3.5.09
Encore des zoziaux, et des rêves aussi, perchance.
Déjà, il y a quelques années, un zoizillon m'avait fait le coup.
Dans ce temps là, il avait d'un côté, cette famille que je trouvais rapiécée, cette belle-fille à laquelle je ne comprenais rien et surtout pas la terreur que je lui inspirais, les finances en vrac, mes colères et ces assiettes qu'on flanquait par terre, le chantier ni fait ni à faire, les vêtements en vagabondage, le jardin si souvent en déshérence et le sentiment si fort de ma propre incompétence.
De l'autre, ce petit visage qu'on m'avait confié-le temps d'un repas, d'un anniversaire, d'un après-midi de jeu?-va savoir-la bouche enfantine en cerise collante. Elle m'avait déjà poliment glué la joue pour me dire au-revoir et s'était retournée brusquement avec une espèce d'urgence à dire, une intensité qui l'essoufflait et la faisait bégayer :
"vous êtes, vous êtes... ah! vous êtes une jolie famille."
Et d'envoler le dernier bisou avec la main avant de tourner les talons.
Me laissant interdite, statufiée, avec le sentiment vague que j'en reprenais pour dix ans* avec la question : c'est quoi une famille/vie/enfance/ constitution réussie?
Je n'aurais jamais rien attendu de tel de cet autre grand zoizillon, même si je ne me laisse plus prendre à l'adolescente désinvolture. Les larmes au raz des cils n'étaient pas feintes, ni le désir de rester et ce qui se bafouillait avait exactement le même sens.
Je ne sais pas pourquoi et je ne tiens pas à le savoir. Je soupçonne au loin des gens pas méchants qui se sont peut-être perdus de vue, qui, peut-être pour ne pas se faire du mal, ont oublié de se tenir chaud...
Qu'est-ce que je pouvais lui dire, à cet espèce de héron à longues pattes, sinon le houspiller pour qu'il parte à l'heure?
Dois-je lui révéler qu'il ne sert à rien d'envier qui que ce soit, que plus que toute autre, l'économie d'une vie est obscure, incertaine et, la plupart du temps, menteuse? Et pourtant, a-t-on le droit de ne rien dire, d'affirmer à un zoziau si jeune encore, qu'il n'y a ni espoir ni chemin, ni modèle ni assurance?
Et voilà que tout en lui bottant virtuellement l'arrière-train pour qu'il ne rate point le sien, je me disait qu'il faudrait pouvoir, sans peur du ridicule, lui dire : n'envie personne. Mais vole toujours, dans le verger des autres, des autorisations à rêver ta vie, à la faire plus vive, plus drôle, plus chaude que ceux qui t'ont précédé.
Et puis tu es, tu es... Ah! tu es un très chouette zoizillon.
*(c'était y a quinze. Facile.)
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5 commentaires:
Il est joli, ce billet, anita, et lucide, et chaleureux.
Avec le recul, je me souviens d'une sorte de lucidité qui nous faisait deviner que, chez les Machin, ça avait l'air douillet-bisounours mais c'était "pour de faux" alors que chez les Trucmuche "y'avait quelque chose qui donnait envie de grandir pour qu'un jour, peut-être, chez nous, ce soit un peu comme ce qu'on sentait là, chez eux."
Et même si ça ne devient jamais comme ça, ce n'est pas grave, les Trucmuche, ils ont quand même aidé à grandir, à se projeter autrement, à déployer l'éventail des possibles.
Alors, oui, je crois que c'est important d'être le Trucmuche d'un zoizillon, avec nos imperfections (qu'il ne faut pas perdre de vue)
Que l'on voudrait que cet zoizillon ait mis en pratique les conseils qu'on n'osait pas lui dire . Certaine fréquentation vous laisse pour la vie un mode " de mettre en pratique en cas de besoin " Peut -être aujourd'hui cet zoizillon , c'est lui qui reçoit le bisou collant .
Le héron à longues pattes reviendra ....et un jour ne repartira pas seul ...et qui c' est qui aura les larmes aux bords des cils ? Bises .
Il y a des enfances intensément énigmatiques. Mais toutes sont des banquises promises à la fonte des glaces entraînant irrémé-diablement la disparition des nounours blancs.
Ne pas envier, non, tu as raison.
Mais s'inspirer, garder en mémoire, en faire une source de joie.
Et de ton côté, accepter de bonne grâce d'être ce havre supposé, rêvé....
C'est ce qui me semble le plus difficile : être et rester juste devant le jugement des autres, les sentiments qui nous paraissent un peu exacerbés.
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