25.2.07

with a little help from my friends

En lisant le blog de Kozlika, j'apprends qu'un professeur de math de ZEP a fermé son blog à la suite d'une procédure disciplinaire engagé par le chef d'établissement. Bien entendu, cela évoque tout à fait le précédent Garfield, sans compter l'inspecteur du travail Bereno, et le policier Thomas.
Là, j'éprouve une légère culpabilité.
Non pas tant parce que je découvre après coup ces blogs: après tout, les découvertes de proche en proche sont faites pour être aléatoires, et il n'y aurait aucun intérêt à suivre tous les mêmes balises, html ou pas.

Non, ma culpabilité est d'un autre ordre.

En fait, je tiens probablement l'un des très rares, sinon le seul blog de médecin de l'Education Nationale ( qui est bien souffrante, tout le monde le sait) et depuis un an, je constate que je n'ai rien fait pour le faire interdire. Et ce, bien que je l'eût ouvert en pensant y parler aussi de mon métier.
En dehors de ma propension naturelle à la flânerie, à l'esquive de toute photo officielle, aux regards toujours en coin et au plaisir pur des mots, je m 'accorderai d'autres excuses : les histoires que je traite d'un peu près sont nécessairement assez catastrophiques, et si peu me chaut qu'un menu potentat se reconnaisse dans mes écrits, qu'un de mes jeunes patients s'y voit nécessairement réduit me touche plus sévèrement. Donc très peu de billets en parlent, au point que je crois que c'est la première fois que je nomme en toutes lettres ce qui justifie mon salaire.

Mais quand même, en observant de si près mon devoir de réserve, est-ce que je ne commet pas un autre genre d'erreur?

Je prive par exemple ces messieurs d'une occasion de faire acte d'autorité sur un gibier rare. (je rappelle pour mémoire qu'il existe 1300 titulaires pour 14 millions d'élèves.)
Or faire acte d'autorité est bien le dernier plaisir qu'il vous reste quand on ne fait pas autorité.
Par ailleurs, une fermeture jetterai un coup de projecteur sur cette profession, ce qui serait bien utile aux candidats de tout poil. Car pour modeste qu'elle soit, ma profession constitue un fantastique observatoire du voeu pieu politique et du tic compassionnel.
Si! si!, je vous assure! Il en est de la santé scolaire ce qu'il en est des vieilles actrices de théâtre. A certaines échéances, on les sort du placard, on s'ébaubit sur leur fantastique talent, on regrette (en choeur) de les voir si peu reconnues , et on jure que promis craché, on les a découvertes pour de bon cette fois-ci, et que, cornegidouille, Mère Ubu, on ne les laissera pas retomber dans l'oubli. Un an après, on baîlle, tiens, l'est pas morte? Doit pas valoir beaucoup mieux...

Je vais donc tâcher de sortir de ma flemme, vous raconter un peu plus souvent pourquoi, malgré pas mal de vicissitudes, je continue à trouver nécessaire de coincer le pied dans la porte, pourquoi je trouve que la séquelle scolaire de la maladie est trop souvent vécue avec un fatalisme antique, pourquoi le problème ce n'est pas d'accentuer le dépistage, mais de donner des moyens de prise en charge.

Et puis je vous raconterai la petite trisomique qui voulait aller voir le grand rassemblement de montgolfières, parce que c'était des gens comme elle.

Bon, les gens j'ai besoin de vous. Va falloir tâcher moyen de me faire fermer ce blog au plus vite.


PS: à vous de trouver lequel des candidats, outre la départementalisation, prône de : Recentrer la médecine scolaire sur la détection et la prévention de certaines pathologies ou certaines situations aujourd'hui mal prises en charge (violences familiales ou sexistes ; troubles du comportement...).
Je me ferais alors un plaisir de vous expliquer en long et en large comment ce genre de posture me pue au nez.

