16.5.10

Monde sensible.


(Post déconseillé aux moins de 40 ans) (et aux autres aussi d'ailleurs)

Danser à reculons*. Avec application, avec rage parfois, et parfois encore avec une légèreté inespérée, comme l'aile qui trouve, au ras de la falaise, le courant chaud et l'élan vers le haut.
De toute façon, tout cela finira mal et nos approches ne se différencieront que dans l'infinie variation de notre solitude. Nous mourrons, ici ou comme cela. La plupart d'entre nous n'auront jamais été champions olympiques et ceux qui l'auront été ne sauront jamais vraiment si cette fragile crête valait la peine de toute cette peine. Nous mourrons ici d'une mort occidentale, les malles pleines des rêves d'accomplissement qui ne surgissent qu'au sein des estomacs rassasiés, vaguement coupables de ne pouvoir qu'entrevoir ce que peut être la mort des autres, en plein vol de misère.
Nous n'aurons pas fait grand-chose et les rares, qui auront accompli des exploits, devront tenir dans l'ombre ceux qu'ils auront impitoyablement écartés, disqualifiés, ou bien même affamés pour les réaliser.
Nous mourrons à reculons, la miséricorde n'étant souvent que cette inaltérable capacité à réduire notre vision en quelques points scintillants, jusqu'à l'ultime confort d'un oreiller frais et des jeux de lumière sur le mur blanc.

Nous croyons avoir tendu la main vers les insignes irréfutables de notre destinée, nous avons pleuré de les voir nous échapper. Vaille que vaille, nous avons habité des lieux, aimé des passants. Nous avons voulu des objets et le soleil sur notre visage.
Nous avons acheté, poli et poncé, nous avons planté et arraché. Nous avons rêvé du désir des autres et, temporairement, nous nous sommes approprié leur paysage.

Nous n'avons rien fait d'autre que de chercher les pierres blanches. Jours heureux, fragiles instants, œuvres minuscules ou murmures flatteurs sur notre passage, satisfaction d'une maison remise en ordre, dernière retouche, réplique parfaite, nous avons moins peur de descendre à reculons quand brillent au loin, les pierres blanches des jours marqués, le dessin sinueux et toujours menteur de notre chemin parcouru.


*Les démons du hasard selon
Le chant du firmament nous mènent
A sons perdus leurs violons
Font danser notre race humaine
Sur la descente à reculons
Appollinaire

(Demain, j'ai 47 ans. Je pense que ceci éclaire cela!)

19 commentaires:

pl4n3th a dit…

Est-ce que 47 est la formule pour faire murir et éclore cette découverte ? Mes 47 sont arrivés un peu plus tôt cette année, et m'ont apporté cela même que tu dis bien mieux que je n'aurais rêver de le faire.
Reste juste à faire pousser nos ados sans les mauvaises herbes qui nous ont encombrés ...
Beau nanniv pour demain !

Gilsoub a dit…

Bah, mieux vaut se dire que ce n'est qu'une année de plus en route vers la sagesse :-) Hein? chuis pas crédible? bon ben bon anniversaire alors!

JEA a dit…

Den Hartog :

- "Il est prouvé que fêter les anniversaires est bon pour la santé. Les statistiques montrent que les personnes qui en fêtent le plus deviennent les plus vieilles."

Et toc !

Ada a dit…

ouah. Quelle femme se cache derrière ces mots à priori lucides. Chapeau. Je ne sais qui de l'écriture ou de la femme, mais je suis conquise.
Et pis sinon, bon anniv. Si tu veux demain je te prête le calendrier lunaire et ce ne sera même plus ton anniv.
Tant qu'à brouiller les certitudes et les ans, autant changer le grégorien.

Valérie de Haute Savoie a dit…

Demain est aujourd'hui alors Hé bien bon anniversaire Anita. Avec un peu de chance le soleil brillera toute la journée !!

Fauvette a dit…

Heureux anniversaire ! Belle journée

Pablo*NSN a dit…

Je ne lis pas beaucoup "mes" blogs ces temps-ci, mais je sais qu'ils sont là (j'allais dire qu'ils sont là "si besoin"... – mais je crois que j'en ai toujours besoin). Je te souhaite un joyeux anniversaire !

