16.7.07

aiguillage


Je me souviens de ce très beau texte de Scott Fitgerald qui s'appelle "la fêlure", et qui décrit ce moment où une faille imperceptible change le destin d'un homme.
Dans mon propre imaginaire, cette modification de la destinée prend très nettement une dimension temporelle plus que spatiale. Je la nomme point de cristallisation, instant de bascule, voire effet cliquet quand je veux me donner l'impression de connaître quoi que ce soit en économie.
Quelque soit le nom que je lui donne, cette tache aveugle, cet instant suspendu me fascine.
Chez moi, chez les autres.
Ce ludion inventif, éternellement rebondissant, est-il devenu pour de bon un raté? Ce chantre de l'amour universel sait-il que son toujours neuf ballet de séduction l'a insensiblement amené à la pathétique position de vieux beau, quêtant une gratification de plus en plus compatissante?

Je ne peux dire où et quand l'insolente originalité de cette femme s'est muée en aigreur célinienne, ni à quel moment le raccourci étincelant s'est transformé en préjugé hargneux. J'ai presque perçu le moment où cela a cessé de me torturer, ce lâchage soudain, à la fois minime et définitif, quelque part entre plèvre et péricarde, lorsque j'ai enfin vu la toile peinte , les grossiers artifices du drame répétitif et grinçant. Mais sûrement, cela avait commencé avant, les premières fibres de la laisse s'étaient rompus bien avant.
A quel moment cela a vraiment fait sens?

Et sur mon propre visage, ces deux plis sévères de la bouche, ce regard parfois fixe, cette tendance à la rumination, ce besoin réïtéré de me désentraver, dans combien de temps auront-ils fait de moi, pour toujours, une errante préoccupée, solitaire et marmonnante?

9 commentaires:

Anonyme a dit…

Tout n'est-il pas, finalement, qu'une question de perception ? Celui qui, dans les yeux de sa voisine est perçu comme un raté reste un ludion rebondissant pour sa soeur aimante. Nous sommes une multitude de facettes, autant de mystères dans les yeux des uns et des autres.

Tellinestory a dit…

huhu, et Mme Edwige Antier est une bonne épouse, nous le savons!

En fait, c'est vrai ce que tu dis, mais justement jusqu'à un certain point. En deça de ce point, tout reste variable et possible.
Un moment vient où un charmant jardin un peu négligé devient un roncier. C'est le moment d'une mutation qualitative qui m'intrigue

Anonyme a dit…

Et si on ne croit pas au destin hein ?
Notre futur est libre de notre présent, comme de notre passé : Indéchiffrable (et tant mieux, du reste) Bises

Anonyme a dit…

Je n'ai pas vu de plis sévères sur ton visage... Au contraire !

Anonyme a dit…

Bon, tant pis, ça fait 10 fois que je cherche quelque chose d'intelligent à dire, et que nul dans ma tête ne me répond. Et pourtant ton billet m'évoque bien des choses, cet instant suspendu de la bascule, je l'ai vu. Mais je crois aussi que tant de possibilités s'offrent dans le même mouvement. Alors, des bises.
Juste un petit clin d'oeil de Robert Desnos (ne pas me demander pourquoi j'y pense, je ne sais pas) : "Vers quel verre, oeil vert, diriges-tu tes regards chaussés de vair ?"

Anonyme a dit…

Il y a parfois, de ces rides dures au coin de la bouche, qui au passage de la vie se fondent en douceur dans une multitudes d'autres, mille fois plus souriantes héritées du bonheur des instants et de ces autres point de bascule ou le dramatique et le tragique même peuvent prêter au rire...
Des bises...

Anonyme a dit…

Je suis comme Meerkat, ce billet me touche trop, pour que je puisse deviser sans m'étaler... Fêlure, c'est bien le mot...

Unknown a dit…

Ce soir, j'ai marché sur de longues pierres plates que la mer depuis toujours fêlure, nuit après jour, grandes marées après eaux mortes.Là se gravent patiemment des récits qui disent qu'il y a encore beaucoup de mer à courir.
A mon retour, j'ai croisé une Bretonne sauvage dont les paroles étaient devenues murmures pour ne pas troubler tout ce qui se racontait en contre-bas.

Tellinestory a dit…

Merci à tous de vos très beaux commentaires.