24.2.07

Un peu de générosité en ce bas monde

L'on apprendra, à cette adresse parfaitement informée, que l'Etat même en période de restriction budgétaire, peut être compréhensif.
Une rallonge de 18%, ( substantielle, à l'aune d'un coup de la vie augmenté, lui, de 10%), aux FRAIS DE CAMPAGNE, signée en bonne deuxième place par Le Ministre de l'Intérieur lui-même, peut effectivement redonner le sourire à certains candidats qui auraient déjà pas mal dépensé, par exemple en frais de communication auprès des internautes.

Notamment...ah zut, comment s'appelle-t-il déjà? Son nom m'échappe... Espérons que je saurais m'en souvenir dans l'isoloir.

23.2.07

Du vent ce soir, chez moi.


A ce niveau de Beaufort, mon père n'aurait pas manqué de citer cette paysanne, peut-être moins affolée qu'il n'y paraissait :
"heu là, il fait un vent à décrocher la queue de tous les ânes, et mon pauv'mari qu'est dehors!"

20.2.07

1963: titre de séjour.


A ce stade là du jeu de ricochets, j'ai bien entendu envie de me dérober.
Anoter cette date, comme Louis XVI le fit du 14 juillet 1789 : "aujourd'hui, rien".
Ou bien anticiper ce qui fut ma première image télévisuelle, et dire "un trois milliardième de pas pour l'humanité, et depuis, qu'est-ce que je rame parfois."
Comme tout le monde ici, je suis née. Comme tout un chacun je gagne à être connue, mais pas trop. Je suis née, et le nombre de gens à qui cela importe est parfaitement ridicule en regard de ceux qui s'en foutent jusqu'au vertige.
De cette année qui vit la disparition de Jean XXIII, de Kennedy, de Piaf et de Cocteau, ma naissance et celle de Lolo Ferrari suffisent-elles à combler les vides ainsi laissés?
Pourtant je suis née, et depuis le résultat occupe une grande partie de mon temps, et un peu celui de quelques autres . J'ai sans doute été conçue de façon aléatoire, et je suis devenue plein d'autres choses par inadvertance, mais naître, non, cela j'ai dû le faire en m'y consacrant entièrement.
Dans ces histoires de naissance, il y a, en général, au moins deux personnes parfaitement concentrées sur ce qu'elles sont en train de faire.
Plus tard, au milieu de déchirements tout à la fois imprévisibles et curieusement répétitifs, ma mère s'accusa à plusieurs reprises de ne pas avoir été une bonne mère pour le nourrisson que j'étais, le troisième en trois ans, nourrisson tranquille et peu caressé. Est-ce vrai? Ou bien, comme je l'ai souvent pensé, était-ce une dérobade devant l'ici et maintenant de la violence maternelle?
Si j'en crois ma propre expérience de la chose, la relative bonne humeur que je mis à en faire naître trois, avec ni plus de complications qu'une mère chatte, ni moins de poids qu'une baleine, la sérénité avec laquelle je donnais le sein, tant au commissariat, qu'à la table du conseil municipal, je peux, là aussi, me livrer à une supposition : elle ne devait pas être si mauvaise mère qu'elle a bien voulu le dire.
Car ces choses-là, qui ne font nuls souvenirs, font mémoire au corps, et j'ai bien de quoi dire, somme toute, merci.
"the rough places will be made plains and the crooked places will be made straight"
On peut toujours rêver.


NB: je le rappelle, de nombreux autres ricochets, de toutes provenances, sont lisibles ici

19.2.07

la part réservataire.


Pour parodier Duras, y-a-t-il un voyage qui puisse tenir lieu de voyage, une rencontre qui tienne lieu de rencontre?
Je suis partie, je partirai toujours. Près, loin, cela n'a pas d'importance. J'ignore presque toujours ce qui me met en mouvement. Ce n'est ni la curiosité, ni le désir d'exotisme. Pourtant comme tout le monde, il m'arrive de rêver de soleil immobile, de siestes longues, du plomb fondu entre les omoplates, oui, oui, imaginez ce que vous voulez.
Mais vous ne m'avez pas vue descendre une autre rue Sainte Catherine, fouettée de neige, les joues mordues, légère, presque clandestine dans cette nuit qui tombe si tôt. Vous ne m'avez pas vue, la tête en arrière devant un rêve enfantin: voir- non pas voir : ENTENDRE les glaces sur le fleuve.

