14.12.08

rumeurs.


Durant ma semaine, j'écoute des gens. Le soir, je lis des gens.
Ça bruisse, ça chuchote, ça crie, ça pleure parfois trop et souvent pas assez, ça pose des mots abrasifs, liés de colère sourde et de vie qui ne renonce pas, ça boit, beaucoup, beaucoup trop, ça fume en disant merde et souvent, ça tente de s'arrêter, ça file le joint avec un sourire, et des fois, ça fait les comptes de tout ce qui est parti en fumée, ça partage le café, discute la confiture, échange les mômes, cherche l'âme soeur, ça rompt, ça attend en débordant à plein coeur de joie et de peur de s'égarer, de ne pas plaire, ça se trouve trop vieux et ça hésite, ça remonte avec rage le cours des ans, ça regarde les passants dans la rue, ça prend des photos, avec émotion, avec ironie, avec attention, drôlement, poétiquement, cruellement.

Ça peint, ça dessine, ça gribouille, ça met de l'encre, du sépia, de l'aquarelle, du feutre, de la bombe, sur du papier, des post-it, l'envers d'un paillasson, un meuble, un mur, un amer solitaire, sous la peau. Ça esquisse, griffonne, estompe, brouille les lignes, surligne, surjoue, cherche son chat, trouve des chats, décrit des chats, attends des enfants, les perd parfois, les pleure, comme on peut, jamais comme il faut, ça se serre, le coeur, les mains, les coudes , autour de la peine, ça laisse échapper des bêtises, ça fait comme ça peut, ça tend l'oreille, guigne du coin de l'oeil, ça sourit en coin, pousse du coude.

Ça rit aux éclats, ça se marre, ça pleure de rire dans son verre, ou dans celui du voisin, ça se moque, ça daube, ça se traite, la switch à bitch, ça plume, ça habille pour l'hiver, ça s'attendrit, ça se laisse émouvoir, ça se tait, pas longtemps, ou au contraire trop longtemps, ça enterre, ça détourne les yeux, ça se referme, ça arrache la page, ça déclare que c'est fini, foutu, qu'on ne l'y reprendra plus, ça s'éteint, ça lâche prise, ça abandonne. Ça se fait un sandwich et ça clôt le sujet.

Ça resurgit ailleurs, autrement, dans la génération suivante, sous une autre identité, ça ouvre un autre blog, ça reconnait la forme d'une oreille dans la foule, ça trouve des ressemblances avec la grand-mère, ça lance une incantation, ça fredonne un très vieil air, ça tâche de se souvenir, ça rit encore, ça boit encore trop, ça discute à n'en plus finir, ça partage, ça raconte, tout, le boulot, le mari, le chum, l'amante, le coming out qui s'est mal passé, la grand fête, le rendez-vous, le demi-sourire, le quart de jonc, la cuisine, la variante de la recette, ça raconte, ça cause, ça écoute, ça répond, ça intervient, ça fait un signe, ça en écrit mille, ça se donne à voir, à lire, à sentir, ça se touche, c'est touchant même quand c'est pas très bien lavé et que ça ne parle pas tout à fait la même langue.
Ça bruisse, sans fin, partout. C'est fatigant et puis ça fait du bien.

A cette commune marmite, je verse ce soir, quelques coquillages, la mer froide et belle, la roselière gonflée d'eau, un premier essai de guimauve maison, un peu molle et parfumée, une table de 5, une rangée de bottes bleues sous le sapin, des cookies au parmesan et olives vertes à se rouler par terre, un ami qui viendra peut-être, le clocher de la minuscule chapelle de Saint Vio, la pelure d'orange séchée qui flambe entre les bûches et peut-être, aussi, mon amour de toute cette vie.


15 commentaires:

Anonyme a dit…

Beau texte, j'aime ce style, genre scansions.

Photo intrigante. Je m'imagine la photographe dans plongée dans l'eau d'un lac gelé et surprenant le greffier trônant sur la glace.

Valérie de Haute Savoie a dit…

Des guimauves maison ? Cela m'intrigue beaucoup, comme ce chat sans crainte du vide qui prend l'air des deux côtés :D

Anonyme a dit…

je l'ai lu trop vite, parcequ'il est trop beau, maintenant je vais le goûter pas à pas..

Anonyme a dit…

Saint Vio... ne me dit pas que tu habites vers Treguennec?

Anonyme a dit…

Pour saisir toute cette vie qui court au vent, ces amours qui causent dans tous les coins, ces bons verres qui s'échangent... avoue que tu bénéficies des services attentifs d'une assistante de premier choix. Moustachue, sensitive, tricolore et... adepte accomplie de la lévitation transcendantale. :-)

Marianne a dit…

Elle est d'accord la tricolore pour se retrouver le pelage troué en haut d'un arbre ? Des joies , des peines, des olives , la guimauve ,les cookies au parmesan on s'inviterait volontiers dans cette vie la !

Anonyme a dit…

Beau texte : le petit ça n'est pas mort.

malie a dit…

Ça alors, tu as pris juste la photo que j'aurais voulu prendre l'autre jour si j'avais eu mon appareil.

Et j'aime ton texte ! Tellement que je passerais volontiers du temps à grignoter dans la marmite ce matin. Mais de marmite, il y en a une aussi ici à la ferme qui est tout aussi fournie, et bien fumante avec l'hiver. On s'y plonge souvent tout entiers, ça fait du bien.

Allez hop, j'ai déjà lu plus de billets que je ne l'avais prévu.

Anonyme a dit…

çà me met par terre ! trop beau ....

Anonyme a dit…

quel texte! C'est la vie à plien bouillons.

Anonyme a dit…

J'ai agrippé l'éléphant et l'ai mis dans mon sac pour le montrer au enfants ce soir.

J'aime tellement ça quand tu ne vas pas bosser, feignante ;-) :-))

Unknown a dit…

La vie...
J'aime beaucoup ce texte.
Il y fait froid et chaud, il évoque beaucoup et donne aussi à sentir et à goûter.
Envie moi aussi de m'inviter à manger les guimauves (avec racine de guimauve ?) et les cookies...
Me manquent juste les recettes pour mieux partager ! ;-)

Anonyme a dit…

C'est vrai qu'on lit ce billet à toute vitesse, comme si on avalait la guimauve, et qu'après on revient. Et là, on se délecte.
Merci anita.

Tellinestory a dit…

Pas bien le temps de répondre individuellement aux commentaires, mais ils me ravissent.
Pour le chat, vous saurez tout demain.

Sar@h a dit…

Pour la guimauve, il faut attendre quelques jours … L'eau va s'évaporer, elle sera moins molle. C'est un boulanger qui m'avait expliqué, c'est un peu comme le pain, il faut qu'elle soit légèrement rassie.