21.3.07

N. nous cherche.

N. se cogne aux parois de l'institution, tout le temps, répétitivement, compulsivement.
"Ah, dit le maître , il nous cherche en permanence."
N. est intenable, provoque les autres, claque les portes, tient tête, le verbe haut, le menton levé, les poings serrés, d'autant plus arrogant qu'il est pris dans les rêts d'une argumentation pathétiquement enfantine.
D'ailleurs, N. est un enfant.
Mais N. pense qu'il doit absolument montrer qu'il est un homme, puisqu'il en faut bien un dans la famille. Celui qui avait signé pour le rôle à sa naissance vient quand il veut, veut très irrégulièrement, arrive parfois comme Tonton Cristobal, des objets plein les poches, et c'est alors la fête excessive, l'abondance ingérable et sans horaire. Parfois c'est lui tout entier qui est plein, de menaces, de colère, de vide, d'alcool.
N. se dit que c'est bien d'être grand, parce qu'on fait ce qu'on veut. Ceux-là, en face de lui, qui lui disent que les grands essaient surtout de faire ce qu'ils peuvent, et qu'en tout, cas, face à lui, ils tentent de faire ce qu'il doivent, ne pas le laisser seul, ne pas renoncer à lui apprendre à tirer parti de son intelligence, ceux-là ne comprennent rien, ceux-là sont dangereux.
Parce qu'enfin, s'il se pouvait qu'ils aient, oh juste un peu, sinon raison, du moins des raisons de dire ce qu'ils disent, si c'est vrai qu'il faille un jour-oh! ne serait-ce qu'un peu, ouvrir les mains, baisser sa garde, alors on sait ce qui vous attend, s'asseoir par terre et pleurer, longtemps, longuement, sur cet immense gachis.

Pleurer jusqu'à ce que l'enfantine morve vous déborde du nez et du coeur, jusqu'à atteindre le noyau de détresse sous le flot purulent, jusqu'à ce qu'une alliance soit possible.

Mais qui peut attendre ce temps des larmes? L'éducateur qui n'est pas encore venu? Le pédo-psychiatre qui ne peut le voir qu'une fois par mois?

Bien sûr, N. aurait sa place en Institut, spécialisé dans les enfants qu'on appelait autrefois caractériels. Pourquoi faut-il que depuis un an, le guichet d'entrée pour cette prise en charge s'appelle la "Maison du Handicap"?

Malgré tout les précautions oratoires que j'ai prises, malgré mon refus absolu, sans ambiguïté, de le considérer comme handicapé, ce noyé qui se cramponne à des lames de rasoir, vous avez une idée de ce qu'il m'a répondu, le N. ?

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Je ne sais pas, non... Mais j'imagine assez bien...

Anonyme a dit…

Je pense à quelque chose de désespéré ou de désespérant :-(
C'est une curieuse coincidence, peut être à causede cette période de l'année scolaire souvent tendue et riche en dérapages, mais j'ai fait un billet sur Wayne, aussi abimé que N.

Tellinestory a dit…

@ Oxygène : Oui, j'ai lu ton billet, que je conseille, à tous ceux qui passent ici, d'aller lire. C'est déja si difficile de les aider, pourquoi en rajouter?
@ Still: oui, entre autre, ce genre de truc.