Le commentaire se S@rah sur le post précédent me donne envie d'aborder ici l'un de mes grands sujets de fascination perplexe : les rapports profondément tordus que l'Ecole entretient avec la question de l'hygiène.
L'enseignement de l'hygiène a été consubstantiel à la création de l'école. On peut même dire qu'il en a été la religion laïque. Avec l'Alcool dans le rôle du Malin, la scoliose et l'orientation gauchère comme péchés capitaux et le Crachat comme blasphème.
Il y eut, dès le début, des médecins aux portes des écoles. Dans les Ecoles Normales d'Instituteurs, l'enseignement de l'Hygiène allait de pair avec la Science Naturelle (Pour les instituteurs) et avec la Morale et l'Economie Domestique (pour les institutrices). La circulaire de 1905 qui en atteste précise que le programme en est le même pour les teurs que pour les trices, à l'exception du cours sur les maladies vénériennes, qui, chez ces dames, sera remplacé par un cours de puériculture. (Seuls les messieurs attrappent la chtouille, c'est bien connu.)
Ah, la belle époque! La belle ferveur! Les beaux textes! Ferdinand Buisson avec nous!
ART. 18. — Toute école maternelle devra être munie de privés distincts pour chaque sexe et d'urinoirs pour les garçons.
Les privés et les urinoirs seront mis en communication par un abri avec le préau.
ART. 19. — Les préaux seront disposés de façon que les vents régnants ne rejettent pas les gaz dans les bâtiments ni dans la cour.
Ils seront divisés par cases. Il y aura une case pour quinze enfants environ.
Chaque case aura 0m, 55 de largeur sur 0m, 80 de profondeur.
ART. 20. — Le siège sera couvert d'une lunette en bois. Il aura une hauteur d'environ 0m, 23 et sera légèrement incliné en avant.
L'orifice, de forme oblongue, aura environ 0m, 20 sur 0m, 14. Il ne sera pas à plus de 0m, 05 du bord.
La cuvette sera munie d'un appareil obturateur.
Je sais bien qu'on ne peut se fier aux textes pour juger de la préoccupation réelle d'une population au sujet d'un fait. Ou plus exactement, on peut parier que le nombre de textes, en pédagogie comme en matière législative, est inversement proportionnel à son taux d'observance par la population. Moins ça va de soit, plus y a de papier pondu sur le sujet. Par exemple, il y a beaucoup plus de textes sur la nécessité de coucher les enfants sur le dos que sur les inconvénients de les pendre par les pieds.
Donc, tout n'était pas si rose, sans doute, dans les écoles du début du siècle. Mais, si l'on regarde ce qui reste des bâtiments anciens, leur hautes fenêtres, leurs arbres, leurs cours largement dimensionnée pour le nombre d'élèves de l'époque, les toilettes, une pour quinze enfants... l' ardeur militante de la Laïque lui a quand-même fait mettre le prix.
Au moins pour un moment, l'Ecole ne s'est pas seulement préoccupée de dire l'hygiène. Elle s'est sentie, pour le meilleur et le pire, tenue de l'incarner.
A quel moment ça s'est mis à foirer?
A quel moment, on est parvenu à un degré de civilisation tel qu'il devient inimaginable d'autoriser des enfants à se laver les mains après s'être mouché?
A quel moment s'est constitué cette particulière névrose française autour du papier-cul dans les écoles?
Toutes les actions participatives de prévention ayant pour thème la santé, l'estime de soi, l'école bientraitante ou la citoyenneté commencent, à la minute même de l'ouverture de la boîte de Pandore, par ce cri du... coeur?
"Y a jamais de PQ!"
Auquel répond immédiatement le cri de l'autre partie :
"Y en aurait si vous ne jouiez pas avec!"
Parfois, un tiers désolé, désabusé ou rigolard tentera de glisser:
"Peut-être que s'il y en avait depuis toujours et pour toujours, ILS ne joueraient pas avec..."
Les écoliers européens ont-ils subi des modifications génétiques qui rendent accessoire la question du gaspillage de PQ?
Depuis que je fais ce métiers, j'ai toujours vu des écoles qui me demandaient de parler d'hygiène dentaire. Jamais des écoles qui offraient la possibilité de se laver les dents à la cantine. D'équilibre nutritionnel quand bien même, le meilleur moyen d'avoir des sous pour le voyage annuel, c'est de vendre des gâteaux. Et j'ai bien sûr eu, pour venir parler d'hygiène corporelle aux enfants, des demandes énoncées dans des salles des maîtres pleine de cendriers débordants et de tasses au pourtour suspect.
La grippe qui vient est une grippe, pas la peste noire, heureusement. Ça va être un beau foutoir, parce que nous sommes sans défenses anticipées et parce que nos sociétés follement complexes vont se retrouver désorganisées par l'indisponibilité de 30% de leurs membres.
Un foutoir, mais pas non plus une hécatombe.
