne société anglaise de l'entre-deux guerre, violente, parfois (" vos enfants savent-ils déjà qu'ils vous détestent?"), et pourtant pitoyable à leur involontaire emprisonnement, elle se révèle, peut-être malgré elle, une entomologiste élégante et parfois cruelle.

Rien n'est moins mièvre que Rosamond, malgré son prénom et les titres de ses livres, malgré même ses thèmes. L'invitation à la valse raconte la semaine d'une adolescente qui attend un premier bal, Poussière le parcours sentimental d'une étudiante fascinée par une famille de cousins, Intempéries, mon préféré, un livre interlocuteur, en quelque sorte, retrouve l'héroïne de L'invitation à la valse, dix ans plus tard, précarisée par son divorce et son choix de vivre indépendante, et décrit son histoire d'amour avec un homme marié.

Les personnages de son oeuvre sont toujours au bord de quelque chose, assez près pour s'y sentir lié, trop loin pour y appartenir complètement. Et c'est dans cette distance, même minime, que naît le récit
Olivia, l'héroïne de l'invitation à la valse, eût elle entièrement plongé dans le bal qu'elle n'en n'aurait rien eu à dire. Et, dans le roman suivant, c'est à mi-chemin entre le monde de l'aristocratie et celui de la précarité qu'elle inscrit une histoire d'amour incomplète et un avortement clandestin.
Pourtant, ce n'est pas par empêchement à sentir, que se dérobe l'achèvement de l'histoire, sous forme d'un statut dûment reconnu par la société et les contes de fée. S'il y a une tragédie de l'impuissance, ce n'est pas par la glaciation des sentiments, mais par l'impossibilité de la fusion associé à l'impossibilité de renoncer au désir de fusion avant que l'histoire ne soit vécue.
Les histoires d'amour ne tiendront pas d'autres promesses que d'être à vivre.
Peut être, d'ailleurs, que le point central, chez Rosamond Lehmann, est moins la difficulté de se lier à un être, que l'impossibilité de se sentir appartenir à un groupe. Judith, l'héroïne de Poussière, est fascinée par la famille entière des Fyfe, et l'amant d'Olivia lui entrouvre une porte vers un monde de l'aristocratie qui l'attire et la rebute à la fois. (Oui, Samantdi, je pense à ton moëllamant!)
Chez Rosamond Lehmann, les mères sont essentielles, nécessaires, solides et pas toujours bienveillantes. Voici ce qui apparaît après la description de la maison de famille d'Olivia:
"Oui, c'est certain, ces murs renferment un monde. Ici, la durée tisse sa toile d'une pièce à l'autre, d'un an à l'autre. Le temps est en sûreté, dans cette maison. Quelque chose d'énergique, de concentré, de fort, de calme s'y développe, quelque chose qui a ses lois, ses habitudes, quelque chose d'inquiétant, de tyrannique, à quoi il ne faut pas se fier tout à fait; quelque chose d'atroce peut-être. Une plante curieuse, aux fortes racines enchevêtrées : un spécimen unique. Une famille en un mot."
(L'invitation à la valse)


Ceux qui savent ce qu'il y a sous Anita sauront que je vous livre ici bien plus qu'une chronique littéraire. Deux de mes filles portent le noms d'héroïnes de cet écrivain, et si le choix fut délibéré pour l'une d'entre elle, la coïncidence pour l'autre me revint un jour dans la figure comme une évidence évitée. Par ailleurs, Rosamond Lehmann aime les jardins, l'adolescence, les livres et les hommes.(Et peut être aussi, à distance, les femmes qui aiment les femmes).
Par dessus tout, je la considère, à l'instar de Jane Austen et Margaret Mitchell, comme l'un des très rares écrivains jusqu'à une date récente, capable de poser un personnage féminin qui ne soit pas sublimé ou forcé. L'exigence de l'authenticité a un coût, et c'est sans doute pour cela, qu'aucun roman de cet écrivain ne se clôt sur la rassurante certitude qu'ils furent très heureux et eurent beaucoup d'enfants.
Mais comme dit une très belle chanson de Mac Orlan :
"C'est peut-être le prix d'une vie sans sagesse
Mais pour la sagesse, c'était pas mon fort
lalalalalala....."




Ps: pour ceux qui débarquent, cela a commencé ICI.

17.10.07

Le commerce, ce serait le plus beau métier du monde, s'il n'y avait pas les clients.


j'ai longtemps aimé l'infirmerie du Lycée du Grand Bigorneau, même s'il s'agit d'un bâtiment excentré dans lequel mon bureau offre le confort douillet et le degré de subtile invitation à la confidence d'un local du Guépéou, avec ameublement d'époque.
J'aimais cette infirmerie, parce que les deux dames infirmières qui y officiaient pratiquaient une forme d'écoute à la fois tonique, pleine de sollicitude et très professionnelle, qui en faisait un lieu précieux pour cet internat de lycée professionnel accueillant des jeunes gens variés, dont quelques uns pas mal cabossés.

Depuis le début de l'année, du fait de départs multiples, dont celles des deux dames sus citées, j'assiste, impuissante et navrée, au complet succès du module expérimental: "Vous qui souffrez, allez parler ailleurs"

Coté infirmières, ce fut vite plié. La titulaire du poste déplaça quelque fauteuils, ferma ostensiblement une porte ou deux, ressortit- de quel placard, Ma Doué?- un paravent tout à fait Assistance Publique 1960. Quelques traînements de savates malgracieux plus tard, le mot d'ordre avait circulé parmi les élèves. La titulaire pouvait amener son tricot, nul ne la dérangerait dans l'exécutions d'un audacieux point de riz perlé.