Unknown a dit…

Quel magnifique texte, mais quelle tristesse dans ces lignes. Je ne sais pas si elles sont lucides, nous avons chacun notre propre façon de faire les bilans et de regarder ce que nous avons encore devant.
Tu en es à peine à la moitié de ta vie. Elle aurait pu se terminer quand tu avais 6 mois, un ans, deux, trente… Mais elle est toujours là à te permettre de regarder de belles choses, à t'énerver, à souffrir, à jouir…
Je te souhaite un très bon anniversaire, avec des rires, des chansons, des tendresses. Prendre ce que chaque jour nous donne et jeter les ennuis aux cochons.

Unknown a dit…

Et en plus la photo est très belle

Tippie a dit…

Je passe vite vite vite alors je m'excuse de n'avoir pas lu le texte que, je comprends par les commentaires, est fort poignant. Je reviendrais te lire tranquillement plutôt que de survoler (!), mais déjà je te souhaite un heureux et doux anniversaire. Et j'en profite pour déposer un bouquet de grosses bises sur ta table. Tiens, c'est drôle, il y en a tout juste 47! :)

Ennairam a dit…

Heureux anniversaire ! 47 ans ? une jeunette ! Ton aînée de 6 ans, je suis particulièrement sensible à ce texte ...merci :)

Olivier de Vaux a dit…

Superbe texte, qu'il me faudra relire tranquillement. A très bientôt.
Un petit nouveau qui vient de chez Yves.

Maryvonne a dit…

Peu importe le nombre ... joyeux anniversaire, Anita !
Merci pour ce superbe texte, une fois de plus. A lire et à relire.

KA a dit…

Une grosse bise, smack.

Gilsoub a dit…

ben vi, au fait, bon z'anniversaire et un gros bouquet de bisous de printemps ;-)

Sar@h a dit…

Est-ce aujourd'hui demain ?
Heureux anniversaire … ou heureux non-anniversaire, c'est selon !

Moi, j'aime bien l'idée de la mort : c'est la seule certitude de la vie, le reste n'est qu'aléatoire.

Tiens, je vais écrire comme mon Pépère parlait : "J'suis d'la classe à Ennairam."

valclair a dit…

J'aime toujours la façon très originale dont tu présentes les choses.
Ce n'est pas du tout banal de présenter la vie qui passe et notre participation là-dedans de cette façon là, cette modestie que nous devons garder et qui est aussi une façon d'assumer le rétrécissement de nos rêves ou plutôt de nos ambitions (essayons de garder les rêves). Très beau et très riche billet.

Et bon anniversaire, jeunette!

Unknown a dit…

il y a des jours où il y a des pierres blanches sur le site de la pêche à la baleine et mes journées sont éclairées. Pour toutes celles venues et à venir, joyeux anniversaire pour cette année et merci pour notre cadeau du jour.

Ciorane la pauvresse a dit…

Bon, j'arrive après la bataille, ou plutôt la grande marée mais je laisse tout de même mon grain de sel :
Ce que tu racontes de si belle manière me fait évidemment songer à Cioran, "Des années et des années pour se réveiller de ce sommeil où se prélassent les autres ; et puis des années et des années pour oublier ce réveil." Bien sûr, le monde est désespéré et désespérant mais les liens que tu as su et sais tisser entre toi et les gens qui t'entourent, la nature, m'ont l'air si forts. Tes photos et tes billets en attestent, tu as en toi ce sens pas si courant de la Beauté et de l'Amitié (je pense particulièrement à ton billet d'hier). Puissent-ils t'aider à supporter ce qui t'est lourd parfois.
Et puis, comme je suis plus vieille que toi (un an et demi, ça compte, non ?), je me permets, du haut de mon grand âge, d'être un peu sentencieuse :
Ne t'inquiète pas, avec le temps, les désespérances s'apaisent. Et même si ce n'est pas toujours vrai, il suffit d'y croire pour se sentir mieux.
Bons vents à toi !