Non, vous ne m'auriez pas vue, je ne me serais pas donnée à voir. J'ai généralement le voyage pudique et dérobé, dans les interstices, en passant. Je suis polie avec les monuments, et souvent spectatrice ravie des arrières-cours. Je croise vos chats avec bonheur, et j'aime goûter ce qui vous nourrit. Je regarde les bus que vous prenez, les livres que vous lisez. J'aime moins vos grands hommes que les strates patientes de la vie des vôtres.

Des gens? Oui, il y eut des gens, mais ils ne m'appartiennent pas. Je les ai effleurés, ils m'ont touchée, je n'en dirais rien de plus, la bribe ne se porte bien que dans un vent flou.

Je vous aime toujours.

18.2.07

je vous aime toujours.


Après une petite semaine dans l'improbable de l'ailleurs, back to reality.

8.2.07

Kan an avel

Ce blog part en vacance dans une certaine direction, et moi dans une autre. Je le retrouverai peut-être en route avant mon retour à la maison, mais cela n'est pas sûr.
Pendant cette semaine, portez-vous bien, et si certains veulent bien me porter un peu dans un coin de leur tête, j'y serais, je crois, fort bien.

7.2.07

du bromure dans l'eau de la ville, et qu'on en parle plus.

Le comité national d'éthique a clairement renvoyé l'inspiration du texte sur la prévention de la délinquance là d'où elle n'aurait jamais dû sortir. Dans le bourbier des vieille tentations de la maîtrise hygiéniste.
La fameuse étude de l'Inserm qui avait motivé l'appel du collectif "pas de zéro de conduite pour les enfants de trois ans" est clairement mise en cause tant sur ses postulats initiaux que les modalités de l'étude elle-même. Du trouble du comportement au trouble à l'ordre public, c'était une étude d'une troublante opportunité.
J'aime bien cette phrase du comité:
"Nous redisons notre opposition à une médecine qui serait utilisée pour protéger la société davantage que les personnes."»

Et bien qu'incroyante, je vous joint, pour faire bonne mesure, des extraits de la prière attribuée au médecin Maimonide, dont j'aime bien, là, l'inspiration.

"Mon Dieu, remplis mon âme d'amour pour l'Art et pour toutes les créatures. N'admets pas que la soif du gain et la recherche de la gloire m'influencent dans l'exercice de mon Art, car les ennemis de la vérité et de l'amour des hommes pourraient facilement m'abuser et m'éloigner du noble devoir de faire du bien à tes enfants. Soutiens la force de mon cœur pour qu'il soit toujours prêt à servir le pauvre et le riche, l'ami et l'ennemi, le bon et le mauvais.
Fais que je ne voie que l'homme dans celui qui souffre. (...)
Éloigne de leur lit les charlatans, l'armée des parents aux mille conseils, et les gardes qui savent toujours tout: car c'est une engeance dangereuse qui, par vanité, fait échouer les meilleures intentions
Prête-moi, mon Dieu, l'indulgence et la patience auprès des malades entêtés et grossiers.(...)
Fais que je sois modéré en tout, mais insatiable dans mon amour de la science. Éloigne de moi l'idée que je peux tout. Donne-moi la force, la volonté et l'occasion d'élargir de plus en plus mes connaissances. Je peux aujourd'hui découvrir dans mon savoir des choses que je ne soupçonnais pas hier."


J'sais pas, cela me parle plus que la recherche de l'héritabilité du trouble du comportement.

C'est peut-être la couleur?

