8.8.09
Embarquement 3.
Le voyage, par un paradoxe, commence à l'escale.
Et l'escale, autre déplacement de l'habitude, n'est en rien du repos.
Très tôt et jusqu'à très tard, une multitude de véhicules sillonnent le terminal, de toutes couleurs et de toutes tailles.
Il y en a de très petits, véhicules de sécurité d'un rouge éclatant, des tracteurs pour amener et retirer les échelles de coupées, des camions citernes, d'immenses faucheux qui vont chercher les containers et...
De souriantes grenouilles qui les transportent à bord :
Parfois, cela travaille aussi coté mer : ici, cet homme concentré écoute son tuyau de vidange d'huiles usées.
Tout ceci forme une tornade disciplinée, une agitation méthodique où tout est prévu et rien, jamais, ne doit être laissé à la routine.
Le chargement des containers dépend, non seulement de leur port d'embarquement, de leur contenu et de leur poids, tout autant que de leur destination.
Tâchez d'imaginer, vous qui, comme moi, avez certainement toujours besoin du dernier de la pile, ce gigantesque jeu de pousse taquin. Il ne doit pas seulement être joli à l'œil : il doit être équilibré, quelque soit le temps, se défier de l'explosif et de l'inflammable et être prêt au déchargement avec le minimum d'effort.
Les dockers, si vite qu'ils aillent à terre, mettent une surprenante délicatesse à l'opération de grutage. Comme s'ils mettaient un point d'honneur à n'ébranler que très doucement le bateau.
Plus encore que le roulis, je crois que c'est ce mouvement qui a imprimé en moi une sensation que je découvre destinée à une durable nostalgie.
Le plus troublant, dans ce voyage, ce n'était pas d'être seule femme au milieu d'un équipage d'hommes. C'était, allongée sur ma couchette, de découvrir qu'un bateau qu'on charge a le même mouvement ample et doux qu'un lit où on fait l'amour.
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7 commentaires:
Autant une croisière sur un paquebot de luxe ne me tente pas, mais alors pas du tout, autant ce que tu es entrain de nous raconter me fait rêver et me donnerait envie de partir comme toi.
L'équilibre des charges sur un navire est primordiale. Une erreur de répartition des charges dans une longue houle ou une mer coupée … et le navire peut se briser.
Un containeur à la baille et c'est un voilier ou un autre innocent qui va connaître le goût de l'eau salée...
L'oreille et l'équilibre sont les sauvegardes du marin ! Ce que tu racontes, avec l'écouteur de tuyaux et l'ajustement précis des containers, outre le plaisir du voyage offert dans cet ailleurs, me fait penser à ma seule expérience (houleuse) de traversée.
Quand je devais tenir le cap (!) de nuit pendant mon quart (!) le skipper allait s'allonger en disant pour me rassurer que le moindre frémissement de travers de la coque, le moindre bruissement inhabituel d'une voile le réveillerait immédiatement. Moi je n'entendais que le fracas affolant de la mer et je ne sentais qu'un horrible tangage...
Déjà à la lecture le bateau tangue tant pis pour moi . J'aime la comparaison finale qui, si je l'avais faite, m'aurait privée de bien des choses .
"ce mouvement ample et doux"... On connaît des amours plus tempétueux.
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