Sur mon écran, le récit du procès de S. qui fut dans les forums, une supermaman, et dans le quotidien, une mère infanticide par carence lourde, dans un contexte de pathologie psychique.
Sur mon écran, les commentaires aussi, ce qu'on peut en attendre en pareil lieu, en pareil cas. Ceux qui ne croient qu'au libre arbitre, qui disent qu'une fille "qui se fait faire un gosse sait ce qu'elle fait", ceux qui, sans doute en mal d'adoption, crient une blessure ravivée, les travailleurs sociaux-et j'en suis- qui aimeraient bien dire que..., sans pour autant dédouaner quiconque d'une responsabilité, parce qu'ils savent bien que cela seul, répondre, nous fait avancer dans ces mortels schmilblicks.
Cette femme toute jeune, j'aurais pu la connaître, dans son adolescence mi-orpheline, mi-rejetée, anorexique, alcoolique et trop tôt mère.
Probablement, j'aurais déploré amèrement qu'à l'aube des ses 18 ans, on la renvoie à sa responsabilité, en raison du tour de vis drastique restreignant les crédits des associations qui s'occupent des contrats jeunes majeurs.
Elle aurait, bien sûr, fini par s'effacer du tableau de mes préoccupations, sans pour autant déserter cette mémoire qui m'en rappelle une, ou dix, semblablement laminée par la vie, temporairement sauvée par l'illusion.
Ceux qui argumentent sur le mode "ouais, ben moi aussi, ou ma voisine, ou le petit neveu de ma crémière ont eu des enfances difficiles eh ben y sont pas devenus meurtriers", me font penser à ceux qui connaissent celui qui a fumé toute sa vie, ou celui qui grille les feux rouges sans qu'il lui soit jamais rien arrivé.
Enfant heureux, bien portant, ni réprimé ni séduit, ni abandonné, ni idolâtré, il est finalement rare qu'on remplisse la case des faits divers sanglants, sauf, peut-être, à la rubrique financière.
De l'enfant qui est chez moi, et qui trille ses rires en les mêlant à ceux de la mienne, je sais finalement peu de chose. Mais je sais que son père est schizophrène, son petit frère handicapé mental. Je sais que sa mère, vaillante et peu causante, s'est assise à ma terrasse pour prendre un café, que sous sa solidité bougonne, elle est de cette patiente honnêteté qui ne déguise ni ne feint, qu'elle tempère, embrasse et soutient avec la même mesure simple, et confidentiellement affectueuse.
A elles, à nous, cet après-midi de soleil intermittent, de sarabande dans les escaliers, de goûter partagé et de fragments de vie circulant semble avoir fait le plus grand bien.
4 commentaires:
Les gens qui commentent en une ou deux lignes les articles des journaux en ligne se donnent rarement la place (en auraient-ils l'envie ou la capacité ? C'est un autre débat) de faire autre chose que de cracher une phrase bien sentie pleine de manichéisme. Il y a peut-être des perles de sagesse dans ces échanges façon Café du Commerce mais la plupart du temps on n'y réfléchit pas plus loin que le bout de son nez et de son confortable fauteuil – c'est la marque du genre.
(Et les mots semblent à nouveau aisément venir sous tes doigts bien que le sablier ait arrêté de couler et que Xave et Isolde aient fait leurs paquets.)
Un peu d'embruns d'émotion ,pas de sablier et le temps d'appréhender l'indicible sans tomber dans des propos de café du commerce . Doit-on connaitre toute l'histoire pour réaliser qu'à un moment on peut faire le geste qui répondra voir précèdera la demande et sera bénéfique .
Merci pour ce magnifique billet.
Qu'est-ce que toute la moraline du monde lorsqu'on peut carburer ensemble au partage de l'ombre, du soleil et du vent?
Belle histoire.
Qui m'engage à penser encore plus que lorsque l'on met son bulletin dans l'urne, c'est bien un choix de société qu'il faut faire.
Aujourd'hui avec celui qu'ont cru faire 53% des français, on voit que le modèle qu'on nous propose est des plus sauvages.
Comment en sortir ?
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