5.2.07

Et je m'éloignerai m'illuminant au milieu d'ombres


Bien sûr, la foule. Cette chose sans couleur à pieds multiples, qui s'écoule ininterrompue, sans regard, sans autre odeur qu'un collectif fond de fatigue et de surchauffe, la foule que j'ai fui, qui érode si vite mes patiences, qui me bannit des endroits "faits pour", la culture , le sport, le loisir, la ration de soleil de l'été...
Bien sûr la foule. Mais quand même, ce bouquetin foutraque et discret qui teste son matériel de montagne dans son salon et ne dit ses chagrins qu'à mi-mots, cette fille du bord de mer qui vous pond des pastiches de Fréhel comme en s'en moquant et incise la douleur avec une sûre passion du verbe, cet ours perdu en ville qui plante son museau en l'air pour appeler le lac et les bois, cette semeuse de petits cailloux et d'amarres secourable, cette dame-là qui doit être enseignante si j'en juge son paquet de copies? Ah non, tiens, ce sont des recettes de confitures poétiques, et le dessin de cet enfant dont elle tente de faire dévier le destin programmé, et puis la dame qui enfourche un vélo retrouvé pour distribuer ses miettes de courage, aux proches comme aux lointains, le pêcheur d'images, celui là même qui se plante là d'un seul coup, laissant la foule continuer sans lui, parce qu'il a vu dans un coin ce qui avait échappé à tout le monde, et qu'il a déjà dans la tête l'autre image avec il va frotter celle-ci parce que, quand on s'y prend bien, ça fait des étincelles, et cette jeune fille toujours un peu perdue dans le métro, qui s'en va toute seule à Vanuatu, parce que les langues, c'est comme les baleines, ça doit pas s'éteindre.
Je ne sais pas si vous verrez cette dame qui, dans quelque chose comme ça, verra le fragment qui fait sens, ni le délicat poète-photographe, ces deux là effleurent pour mieux voir, et l'on ne voit qu'après-coup la trace de leur passage. Pas sûr non plus, que l'on repère sous le costume sage, le loup métaphysique, et de la blonde, l'oeil vif et sagace.
Mais ceux-là et quelques autres me réconcilient avec le flot.
Hep! Diogène! prend ta lanterne et un taxi, et viens voir dans ces parages...


(le titre cite Apollinaire)

3.2.07

1962 : frères, la ligne de partage des os


En 1962, Messieurs Crick, Watson et Wilkins reçurent le Prix Nobel pour leur travaux sur la structure de l'ADN.
Ce fut cette année là également que naquit le deuxième brin de cet ensemble que je nommais, de façon auto centrée : mes frères. Sous- ensemble quasi -indiscernable, d'un noyau appelé "les enfants", dont émergeait à intervalle régulier, un quota suffisant de genoux écorchés, de bouches à nourrir, d'oreilles à laver, pour qu'on nous jugeât en bonne santé physique.
Si les petits cailloux qui ricochent en direction de mes parents interrogent le fil de la transmission, celui-là questionne le partage. Et pose, de façon très nette, le double sens de ce mot, qui parle de ce qu'on fait circuler entre nous, de ce qui appartient tout entier à tous et à chacun, mais aussi de ce qui tranche, isole, et distribue en fragments inconciliables. Sans nul doute, la langue que nous partageons est riche de ces doubles sens, de ces appariements en miroir, distincts et indissociables.
Nous eûmes cela, le trésor sans fond des histoires inventées à trois, des chatons solennellement promenés en landau, du bruit de la pluie sur la toile de tente, la barre du milieu, bien sûr, et d'improbables pulls tricotés main par une grand mère aveugle, tout ce qui tenait chaud à chacun sans léser l'autre.
Pourtant, les places n'étaient pas interchangeables. Dans chaque famille, dans chaque clan, se créent des territoires de prédilections, qu'on se les choisisse ou qu'on vous les impose. Notre adolescence fit éclater le magma avec d'autant plus de violence qu'à la nécessaire négociation intime de notre âge s'ajouta l'effondrement du couple parental. Les lignes de partage dessinèrent la géographie douloureuse de nos conflits de loyauté. Dans le retournement haineux du divorce, Médée nous laissa la vie sauve, mais ce ne fut pas sans contrepartie. Sommés insidieusement de prendre partie, incapables d'être infidèle à l'une des moitié de notre génome, nous lâchâmes notre complicité pour réorganiser solitairement nos débris.

