14.3.10

Introuvables

A Portsmouth et à Cherbourg, j'ai cherché longuement, patiemment, de la tresse pour presse-étoupe, sans avoir aucune espèce d'idée de ce à quoi ça pouvait servir.
A Belgrade, nous avons cherché anxieusement, des heures durant, l'Obrenovaskidrum, ou quelque avenue dont le nom ressemblait à ça, et, des heures durant, d'obligeantes bonnes volontés nous ont égaré de plus en avant dans les faubourgs illisibles du joyau du maréchal Tito.
A Saint-Raphaël, non plus anxieuse mais hilare, je cherchais le feu vert à éclat toutes les 4 secondes qui marque l'entrée du vieux port. La fête foraine s'étant installée sur le port, je le cherchais dans les myriades d'ampoules clignotantes de toutes les couleurs et menaçais le capitaine de faire échouer le voilier dans un océan de barbe à papa.
J'ai cherché de même la sortie du port de containers de Gävle et je me suis égarée au milieu des montagnes de sel et des hélices Rolls-Royce, avec le sentiment d'avoir débarqué sur la lune et une immense ironie sur moi-même et sur ce qui m'avait poussée à me retrouver ici. Durant ce même voyage, j'avais aussi cherché avec la défiance de plus en plus violente qui me saisit devant les villes que je ne comprends pas, à entrer dans Bruxelles et à sortir d'Anvers. J'ai renoncé lâchement à la première et je me suis évadée de la seconde grâce à la sortie qu'un routier russe manifestement psychopathe me poussa à prendre.
J'ai cherché souvent à ce qu'une parole humaine m'aide à préciser les contours flous de la place que je tiens au monde et je dois reconnaissance à ceux qui, parfois, avec désintéressement, ont joint le geste à la parole. Je cherche toujours ce qui continue à nous tenir à notre aveugle ligne de vie, ce pourquoi nous admettons d'adjoindre un jour après un autre jour.
Et sans doute, s'il me distrait un moment de chercher où diable peut bien être l'Obrenovacmachin dans la Belgrade de quarante ans plus tard, c'est parce que cela temporise et au moins allège, l'évidence de ne pas savoir à cela sert.

5 commentaires:

JEA a dit…

La métropole d'Anvers fut conçue pour en sortir par la mer... Du moins par le fleuve Escaut. Il est relativement plus prudent dès lors de louer un camping-car amphibie et ayant déjà fait ses preuves...
Evidemment, un Russe sorti non d'une maison pour marins ayant le mal de terre mais au volant d'un poids lourd psychopathe (pléonasme) peut aller à contre courant. Son sillage ne devait pas être de tout repos ?

Martyne l'intellex a dit…

Je rêve d'avoir un jour l'inspiration de rédiger aussi magnifiquement que votre dernier paragraphe.

Yves a dit…

Toi, tu m'as l'air perdue.

Pierre d'écriture a dit…

Très joliment décrite, cette quête de sens dans laquelle nous nous perdons tous...

Cécile a dit…

Si tu cherches encore, viens ici ... toutes les rues ont des noms de fleurs (mais il n'y a que quatre rues), des enfants jouent sur la petite place-prairie mais il n'y a que douze enfants), quelques chiens (deux ou trois, pas plus) parfois reniflent les trottoirs de terre et d'herbe et certainement quelqu'un t'invitera à boire un café, au coin du feu ou à la table au soleil ...