16.8.07
Polars en V
Vargas fut l'objet d'un malentendu, qui dura longtemps. Elle était vaguement repérée, mais confondue avec une autre. Je l'avais par erreur rangée dans la catégorie des auteurs qui, horreur après horreur, tentent de rivaliser avec le rapport annuel d'Amnesty International, ce qui est bien sûr impossible. Je ne m'en approchai donc pas, mes journées de consultation absorbant généralement la plus grande partie de ma capacité à métaboliser l'humaine perversité.
Une amie, subtilement, tenta de me rassurer, doublant ainsi un second cap. Car si je me désintéresse de la littérature outrancière, c'est bel et bien celle qui risque de m'émouvoir durablement que je fuis parfois, d'erratique façon.
Je crois que je lus en premier "Pars vite, reviens tard", et je sus immédiatement que cela me cueillerait comme un fruit consentant, et que les autres histoires feraient de même. Vargas, à peu de chose près, pourrait me conter l'histoire de la brosse à dents en pays pagan, tant je suis sensible à son intime mélodie. Là où d'autres se penchent sur la faille, elle observe le miroitement, ce qui en permanence, dans un visage, dans une histoire, dans une certitude, se décompose et se recompose, vacille en instable perspective. Adamsberg, son flic impair, toujours d'instinctif guingois est le type même d'un homme dont je tomberais amoureuse folle perdue-et avec qui je ne vivrais pour rien au monde juste avant de le faire.
Est-ce l'archéologue en elle qui éprouve le besoin de nous dire que rien ne dure vraiment sous la forme annoncée? Que pourtant, ses romans soient traversés d'histoires anciennes éclatant au présent en gaz délétères, fabrique sans doute une tension à laquelle je suis particulièrement sensible.
De la tension, il y en a aussi chez Van Gulik, et je ne peux la qualifier autrement que sexuelle. Ne te précipite pas pour cambrioler la première librairie à cette heure-ci fermée, ô mon avide lecteur, et laisse moi te donner deux raisons à ce renoncement.
La première est qu'il n'y a rien de commun entre le vertueux juge Ti, exerçant son ministère sous la bienveillante, mais implacable tutelle de la dynastie T'ang (663 ap.JC), et les fantoches suréquipés du bas qui peuplent les livres qui, posés sur la tranche, s'ouvrent tout seuls aux mêmes pages. Ce n'est pas tant ce qui est décrit qui fait tension, encore que l'auteur, qui rédigea une " Vie sexuelle en Chine ancienne", possédât solidement son sujet. Non, le principal attrait ce ces romans, en sus de l'intrigue et du formidable aspect documentaire, c'est d'avoir placé, en face de ces turpitudes, un homme tellement corseté, tellement formaté, tout à la fois par la morale confucéenne, par les standards du roman policier chinois, et par la malice même de l'auteur, que le lecteur se trouve immanquablement, comme en présence de Sherlock Holmes, à guetter la défaillance, à désirer que le vernis craque, que les convenances soit balayées, et que se déchire , enfin, la robe austère de la justice, sous laquelle, comme nous le savons tous...
J'ai dit lecteur? C'est là mon deuxième argument. Je crains que sur cet aspect précis des romans de Van Gulik, mon lecteur ne soit de préférence une lectrice. Faire dévier le séminariste de son rigide chemin de vertu me semble un inavouable grillon plus sensiblement féminin.
Mais pour autant, estimable lectrice, ne te précipite pas pour forcer la porte du monastère le plus proche, à cette heure fermé. Il est possible que la seule vraie morale des histoires contées par le très sérieux, très érudit Robert Van Gulik, c'est que certaines choses sont infiniment meilleures sous forme de plaisantes spéculations...