Adultes, nous savons encore qu'il ne faut jamais parler sèchement à un numide et nous rions encore à faire parrrrrrrler petit pistolet trrrrrrrrrente- six coups. Notre fond commun de vieilles plaisanteries, la certitude que chacun à notre manière, nous avons tous tenté de comprendre quelque chose au monde qui nous entoure, notre rapport à l'enfance, notre (trop souvent muette) sensibilité à ce qui affecte l'autre, continuent de jeter, par endroit, des ponts sur nos tranchées de repli.
Mon père fit deux autres enfants, avec lesquels tout sera différent, et bien sûr, je me suis crée d'autres frères.
Dans mes aînés, outre ce que la vie a fait d'eux, je contemple des reflets inédits de mes parents, dont certains m'avaient- et c'est le cas de le dire- complètement échappé. Mais malgré cette inaltérable familiarité, je garde l'étrange sensation qu'il me sera désormais, et pour toujours, plus facile de leur donner ou d'en recevoir un rein qu'un avis.

2.2.07

c'est toujours ça de pris, mais à quel prix?.


"Les enfants sont ainsi: ils commandent au monde par l'énergie d'un voeu desespéré. Et quelque fois, dans sa folie, le monde leur obéit."*

Suzylène est de retour, grâce à la mobilisation de RESF, et des lycéens de Colombe.
J'en suis fort heureuse. Plus que de lire dans mon cause-toujours local, la construction à marche forcé d'un centre de rétention.
J'aimerai qu'on me fasse un jour, un bilan strictement comptable de ce que coûte l'accueil de Suzylène et de ses pairs, et ce que coûte l'entretien de X fonctionnaires , pour traquer, trouver, surveiller, expulser... et parfois ramener des gens qui pourraient de leur côté utiliser leur énergie à autre chose qu'à se planquer.
En thérapeutique, on a parfois un genre de surprise quand on a l'honnêteté de calculer les rapports coûts/bénéfices.



* La phrase vient d'une carte postale qu'on m'envoya à un moment critique. Si d'aucuns lui connaissent un auteur...

1.2.07

blog -out

Ce soir entre 19h55 et 20H, noir. Je serais en cours de langue. Vu la respectabilité des participants, j'ai bien peur qu'il ne m'arrive rien.
Et vous, vous avez fait quoi dans ces 5 mn?

31.1.07

1961:De l'enfance comme une profession de foi, ni plus menteuse, ni moins sincère qu'une autre.



En 1961, naquit mon frère aîné, durant un mois d'avril qui vit aussi le putsch d'un quarteron de généraux en Algérie.
Le moyen mnémotechnique que me livra plus tard mon père pour me souvenir d'au moins trois de ces généraux, révèle sans ambiguité aucune ce qu'il en pensait. J'en sais curieusement bien plus sur ce que lui inspiraient Messieurs Challe (con) Jouhaux (con) et Zeller (con) que sur la naissance de celui qui les rendit parents pour la première fois.
Le conte de sa naissance ne m'a pas été raconté, ou bien je l'ai oublié.
(Je n'ose même pas demander si lui- même l'a entendu. Comment es-tu né? Comment as-tu été porté? De quoi, plus encore que de qui, es-tu l'enfant? Courrait-elle à longueur de blog, cette question, si elle n'était l'une des plus intimes, l'une des plus fuyantes, l'une des plus difficiles à poser?
Serions-nous là, en train de faire des ricochets, pour écouter ce que la question déplace, chez toi, chez moi?)

