25.4.07

Où l'on reparle d'Eugène (François Vidocq, bien sûr*)


Il y a un petit moment que je me dis qu'il faut que je réponde au passant. Celui-ci m'écrit, en commentaire de ce post:

l'âge du consentement ne veut pas dire qu'il n'y a pas un certain nombre de troubles qu'on peut identifier comme une attirance exclusive pour des partenaires non nubiles (...) Et rien ne dit que ces troubles ne soient pas génétiques ou du moins innés (rien ne dit le contraire non plus car de toute façon, la première chose à faire serait d'avoir une nosographie non plus basée sur les symptômes mais sur les processus en jeu).
Alors qu'il fait si beau, et que je serais si bien, assise par terre, à me coller du terreau sous les ongles et à foutre en l'air mes chaussures neuves en jardinant avec. Passant, je ne te remercie pas, mais bon.

Merci quand même d'avoir fait une distinction entre inné et génétique. Au moment où nous naissons, ce qui est "inné" chez nous, nous a été transmis de façon bien plus subtile encore que par l'ADN. Ainsi, on viendrait de mettre en évidence que le système sérotoninergique qui influençe précocément le développement du cerveau du foetus serait celui de la mère. Voilà donc de l'inné, mais qui n'est pas transmis par le code génétique présent dans l'embryon.
En naissant, on possède aussi nombres d'expériences, certaines relativement invariantes (c'est quoi ce poum-ta que j'entends régulièrement?), d'autres culturellement codées (miam, maman a encore mangé du pili-pili, du gigot bouilli à la sauce à la menthe, un big beurk, usw...) d'autres encore franchement personnelles (p'tain c'est quoi cette invasion d'adrénaline? ah! c'est maman qui a encore regardé les prévisions du second tour. )
Mais bref, génétique, ou sous forme d'engrammes précoces, il faudrait imaginer un système subtil qui coderait tout à la fois la pulsion (jusque là, OK), l'objet du désir, et la propension à la transgression.
Là, franchement, le bât me blesse.
Sans entrer dans des détails oiseux (les détails en ont marre, eux aussi, non mais!), il faudrait imaginer une série allèlique, comme pour les groupes sanguins.
Soit un gène P pour perversion codant sous sa forme Ppf (petites filles), Ppg (petits garçons), Pa( animaux) Pn (nécrophilie) Pe (électeurs)
Ad libido, pardon ad libitum, puisque, je le rappelle, l'une des caractéristiques de la perversion, c'est souvent la triste répétition des scénarios excitatoires, dont les relations avec les enfants non nubiles ne sont que le versant le plus horrifique pour notre société.
Et comme, pour compliquer le tout, on ne voit pas pourquoi seuls les objets du désir interdits par la loi seraient génétiquement codés, il faudrait admettre d'autres séries de gènes pour le genou de Claire et les coups de menton du petit N.S (à moins qu'on ne range cela dans la catégorie Psm pour sarko-masochisme?)

Franchement, je ne vois pas pourquoi la nature se serait embarrassée d'un système aussi coûteux. Sans compter que toute mutation ayant été plus ou soumise à une sélection naturelle, jusqu'à ce que les scientologues me prouvent contraire, je pense que la mutation "violeurs de t'its n'enfants non en âge de procréer" aurait fortement couru le risque de s'éteindre, que ce soit naturellement ou sous la pression du groupe, qui en plus leur aurait bouffé le foie.

Non, la nature, qu'est une brave chose souvent assez économe, a trouvé un moyen beaucoup moins couteux de stocker l'information " bas les pattes ".
Un truc qui s'appellerait l'éducation, la culture, la transmission des interdits, le soin, l'attention portée aux personnalités troublées, la prévention précoce des carences affectives, la protection de la jeunesse, le soutien de la parentalité.
Ce n'est pas un système parfait, loin de là. Il bugge, souvent. Mais finalement, pas forcément plus que l' ADN...

Donc, scientifiquement, les propos du candidat sont de la bouillie pour chat. Politiquement, ils ont une ombre portée, qui va bien au delà d'une interrogation métaphysique, pour l'instant aussi utile que l'existence d'une tasse pour gaucher. Balayons rapidement les soupçons d'eugénisme, encore qu'on ait vu, dans dans de respectables démocraties, des femmes stérilisées pour moins que ça.
Par contre, pour qui sait combien sont mises à mal toutes les politiques de prévention, de travail social, de soins de proximités, y compris en psychiatrie, et surtout quand on sait combien le lobbying pharmaceutique est prêt à payer pour que tous les troubles mentaux ou presque soient déclarés organiques, et donc accessible à la pharmacopée, les propos du candidat sont tout, sauf candides.