Sagement, nous allons essayer de diminuer le nombre de virus circulant, avec des moyens simples et qui, bonne nouvelle, nous serviront aussi pour la grippe saisonnière et la gastro-entérite.
Si au passage, on médite sur :
-le nombres de gens qu'on emploie pour faire le ménage, essuyer de temps en temps les poignées de porte et recharger les dévidoirs,
-le bénéfice qu'il y aurait à ne plus s'exciter sur la question "un enfant peut-il sortir de classe se laver les mains sans déranger le service juridique du Ministère de l'Education Nationale?"
-et si on se met à considérer que diminuer de 50% les constipations opiniâtres et les infections urinaires par rétention est un acquis sociétal aussi important que le Bii,
alors, cette campagne, pour ce qui est de ma propre religion, c'est pain bénit.
19 commentaires:
Il me semble malheureusement que « bon sens » et « Administratif » sont deux notions antinomiques ! et aujourd'hui, parapluie oblige, juridique omniprésent, l'administratif prend le pas sur le bon sens... Qui va surveiller l'enfant qui va se laver les mains ? S’il lui arrive un accident entre la classe et les sanitaires, qui est responsable ?
A te lire depuis un bon bout de temps, je pense que L'Éducation Nationale considère les enfants comme un emmerdement.
Ma foi, pour ce qui est de cette campagne de rappel à (l'ordre) la propreté, je veux bien croire, avec toi, que c'est pain bénit.
Pourvu que ma boulangère se lave les mains chaque fois qu'elle sert une baguette !
@Yves : ça dépend si elle se mouche dedans ou pas...
@Moukmouk : des fois, on pourrait se demander. Faut attendre d'avoir 18 ans pour pouvoir à nouveau pisser quand on en a besoin.
@Gisoub : et entre la porte des toilettes et la cuvette? Faudrait p'ete mettre un surveillant là aussi.
Je viens de relire les derniers programmes en vigueur pour le primaire. Je sentais bien qu'il y manquait quelque chose d'essentiel: on n'y parle pas des privés!
Une fillette de 13 ans m'a demandé hier à sortir de la classe pour pouvoir se moucher parce que, a-t-elle dit, "ce n'est pas poli de la faire devant les autres".... un bref instant je me suis demandée si je n'avais pas raté quelque chose dans les consignes de " gestes barrage" (terme officiel employé dans mon collège)....!
Ah et pour plussoyer avec toi, les toilettes sont fermées à clefs pendant les cours dans mon collège et il faut aller demander la clé au CPE... ce délire !
Evidemment la récré dure 15 minutes mais quand on descend du 3ème dans la cour et qu'il faut y remonter dans les temps, c'est pas la peine de songer à aller au petit coin. Je me demande si je vais continuer à scolariser ma fille :-)
Dire que bêtement, ce qui me stresse avec cette rentrée, ce sont les poux (vu la tignasse de ma fille) !!!
Bon ben tant qu'ça gagne pas mon pré, j'vas pas m'r'tenir de biser l'monde qui viens m'vouère.... Si qu'y m'donne l'virus en même temps, ben je m'dis qu'y m'l'aurions ben filer autr'ment...
Ahhh la grippe !!!
Mais moi je l'ai déjà eu tralalalalère :-)
Alors pourquoi, vu qu'elle est bénigne en ce moment on ne laisse pas tous les enfants l'attraper très rapidement, avant qu'elle ait eu le temps de muter ? Comme ça, tous naturellement vaccinés et zhouuuuu.
Oh combien je suis d'accord avec toi sur ce que je considère comme une maltraitance: des toilettes qui ne ferment pas et d'où le PQ est tojjours absent , quand ce n'est pas effectivement tout simplement fermé à clé ! Je crois bien avoir été la "madame pipi" des parents d'élèves à force de râler contre ça, d'avoir à aller chercher mon fils ainé pour cause de mal au ventre, ben tiens, se retenir toute la journée c'est moyen, et combien de fois dans les réunions j'ai été obligée de ressortir le sujet qui est accueilli à chaque fois avec des toussotements polis..
Aucune entreprise ou lieu de travail quelconque n'oserait proposer ce genre de torture quotidienne à ses employés, mais les enfants, hein, les enfants, ils peuvent s'arranger, et c'est bien de leur faute aussi si les wc sont en mauvais état (air connu)
Dignité humaine ?, ben oui, on en est là!
merci pour ton coup de gueule!! ;0)
Je te lis depuis un moment mais c'est mon premier post. Tout d'abord, j'apprécie beaucoup ton blog et je viens le parcourir avec plaisir.
Ce sujet me parle autant qu'à toi, responsable FCPE du groupe scolaire, j'ai dû à chaque conseil d'école, depuis plus de 5 ans, remettre à chaque fois comme sujet :
pour la maternelle, pas de papier wc
pour le primaire, on aimerait que les enfants se lavent les mains avant d'aller déjeuner
Et évidemment, je connaissais par coeur ce qui allait suivre.
