Autant dire qu'en en plus du stétho, toise, balance, audit vérificateur, tensiomètre, échelle de monoyer z-et de Snellen, Lang, Ishihara, marteau à réflexe, centimètre, otoscopes et autres babioles qui la faisait ressembler au Senhor Oliveira, elle partait avec la FOI, dont tout le monde sait qu'à l'inverse des articles précédents, elle a tendance à alléger le quotidien.
De la foi, pas de statuts, pas de mission, un océan a épuiser et une petite cuillère trouée.
J'aime bien cette increvable dame drôle et teigneuse. J'aime aussi qu'elle ne ramène pas les temps héroïques pour nous traiter de mauviettes qui n'ont pas à se plaindre, mais pour nous secouer les branchies et nous dire: "râlez! plaignez -vous, mais haut et fort, gueulez, faites du foin, mais restez dans le navire". Et si elle n'ajoute pas "bordel à cul de pompe à merde" c'est probablement un vieux reste de bonne éducation bourgeoise. Mais elle n'en est pas loin.
Parce qu'après 20 ans de bagarre pour former un corps professionnel avec un vrai cadre d'expertise, de vraies possibilités de travail en profondeur, des échanges interprofessionnels de qualité, voir un secteur comme la Seine Saint Denis retomber à un médecin pour 8600 élèves ( 4000 il y cinq ans...), la Mayenne à un équivalent temps plein pour 20 000, elle a de quoi avoir la rage.
Hier, vers 18h, je reçois un appel de ma chef, qui du fond de son WE parisien, m'annonçait l'hospitalisation d'un collégien pour une forme grave d'infection à méningoccoque.
Ce qui constitue l'une des rares urgences absolues de notre service: identifier, prévenir, et s'assurer d'un traitement prophylactique les sujets en contact étroit avec l'élève, rassurer l'immense masse des autres, penser à la petite copine, décider les jeunes gens à nous dire, si par malheur, il en embrasse une autre, et s'il partage son clope derrière le mur, rassurer, répondre au téléphone, refuser toute inutile désinfection, rassurer, pister le copain perdu de vue par l'institution tellement il a été viré, mais qui traine encore avec les potes, rassurer, répondre au téléphone, rassembler les données, rassurer, savoir si celui qui est absent avec "une forte fièvre" n'a qu'une angine, envoyer paître avec douceur tous ceux qui se sont trouvé mal à la tête depuis le début de la journée, rassurer...
La journée de lundi promettait d'être longuette.
Elle l'a été.
L'élève semble tiré d'affaire.
J'ai oublié de répondre à M.C.
" Je frappe au n°1
j'demande l'médecin scolaire
la concierge me répond
mais quel métier fait -elle?
Elle fait d'la prévention
et dans les ptits ronrons
Elle fout un peu l'bordel
Je ne connais pas ce genre de métier
Allez voir à côté."
On en recausera.
10 commentaires:
"Rester sur le navire", elle en a de bonnes quand tu as l'impression d'être sur le radeau de la Méduse...
et flutte. Ecoper, écoper
"Engagez-vous, engagez-vous", qu'ils disaient...
@ yves et Brigetoun: uhu! ça a fait aussi l'objet d'un pastiche sur l'air du "galérien":
"Toujours toujours tu rameras
quand tu s'ras médecin scolaire..."
@Anna Kronisme:
" je m'souviens ma mère m'disait
sois pas médecin scolaire!..."
D'ac on en recause.
Tiens il y a une infirmière à 3/4 temps dans l'un des 4 lycées cette année ! Du luxe. De médecin je n'ai pas vu... (Jamais eu de visite médicale non plus en tant que prof. Gniark gniark, je vais pouvoir filer ma tuberculose à tous les gamins que je cotoie !)
C'est vrai qu'il n'y a qu'avec la Foi qu'on peut tenir.
Ce qui me rend malade moi c'est que j'ai l'impression de savoir ce que je pourrais faire avec mes gamins.. mais pas à 24 désaxés + 6 non francophones par classe, et pas avec une heure par semaine. J'ai un peu mal au foie aussi.
Haut les coeurs ! On garde le cap quand même !
Je me souviens ma mère me disait...
Pas facile le service public au service du public scolaire . Il se réduit comme peau de chagrin et bien illustré par le détournement d'une petite chanson qui risque de devenir un véritable opéra .
Je ne savais même pas que cela existait encore la médecine scolaire !
Tenez bon et surtout toute mon admiration et mon soutien à distance pour "Elle fout un peu l'bordel "
Nous sommes plusieurs à chanter avec vous .
Vieux souvenirs qui remontent à la surface, je me souviens d'un de ces jours où l'urgence était la même...
Rassurer, aider, soutenir...
Et Zut ! Ma connexion est tellement mauvaise le soir qu'ici aussi mes messages sautent.
Il parait qu'il y a des petits malins du côté du rector@t de Guy@ne qui se demandent s'il ne faudrait pas faire appel à une ONG pour assurer la médecine scolaire ici. Je crains que nous ne servions de laboratoire à des expériences ultralibérales.
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