15.1.10

Mes cinquante deux lettres de rupture avec l'Education Nationale. La Numero deux.

Chère Education Nationale,

Toi et moi c'est fini.
De toute façon, tu t'en fous.
Ça fait deux mois que je fais autre chose que ce que je suis censée faire et tu ne l'as même pas remarqué.
En tous cas, tu n'as rien dit.

Tu sais ce que Maître Eolas disait des fonctionnaires de l'OFPRA, au sujet de leur mouvement de grève : des gens qui font un métier qu'ils adorent dans des conditions qu'ils détestent.
Quelle merveilleuse formule.
Et puis tu vois, c'est comme l'histoire de pince-mi et pince-moi dans un bateau. Si en plus tu nous prives de notre travail, il ne reste plus que les conditions détestables.

Pourtant, toi et moi, ça a pu être beau. Tiens, j'ai revu F. aujourd'hui. Oui, oui, tu sais, celui qui se sauvait tout le temps dans la rue en hurlant quand il paniquait? Celui qui avait la technique dite "de la toupie meurtrière" quand tu cherchais à le saisir. Ben voilà, il est en CLIS la moitié du temps et puis les parents ont accepté la prise en charge thérapeutique et il va bien. Vraiment bien. Et il démarre.
C'est un bon souvenir, parce que ce jour là, l'année dernière, tu avais accepté de prendre un risque. J'étais fière de toi, comme chaque fois que tu sais parier sur l'avenir. Et puis faut reconnaître que chaque fois que je vois cette institutrice, je me dis que quand même, t'as un art pour séduire des gens bien...

Mais ça ne peut pas toujours suffire. Tu ne peux pas maintenant te contenter de hausser les épaules quand je te parle de tous ceux que tu m' as forcée à lâcher pendant des semaines. Merde. Il y a bien plus de jeunes gens qui meurent d'actes suicidaires que de grippe, bien plus chez eux, de détresse humaine que respiratoire. Ou en tous cas, bien moins de médecins pour s'en occuper.

Alors, quand tu m'obliges à glander des heures dans un local sinistre et mal chauffé, quand je m'arrache les cheveux pour recaser des urgences dans un agenda que tu risques bien de me faire modifier encore trois fois, quand tu viens, en guise de priorité absolue et la bouche en cul de poule, me demander de valider des dispenses de sport pour des élèves opérés sept fois en trois ans, je me dis que je quitterais bien le navire, moi aussi.

Je rejoins pince-mi.

Avec mon meilleur souvenir.

Anita

4 commentaires:

JEA a dit…

quitter le navire si l'on s'obstine officiellement à le nommer "Titanique l'humanisme..."

Catherine a dit…

Oui il faut parfois (le plus souvent ?) avoir le métier chevillé au cœur pour ne pas tout envoyer bouler. L'éducNat n'a de valeur que par ses personnels de base certainement pas par ses dirigeants et encore moins par ses ministres.

JEA a dit…

@ Catherine

et encore moins par ses sinistres

Yves a dit…

Madame Anita,
En réponse à votre lettre du 15 courant*, j'ai l'honneur de vous informer que je mets à votre disposition une bouée qui vous maintiendra la tête hors de l'eau dans l'occurrence où la Fonction publique montrerait une défaillance de flottabilité. Pour vous être agréable, mes services y apposeront un stick représentant un cétacé.
Veuillez agréer, etc.
Luc C.

* NDC : qui ne passe plus très bien ! **
** Il y a là un jeu de mots sur le courant, mais on ne le remontera pas jusqu'à Jules Ferry.