Qu'il arrive ainsi très tôt dans leur histoire ne fut pas une surprise. Nous étions, dès l'origine, dans le contrat amoureux qui les liait. Nous allions de soi, venant d'eux. Même si aucun de nous trois n'eut les mêmes parents, l'aîné, ouvrant l'oeil sur le monde, devait poser les bases d'une grammaire commune qui, longtemps, organisa les rapports entre la petite république des enfants et l'adulte tutelle.
Ils avaient une très haute idée de l'enfance. Dans ce monde si fortement hiérarchisé, encore colonial, il entrait, dans le refus de croire à l'enfance des peuples, la même exigence que celle qui les conduisit à réfuter la courante niaiserie, l'idolatrie prompte à clore les bouches d'un bonbon ou d'une tape, la moquerie qui masque les déroutes.
Très peu excentriques dans leur habitus, ils furent pourtant extraordinairement précurseurs dans leur désir d'extraire notre enfance de l'infantilisation.
Je ne saurais dire ce qu'il entrait de culture humaniste, d'idéologie, de revanche à prendre sur leur propre enfance, dans ce point d'honneur, mais le résultat fut là.
Nous connûmes un grand respect de leur part, et chose infiniment rare, ni mépris, ni condescendance, encore moins de compassion non réclamée à l'égard du différent, qu'il soit l'algérien, le gros, le trisomique, l'inquiet ou tout autre espèce de raton-laveur pas encore identifiée.
Que ces fondations, nécessaires et estimables n'aient pas été suffisantes pas, pas plus que l'indépendance des peuples ne donna de gage d'éternel bonheur, que le temps passant, certaines racines plongeant loin, puissent s'intoxiquer avec cette âpreté, la désillusion et ce qui s'ensuivit diversement pour chacun de nous, cela est bien le coeur même de notre histoire. Comme l'est ce qui reste de l'utopie nécessaire, de l'élan fragmenté par le désenchantement, mais toujours vivace.
Il n'y a nul hasard si, tous trois, nous fîmes plus tard nombre de bébés devenus jeunes gens, vifs et tendres. Et dans la patience de tel grand flandrin adolescent, grand adepte de l'humour gore, à l'égard des jeux chocolatés d'un tout- petit sur son pull préféré, je reconnais bien quelque chose d'un refrain connu. Un genre de gimmick .

29.1.07

chat attendra bien demain.


Un clin d'oeil à Samantdi, qui réclamait des vues sur la chatosphère.
Et un grand coup de projecteur sur ma flemme.

27.1.07

1960: histoire ici, préhistoire là


Il y a une véritable ironie à prétendre pouvoir m'inscrire dans un chemin si clairement balisé par les dates. Mon sens du temps se dérobe aux calendriers, mes strates, comme la plupart des archéologies, s'imbriquent et parfois même se confondent, je compte les échéances en battements de coeur, et mes mutations en chemins parcourus. Les années se condensent parfois dans un fragment minuscule, et des instants se dilatent encore à l'infini, pour le pire, le meilleur ou l'indicernable.
Commencer alors que je ne suis pas née, qu'il s'en faudra encore de trois ans, n'est pas plus choquant que de prétendre que la chronologie parlera plus précisément de moi que la géographie.

Encore qu'à ce stade là, il s'agisse d'eux, ces deux jeunes gens que j'imagine un peu raides, attentifs à dompter l'émotion.
Fervents.
Je ne peux les voir que comme celà, d'une ferveur qui les sauvait, au moins temporairement, de l'arrogance. Pas spécialement beaux, mais je suis prête, partialement, à pouvoir leur trouver du charme, lui, en forme de chat efflanqué, au bord du roux, tributaire encore de sa pipe et de ses lunettes pour se trouver un peu de poids, elle, la bouche longue et belle, un peu trop grande, l'iris large d'un saisissant bleu gris.
Ils avaient enduré tous deux des familles dont la prodigieuse complexité leur apparaissaient encore extraordinaire-Ils passeront leur vie à découvrir que les histoires de familles proprement délirantes sont d'une constante banalité. Pour l'heure, ils ne percevaient des lignes à haute tension enterrées dans leur propre champ, que de crépitants éclairs de passion, souvent dissimulés sous la joute d'idées.
Je peux à la rigueur scruter leur visage. Leurs voix juvéniles ne me sont pas parvenues, mais cela n'importe pas. Je peux m'avancer en toute certitude : ces deux là se sentaient une mission. Pas forcément sauver le monde, encore qu'il y ait eu de cela, sans doute, quinze ans après un chaos qu' ils interrogèrent longuement.
Peut être juste prouver à celui-ci qu'on pouvait être jeunes, supérieurement intelligents, mythiquement drôles, et s'aimer passionnément la vie entière.