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14 commentaires:
Finalement, je suis revenu. Cette histoire de pèche à la baleine franchement m'attire, surtout qu'il faut infiniment peu de baleine, pour beaucoup de peiche afin de réussir ce plat (eh oui sur internet, pour trouver le fruit il fait orthographier "peiche"). En parlant de pèche et de polars en V, pour Vargas, je n'ai pas lu, je vais attendre qu'elle soit un peu moins à la mode. Pour Van Gulik, je ne pense pas que ce soit vraiment une question d'hémisphère cérébral : ça fait partie du jeu cet agacement face à l'immobilité du monde, et c'est très représentatif de la Chine d'alors. Quant à la Chine d'aujourd'hui, je m'abstiens de tout commentaire, ce qui veut dire que je vais me lancer immédiatement dans une diatribe sans fin sur la façon empreinte de sauvagerie qu'ils ont de voir et d'accéder au monde. Empruntée à l'école du néolibéralisme sans doute. BREF, comme je disais hier à ma crémière, tout mène à la politique... Je vais peut être quand même essayer Vargas. L'âne Onyme
Je n'avais pas compris le titre ! Oui c'est V comme Vargas et Van Gulik, ah, ah !
J'aime les deux, j'ai découvert Van Gulik il y a quelques années, et habitant le quartier chinois parisien mes lectures ont pris toute leur saveur, et me menait droit vers les soupes à la coriandre ! Je guettais chaque nouvelle sortie avec gourmandise ! Il me faudrait sans doute maintenant les relire...
Fred Vargas je l'ai lue après l'avoir vue (petite bouille au nez relevé, l'air timide) à une fête du polar Place de la Bastille il y a quelques années... Depuis je suis une fidèle ; j'aime la relire, son écriture raffinée me plaît beaucoup.
Vargas est vraiment une magicienne à part dans l'univers du polar, où c'est en général à qui inventera le crime le plus horrible, les enfances les plus sordides, les desseins les plus sinistres et les passages les plus vomitifs.
Elle est une des seules auteurs de roman policier pour laquelle le crime et l'enquête ne sont que de vagues prétextes à se pencher sur la nature humaine...
en tant que résident du monastére, je m'inscris en faux contre ce dernier argument dissuasif & ayez l'obligeance de ne pas me demander pourquoi. sur le reste i agree dès demain!
euh mes lectures me menaient, c'est mieux non ?
@l'âne Onyme: tout y mène, et pourtant qu'il est bon parfois de prendre des chemins balisés autrement. des tuyaux sur la Chine ?
@fauvette: encore une qui mange les livres! tiens cela pourrait être un e idée: les livres qui vous donnent faim, et de quoi?
Quand aux fautes de frappe, euh... j'en fait trois par ligne.
@Krazy Kitty: oui, l'insignifiance de l'excessif ...
@Jm : mmmmmh... adresse du monastère?
Pas de tuyaux sur la chine. Juste une grande déception. L'espoir de voir s'ouvrir d'autres voies, d'entendre du monde d'autres voix. Et puis cette brutalité colportée sans analyse ou presque par nos journalistes suralimentés, naïvement persuadés de faire la critique de ce régime là, de cette culture là, dans leurs habits empesés de la suprématie occidentale. Une grande déception, et en même temps l'espoir de voir se lever une nouvelle vague, lassée de buter toujours au même récif. Encore un peu d'espoir quoi...
anita : l'écriture est la (votre-mienne) voie du plaisir.
Votre idée est terriblement juste hélas.
Ou le moine est vieux
ou les moinillons
& l'émoi nions mais pas au de là
anita : l'écriture est la (votre-mienne) voie du plaisir.
Votre idée est terriblement juste hélas.
Ou le moine est vieux
ou les moinillons
& l'émoi nions mais pas au de là
Et surtout, le sens du quotidien et de l'infime...
@jm: la voie, la voie... pas la seule quand même. Y a les crêpes aussi.
@ Krazy Kitty: je sens que tu es prête à guetter le prochain.
anta ne me dis pas que tu es bretonne? Ah les bretonnes , leurs marins au loin, elles lisent & lisent & lisent & moi?
Je suis devenue bretonne à la suite d'un grand vent d'est!
Prépare la voilure car le prochain te poussera sur l'atlantique mais peut être y es tu déjà, chercherais tu jonas, ton vent souffle trop fort
Vent d'Est dis tu, le vent de pearl?
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