Pas de papier, ils jouent avec
Pour les mains, ce ne sont pas aux personnels de cantine de prendre le temps de le faire, trop de boulot, ce ne sont pas aux instits de le faire, ça prend trop de temps.
Sans parler de l'état des wc récriés par tous les enfants, ils les trouvent sales alors qu'ils souvent insalubres et ont besoin d'un rafraichissement ou d'une reconstruction.
Pas d'argent pour l'école, réponse d'une instit exaspérée par ce sujet récurrent à propose du lavage des mains : "Ils n'ont qu'à rentrer manger chez eux et se laver les mains chez eux"
Comme tu le dis si bien, la boîte de Pandore.
J'ai souris quand j'ai reçu cette semaine la superbe circulaire du Ministère au sujet de la pandémie: "les enfants doivent se laver les mains"
Comment vont-ils gérer ça!!!
ce n'est pas écrit qui doit leur faire laver les mains, ça ne sera personne mais l'autre.
Juste pour terminer, mes filles sont maintenant chacune équiper d'un petit flacon de produit antibactérien et elles se frottent les mains avant de passer à table.
Bien triste d'en arriver là dans un pays pourvu d'eau potable, de lavabos, de circulaires...
Oh, vous savez, c'est une question de patience !
Au collège, nous n'avions ni papier, ni savon. Et quand nous avions du papier, les toilettes étaient bouchées avec et inondées.
Désormais, au lycée, nous avons du papier un jour sur deux par toilettes (Nous en avons 6, ils faut juste connaître les bonnes au bon moment... Je connais un gars qui connait à un gars).
J'attends avec impatience les études supérieures... Qui sait, nous aurons peut-être du savon ?
Pank
Tac o tac o tac o tac
Pcchittt
Vrim, vrim
Traduction :
1 • On ferme la porte des toilettes en sortant
2 • On se lave les mains avec du savon (C'est nouveau)
3 • L'eau coule du robinet
4 • On s'essuie les mains à l'essuie-main.
Visiblement nous (Conseil des maîtres) avons obtenu de la Mairie qu'ils soient changés tous les jours. (Les parents ne nous en ont pas parlé)
Il parait que nous allons avoir 50 masques (pour 150 élèves) … et notre grande interrogation, il faut isoler l'élève … mais pas sans responsabilité. Que fait-on du reste de la classe ?
Par contre à Mesdames qui râlent sur les toilettes … Pourriez-vous apprendre à VOS enfants à viser la cuvette et non l'abattant & à TIRER LA CHASSE D'EAU ??? Merci.
Je ne suis pas pour les privilèges, mais j'en ai marre de trouver les toilettes des adultes inondées en ce début d'année. À leur décharge, le fil de la chasse d'eau est un peu haut pour les CP … mais si on les rallonge, il y en aura bien un [grand] pour jouer au pendu !
Sinon, je passe pour une hurluberlue en me lavant les dents quand, réunion oblige, je mange à l'école plus auprès de mes collègues que des enfants :-(
J'aime bien jouer les garces … Scène de récréation ce tantôt : le petit d'une famille, pas pauvre (enfin roule en 4 x 4 mais quémande un quignon de pain à la dame de la garderie), sort de sa classe et se lave les mains avec un gel … pour court jouer à faire des parcours d'autos avec les gravillons des arbres de la cour ! Je ne sais s'il rester du gel pour se nettoyer les mains avant d'écrire sur le cahier …
S@rah, j'espère que tu ne vises pas à l'asepsie la plus stricte? Outre t'arracher les cheveux, tu risques de t'arracher la peau!
Pis 50 masque pour 150, tu sais, c'est pas mal. Ça fait 30%. Pour les non initiés, je précise qu'il sont destinés aux enfants pour qui les premiers signes apparaîtraient dans l'école.
Y en a quand même quelques-uns qui vont être assez gentils pour tomber malade ailleurs.
Bon courage, by the way!
@Isabelle : bienvenue dans cet espace parfois sceptique, sans (trop d') amour propre et avec masque pas étanche.
Vous êtes la très bienvenue.
Question de dignité? C'est quoi ce gros mot?
L'endroit du monde où j'ai vu le moins de PQ et de savon dans les toilettes était ma fac... de médecine. Alors, dès que j'ai pu, je me suis enfui, je suis allé passer des diplômes, assister à des congrès, dans d'autres facs de médecine de France... bah non, toujours pas :-/ Ah si tiens chez les militaires, au Val et autres (mais pas dans les HIA...). Et dans les hôpitaux ? encore pire ! Les égoûts de Babylone font toujours dans le sordide, au prétexte que les clochards... Alors favoriser le lavage des dents des enfants, mais et puis quoi encore ?
94 millions de doses de vaccins achetés par l'Etat...
Toujours pas de PQ.
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