Mais de tout cela, je ne sais finalement rien. Leur histoire n'est pas entièrement superposable à ma préhistoire. Je ne suis pas dupe du regard que je porte sur eux, je sais d'avance que j'en choisirai ce qui fera fondation à ma naissance. Je suis, depuis longtemps, bien plus vieille que ces deux là, qui n'ont plus rien à voir non plus avec d'autres, qui eux, ont vieilli près de moi, me regardant grandir et mûrir.

Peut-être, d'ailleurs, est-ce à cela que je peux mesurer l'âge que j'ai aujourd'hui, et percevoir que je suis désormais près de mon équateur : à cela, cet éprouvé de tendresse envers ces deux jeunes gens qui levaient le menton, et qui se marièrent cette année-là.

Comme au passant qui chante, on reprend sa chanson*

Un jour, Dame Kozlika décida de remonter le temps, en 46 marches qui, chacune, donnaient à voir sur un paysage de grande et petite histoire. Dans les commentaires, il fut rapidement clair qu'elle avait déclenché là une impressionnante usine à associations d'idée. Comme elle est profondément généreuse, elle ouvre, A CET ENDROIT, un asile à ricochets, souvenirs d'enfance, rengaines, et fragments de biographie dont l'authenticité n'est pas plus garantie que réclamée.

Akynou, des Racontars, et Samantdi, de Vie Commune, la seconderont dans cette entreprise.
Vous pourrez m'y retrouver, ici, où là bas, ou bien encore décider de jouer avec nous.
Ceux qui visiteraient le site des trois dames sus-citées pour la première fois doivent être avertis d'une chose: c'est pire que d'ouvrir une boite de mik@dau. L'ultime "encore un et j'arrête" vous trouve encore debout à 4h du matin.
D'autant que Dame Koz republie l'intégralité du chemin, ainsi que le parcours en sens inverse, chez ANNA FEDOROVNA.(bolgé moï!)

* La suite logique étant: j'ai tout appris de toi, jusqu'au sens du wiki...

26.1.07

Piété filiale.

Le drame des enfants d'intellectuels, c'est que leur héritage leur est souvent malaisé à quantifier, fluctuant dans dans le temps, et bien plus difficile à vanter qu'une collection de porcelaines en vrai Wedgwood.
Ainsi, recevant la sous-préfète pour le thé, m'imaginez-vous, penchée de concert avec elle sur un délicat présentoir à idées?
"Oui, celle ci me vient de mon père.
- !!
-N'est ce pas? J'y tiens beaucoup. Elle est en plus très pratique. Je m'en sers AB-SO-LU-MENT tous les jours.
- ???
-Mon Dieu quelques-unes , très chère amie. Encore que mes frères aient fait main basse sur certaines d'entre elles. Mais je crois avoir pu conserver, sinon les plus considérables, du moins les plus finement ouvragées. Celle-ci, tenez, il me l'a offerte en...85, me semble-t-il. Exquise, non? Il n'en avait plus l'usage, il venait tout juste d'en avoir une autre. Très brillante d'ailleurs.
- ?
-Oui, brillante. Non, je n'ai pas dit clinquante, mon Dieu non, le cher homme, mais enfin pas tout à fait mon style... Et vous même?
- ...
-Ah? Humm. (...) un treizième petit gâteau?"


C'est un fait, certaines gloires sont inacccessibles aux enfants d'intellectuels.
Au moins, puis-je compter, au nombre de mes richesses visibles et indéniables, une chevelure insoumise, qui se lève avec la rafale et jamais ne s'abaisse avec elle, un effarant stock de chansons idiotes et les œuvres complètes de Simenon. Plus plein de ratons-laveurs en liberté.