* Eugène François Vidocq, pour ceux qui ne sont pas tombés raides dingues de Claude Brasseur dans le rôle titre de la série télévisée, commença bagnard et finit chef de la Sûreté.

10 commentaires:

Anonyme a dit…

Excellente démonstration... Par contre je n'arrive pas à accèder au lien que tu as donné... tu peux retracer l'itinéraire parcouru pour arriver à la page ?

Tellinestory a dit…

@ M'zelle zuzu : le lien doit marcher, maintenant.

Anonyme a dit…

Et pédago en plus:-) D'accord tu as du renoncer au terreau sous les ongles, mais j'aime bien comment tu dis ça., et finalement, le jardinage ce n'est pas toujours ce qu'on croit. :-)

Anonyme a dit…

Joli... J'aime ça :)

Je suis convaincu (non non non, ne comptez pas sur moi pour que j'avoue que je l'étais déjà avant!)

Anonyme a dit…

J'avoue que je n'ai pas compris !

Mais ce ne doit pas être très grave puisqu'en fait, je suis d'accord, ce qui tendrait certainement à prouver que les choix que l'on fait dans la vie sont aussi dictés par les influences affectives que l'on reçoit, non ?

:-)

Tellinestory a dit…

Otir: je suis désolée de ne pas avoir été claire! Je voulais juste dire qu'il est imposssible qu'un gène détermine un "objet de désir", parce que cela en ferait beaucoup trop à coder.
Et parce qu'en dehors de l'effroi qu'on éprouve, il est idiot de penser que la nature aurait spécifiquement codé "objet de désir=enfant prépubère" et laissé tous les autres variations sous la domination du libre arbitre. (Fernande, par exemple)
Ps: moi aussi j'aime très beaucoup achement te lire! ;-)

Anonyme a dit…

Démonstration magistrale ! A envoyer à Nicolas S qui n'a pas été brillant sur le sujet ces derniers temps.

Tellinestory a dit…

Coco: merci et bienvenue à toi. C'est vrai qu'on ne convainc que ceux qui le sont déjà
Oxygène: si tu savais comme j'aimerai voir Nicolas en convaincu!

Anonyme a dit…

Je réponds avec un temps de retard car je n'avais pas pris connaissance de ce post.

Il est toujours étonnant de constater que dans une discussion, certains éléments sont retenus et d'autres ignorés car n'entrant pas dans la case où on range son interlocuteur. Ainsi avez -vous retenu "âge du consentement ne veut pas dire qu'il n'y ait pas un certain nombre de troubles qu'on peut identifier comme une attirance exclusive pour des partenaires non nubiles" mais bizarrement (ou plutôt justement de façon très attendu) vous avez ignoré "la première chose à faire serait d'avoir une nosographie non plus basée sur les symptômes mais sur les processus en jeu".
C'était pourtant le plus important pour comprendre d'où je parlais.
Pour vous en effet, il semble aller de soi que la pédophilie soit affaire de désir. J'avoue avoir moi-même suscité le malentendu en parlant à son propos "d'attirance". Or, et là je parle du point de vue de l'anthropologie clinique dite théorie de la médiation (développée par Jean Gagnepain), je ne crois pas que la sexualité humaine soit affaire de désir mais bien affaire de définition du partenaire. Comme l'avait déjà esquissé Lévi Strauss, le sexe social n'est jamais réductible au sexe biologique. Ou dit autrement, dans aucune société les partenaires sexuels socialement acceptables ne recouvrent l'ensemble des partenaires biologiquement possible en vue de la procréation. Ce décollement du social par rapport au biologique fait que l'appariement social ne se réduit jamais à l'accouplement. L'hypothèse de la théorie de la médiation est que les différentes perversions peuvent être analysées comme des troubles de cette capacité de l'humain à constituer du lien social en s'abstrayant du biologique (tout en y retournant dialectiquement constituant une "biologie humaine" que la médecine hélas largement vétérinaire est loin d'avoir pris la mesure). Ceci dit, les symptômes pédophiles ne se retrouvent pas que dans ce type de tableau clinique mais également dans des tableaux à prédominance sadique ( voir marc Dutroux) qui ne sont pas des troubles de l'appariement social mais des troubles de la participation sociale. Je m'explique. L'humain ne rompt pas seulement avec la sexualité naturelle fondée sur l'accouplement mais avec la perpétuation naturelle de l'espèce fondée sur l'élevage du petit. Cet élevage se meut chez l'humain en éducation, c'est à dire en renoncement à la toute puissance. Dans aucune société humaine le géniteur n'a toute puissance sur son petit, : il y a toujours un tiers. C'est justement l'acceptation du tiers qui est un problème chez ceux que l'on appelle les pères abuseurs.
Dans ces deux cas perversion ou psychose (puisque les troubles de la participation sont appréhendés par Jean gagnepain comme étant de l'ordre de la psychose), la transgression n'est qu'une conséquence et il ne s'agit dès lors pas spécifiquement de troubles du désir tels que les psychopathies, les dépendances ou les névroses. Ce qui ne veut pas dire que des symptômes pédophiles ne peuvent pas apparaître dans des tableaux cliniques appartenant au domaine des troubles du désir. Ainsi comme le rappelle Jean Michel Lebot (http://www.et-omnia-vanitas.net/dotclear/index.php?2007/04/21/39-le-candidat-l-anthropologue-la-genetique), certaines dépendances à la pornographie (et notamment sur Internet peuvent conduire (tels les alcooliques qui ont besoin d'alcools de plus en plus fort)à la recherche d'excitations provoquées par des scénarios pédophiles.
Pour conclure, loin de moi l'idée de prendre pour argent comptant ce déterminisme génétique dont nous parle Sarkozy mais je voulais simplement souligner que ceux qui ont poussé de hauts cris à cette évocation le font au nom d'une conception de l'homme dont la scientificité n'est pas moins une bouillie pour chat (pour reprendre votre expression) que celle de l'ex-candidat. Bouillie pour chat qu'on retrouve d'ailleurs même chez ceux qui font pourtant métier de science car si votre ADN est expérimentalement éprouvé, il me semble que vous acceptiez avec beaucoup de légèreté des concepts comme "personnalité troublée", "transmission des interdits" , "carences affectives" et même "troubles mentaux". Vous gardez votre rigueur expérimentale pour l'ADN (le sérieux sans doute) mais vous semblez peut-être un peu trop facilement prendre pour argent comptant une "culture psy" qui échappe dès lors à tout examen scientifique. Pour ma part, je fais le pari de sciences humaines qui tout en étant irréductibles aux sciences naturelles doivent trouver dans la clinique leur garant expérimental.