Restait donc, une accorte dame contractuelle,pas tout à fait en position de de force, mais pleine de bienveillance, décidée à contourner cet obstacle. Sans doute atteinte par le charme aussi mystérieux qu'insinuant du travail auprès d'adolescents, je la vis, après quelques jours éberlués, se préparer sereinement à faire le travail pour deux.

Mais voilà que l'administration, elle aussi nouvelle, enfonça un deuxième clou du cercueil: elle exigea que les élèves passent au bureau des surveillants avant d'aller à l'infirmerie.
Dans un lycée, avec de grands adolescents, cette mesure est une parfaite calamité sur le plan de la prévention, et d'une incroyable candeur en ce qui concerne la maîtrise du flux des élèves. Car enfin, quand un élève sort de classe, il est toujours PRESUMÉ se rendre quelque part, et seul l'accusé de réception de cet élève en fait preuve. Qu'un élève sorte de sa classe, ou qu'il sorte de la vie scolaire, s'il préfère courir le guilledou au lieu profiter des charmes de l'infirmerie, on ne le saura que si l'on s'informe auprès de l'infirmière.
y est-y venu, ou pas?
A moins d'exiger un bracelet électronique, y papu de sécurité là dedans que dans un parachute en béton cellulaire.

Par contre, il est parfaitement évident que cela a pour effet de filtrer les demandes. Du coup, les "je-meurs-allez-m'acheter-un hopital!" auront la double jouissance d'exposer leurs maux à deux étages.
Ceux qui va nous manquer, ce sont les dépressifs silencieux, les furtifs, les que le secret étouffe de l'estomac à la glotte et qui ne savent comment le faire sortir, les qui se parlent en crabe, de guingois, une patte devant, une patte derrière, les qui crânent, même pas mal et qui sont soi disant venus parce qu'ils ont la gueules de bois de leur week-end d'enfer, et ceux qui viennent justement à l'infirmerie pour éviter de cogner le CPE.
Ceux auxquels il me semble qu'on va manquer.

L'administration n'a rien voulu savoir lorsqu'excipant de mon ronflant titre de "conseiller technique auprès du chef d'établissement", j'ai fait remarquer que cette décision allait obérer gravement la prévention du suicide et sans doute celle des maltraitance.

L'année dernière, je partais en croisade pour que R ait une auxiliaire de vie scolaire. (Il en a une, et, curieusement, fait des apprentissages galopants, vient en chantant à l'école, et commence à emprunter des livres.)
Je crois que mon Delenda Carthago est de cette année est tout trouvé.

14.10.07

ineffables.


Voilà, j'étais là. Ce vendredi, vers dix-huit heure, après une journée consacré au repérage de la souffrance psychique chez l'adolescent, j'étais exactement à cet endroit.
Et c'était comme cela, dans ce paysage qui jouait à sa propre carte postale, en la paraphant de son odeur unique. Pour la première fois depuis des houles, j'ai pu laisser se dénouer des fils lancinants, j'ai écouté les vagues friser les galets légers de la rade, et j'ai vu jaillir hors de l'eau, un banc entier de minuscules poissons, comme des ricochets inverses, pour le plus grand affairement des mouettes.

La connaissez vous, cette heure suspendue, ce singulier sursis de la mer étale? L'avez vous, un jour vécue, dans un soir de douceur sans vent, dans l'estompe d'une brume qui, charitablement, bascule l'argent cinglant vers un or débonnaire?
Sans doute alors, vous êtes-vous, comme moi, partagé entre le désir de croire que tout ceci a été fait pour vous, que vous êtes, pour quelques secondes, propriétaire de cette beauté qui vous ravive et vous réchauffe, et l'insinuante certitude qu'il n'en est rien.
Que c'est, bien au contraire, la perception que tout cela se passe entièrement de vous, que rien ni personne ne vous a assigné à être là, qui allège soudain votre poids d'humain.
Tiède et indifférent, le granit, doucement, desserre mes doigts crispés, décentre mes inquiétudes et rassemble d'éparses sensations en un bouquet consolant.

13.10.07

le jour où


Anita s'est dit: "arrête de te gratter, et rentre à la maison."

De retour soon, et je bise tout ceux qui, ici ou par mail m'ont envoyé pleins de petits grains de sable pour ma collec.

6.10.07

Le fond de l'air est humide, voyez-vous.


Il faut, disent les marins, arrondir les caps et saluer les grains.

Saluer les grains, oui, quand ils viennent d'en haut, arrondir les caps, quand ils ne se sont pas dissouts dans ces remontées saumâtres, dans cette lente corrosion qui vient du fond.

Le grain est là, sans aucun doute, et je fais eau. Du dehors comme du dedans.

Je sais que Monsieur Seguin voulait, de sa chevrette, l'oeil et le pied sec, la corne épurée sous les mâchoires du loup. Mais l'espèce humaine ne souffre jamais là et comme on voudrait, et certaines féminines douleurs ne peuvent s'empêcher de ressembler à des limaces bovarysant dans les trognons de chou.



photo: décor d'un spectacle de la compagnie Trois Points de Suspension