22.1.07

Rictus d'hiver


Merd’ ! V’là l’Hiver et ses dur’tés,
V’là l’ moment de n’ pus s’ mettre à poils :
V’là qu’ ceuss’ qui tienn’nt la queue d’ la poêle
Dans l’ Midi vont s’ carapater !

V’là l’ temps ousque jusqu’en Hanovre
Et d’ Gibraltar au cap Gris-Nez,
Les Borgeois, l’ soir, vont plaind’ les Pauvres
Au coin du feu... après dîner !

Et v’là l’ temps ousque dans la Presse,
Entre un ou deux lanc’ments d’ putains,
On va r’découvrir la Détresse,
La Purée et les Purotains !

Les jornaux, mêm’ ceuss’ qu’a d’ la guigne,
À côté d’artiqu’s festoyants
Vont êt’ pleins d’appels larmoyants,
Pleins d’ sanglots... à trois sous la ligne !


..................................

C’ qui va s’en évader des larmes !
C’ qui va en couler d’ la piquié !
Plaind’ les Pauvr’s c’est comm’ vendr’ ses charmes
C’est un vrai commerce, un méquier !

Ah ! c’est qu’on est pas muff en France,
On n’ s’occupe que des malheureux ;
Et dzimm et boum ! la Bienfaisance
Bat l’ tambour su’ les Ventres creux !

L’Hiver, les murs sont pleins d’affiches
Pour Fêt’s et Bals de charité,
Car pour nous s’courir, eul’ mond’ riche
Faut qu’y gambille à not’ santé !
......................................
Et faut ben qu’ ceux d’ la Politique
Y s’ gagn’nt eun’ popularité !
Or, pour ça, l’ moyen l’ pus pratique
C’est d’ chialer su’ la Pauvreté.


C'est de Jehan Rictus, ça date de de 1896, ou à peu près. Bon, pas sûr que le bonhomme ait très bien fini comme camelot du roi, mais la misère n'a jamais décerné de brevet de bonne conduite.

21.1.07

un petit bout de lorgnette, pour celui qui n'aime pas les chenalacons, mais.



Un fidèle, discret, et fourbe lecteur s'est recemment plaint que je ne livrais pas grand chose de moi-même sur mon blog. Il est bien évident que j'ai exactement le sentiment inverse.
Donc, spécialement pour mon FDFL qui se reconnaîtra, des éléments biographiques indispensables à la compréhension des pages précédentes. Après tout, il s'agit de faits connus de longue date par mes proches.
-J'ai passé le réveillon de mes vingt ans en robe rose à kiki au milieu de deux mille militaires. C'était à N'djaména.

-J'ai mis onze ans avant de demander le duplicata de mon permis de conduire.

-J'ai été invitée une fois à un happenning sculptural. Pas deux. Au sculpteur dont le projet était de souder des pièces d'avion dans une capsule destinée à n'être ouverte que deux cent ans plus tard, j'ai affirmé que les ressorts qu'il tenait à la main me venaient de mon arrière grand père. Ce génial et modeste précurseur aurait, selon mes dires, inventé le premier siège éjectable, malheureusement cinquante avant l'invention du parachute. J'ai été personnellement très froissée du geste de mépris avec lequel l'Artiste a rejeté tout ce qui me restait de mon aïeul. Pourtant, c'était intéressant, aurait dit Mr KA.

-Je suis membre fondateur de l'Association pour le Droit Imprescriptible des Veufs, des Orphelins, des Séropositifs, des Cancéreux, des Juifs et des Noirs à se Faire Engueuler Comme Tout le Monde. Qu'il me soit permis de préciser que le nom de l'association s'est formé autour des caractéristiques possiblement discriminatoires des fondateurs originels, mais que les statuts sont très larges.

Alors, heureux?

16.1.07

charité bien ordonnée peut commencer par une franche rigolade.

Allez donc voir là , remplacez , si vous êtes français,"Auberges du Coeur" par "Resto idem", marrez vous un bon coup. Je prend les paris. Vous hésiterez peut-être encore un tour, juste pour le plaisir. Deux? m'étonnerai...