Tellinestory a dit…

Cher passant, je relirais attentivement votre commentaire fort interessant, mais un peu dur pour un samedi matin.
Je m'étonne que vous vous étonniez de l'aspect forcément selectif des lectures, et donc des réponses. Je pense qu'il s'agit d'un phénomène naturel de la conversation et de l'échange, et que vous n'y échappez pas non plus.
Ainsi, vous auriez pu lire, que je ne prétendais nullement qu'il n'y ait que la "culture psy" pour comprendre l'humain-et encore moins que cette culture psy doivent s'abstaire d'une culture scientifique.
Mais de même, dans le format d'un post, ou d'un commentaire, présentez-vous le concept de "trouble de la participation sociale", sans en présenter l'armature scientifique.
Dirais-je alors que vous l'acceptez avec légèreté? Je vous fait confiance...

Que puis-je répondre , en quelque phrases? Il y a des trous dans mon argumentaire? C'est une évidence.

Mais je dois dire que je ne vois pas dans la vôtre de déplacement massif de mon point de vue. Ce que vous dites sur la transgression est juste, mais en quoi cela vient contredire la question de la transmission des interdits? Ben oui, pour que ceux-ci soient intégrés, il faut que la notion de tiers soit opérante, ben oui, chez les pères abuseurs elle fait défaut... C'est neuf?
Donc, je persiste et resigne mon post, pour incomplet qu'il soit. Je ne pense pas avoir poussé des haut cris parce que j'ai une conception de l'homme qui réccuse la biologie. Je pense même que ceux qui hurlent au seul nom de neurobiologie aujourd'hui, aurais hurlé à l'évocation d'une sexualité infantile il y a cent ans.
Non, j'ai juste eu besoin de dire qu'un objet de fascination, sinon de désir, génétiquement codé est une ânerie-ou bien il faut m'expliquer pourquoi seuls ceux qui transgresseraient l'ordre admis par un code social variable au cours du temps et de la géographie- pourquoi seuls ceux-là donc, serait transmis de cette façon?
Devrais-je donc préciser à la fin de mon post que cela n'entame aucunement l'intérêt que je porte aux divers aspects de notre fonctionnement cérébral?
C'est fait.
De votre côté, n'aviez-vous pas plus de reproche à faire à la "culture psy" qu'au fond de mon post?
S'il faut une suite à cet échange, parce que je trouve tout à fait interessant ce que vous dites, peut-être pourrions nous poursuivre par mail?