18.4.07
Un QI aux petits oignons.
J'ai eu, très récemment, une journée de formation sur les enfants dits à haut potentiel, intellectuellement précoces ou surdoués. Je suis devant la question comme une poule devant un couteau, à moins que ce ne soit comme un cloporte devant un ophicléïde.
D'une part, les conditions mêmes de la formation m'ont légèrement fait lever le sourcil: une intervenante professionnelle, (multi professionelle d'ailleurs), mais aussi membre d'une très militante association, des parents qui veulent entrer,une "invitée" d'abord présentée comme intervenante de seconde intention, professionnelle du soin, mais que se révèlera être membre de la dite association, et donc, parent d'enfants IP. La séance n'avait d'ailleurs débuté qu'après que nous ayons poliment, mais fermement refusé la présence d'une journaliste dans ce qui, dès le départ, se voulait une formation interne.
Vais-je le dire?
Oui.
Ça sentait très fort l'entrisme.
Il m'arrive d'avoir le sourcil sourcilleux, même envers des associations dûment agrées.
Ce sujet m'embarrasse, à plus d'un titre. D'abord parce que toutes les études présentées sur la relation entre haut potentiel et échec scolaire sont d'un grand flou. Les seules que j'ai trouvées sont toutes réalisées à partir d'enfants déjà détectés comme EIP. Or généralement, quand on a éprouvé le besoin de faire un test psychométrique, c'est, en général, qu'il y a déjà un rhinocéros dans le potage.
La question reste donc posée : combien d'EIP vivent raisonnablement bien dans l'école, sans faire suer ni eux ni leurs proches?
Que le mode de souffrance des EIP en échec soit particulier, qu'il pose en soi un paradoxe, je veux bien le croire. Ça ne pense pas forcément mieux, mais ça pense plus vite, et surtout ça pense tout le temps. Ça conceptualise souvent si vite, que ça se demande pourquoi diable on se fatiguerait à faire. La représentation de ce qu'il y a en haut de la montagne est tellement précise, pourquoi mettre un pied devant l'autre pour y aller? Passons à autre chose, tiens, ce ravin...
Qu'il soit nécessaire d'affiner, toujours plus, notre clinique de l'échec, qu'il faille se méfier des diagnostics de carences intellectuelles hâtifs, non étayés, voir biaisés par des observateurs trop prompts à chercher sous le réverbère la montre perdue dans le bois , parce qu'il y a de la lumière à cet endroit-là, soit. Je dirais même que j'applaudis d'une main (oui, j'ai toujours la chatonne dans l'autre)
Qu'on puisse se servir de ces paradoxes pour penser ce que pourrait être une école bien traitante, oui encore. (je la change de main et j'applaudis derechef) Au passage, s'apercevoir que l'école est moins affaire d'intelligence que d'adaptation, c'est loin d'être une révélation.
Que celui qui vit mal parce qu'il se sent "différent" recueille de notre part, respect, attention, et ce qu'il faut d'éclairage pour s'apercevoir qu'il est loin d'être le seul, c'est le minimum.
Mais pourquoi faut-il que l'intervenante, des trémolos dans la voix, nous annonce ainsi le summum de l'horreur:
" Rendez-vous compte, cette dame a un enfant qui a 150 de QI, eh bien il est dans la rue maintenant."
Moi, qu'on soit à la rue, cela me navre, quelque soit la façon dont on résout une suite logique.
De même, lorsque on me dit que tel enfant a "fini" dans un LEP, je me demande pourquoi une société n'aurait pas le droit d'avoir un plombier de génie. Après tout, c'est rare qu' au moment où l'on réussit à déboucher un lavabo, on en vienne à murmurer: " si j'avais su, j'aurais inventé la bombe atomique".
Une fois de plus, je touche l'une des limites de ma profession, agent de l'intime au coeur de la plus massive des institutions. Comment laisser place à l'exceptionnel, sans le rechercher à tout prix, comment le laisser émerger, sans pour autant outiller l'institution d'une désastreuse machine à extraire et rentabiliser l'enfant intellectuellement précoce?
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5 commentaires:
Une école bien traitante... Qui ni ne stigmatise ni ne rentabilise, je te suis !
Que deviennent les enfants dits hyperactifs ? Il me semble ne plus en entendre parler. Sont-ils sous psycho-stimulants ou passés de mode ? Ou associés aux surdoués ?
Pour les plombiers, je ne te suis pas par contre : ce sont des génies ! Qui n'a pas soupiré dans l'attente désespérée du plombier ne peut pas comprendre.
en passant très vite j'applaudis à la fin de ton billet. Je suis prof de LEP...
moi aussi je souhaite applaudire cette position ! c'est tout à fait ce que je pense!
cela dit j'ai un enfant thada, et j'ai du l'extraire de l'environnement scolaire classique car il y souffrait et que rien n'était fait pour l'aider, mais plutôt pour l'isoler....et on a mis aussi des années à se faire entendre sur les problèmes que nous notions chez notre enfant!
bref....
je ne suis pas pour le marquage, le parquage et encore moins le clonage! mais une certaine différenciation est parfois nécessaire ne serait-ce que pour adapter soins et enseignement.
un plombier de génie ! Mon rêve !
Juju K: Oui, il faut pouvoir adapter les exigences, c'est à dire en doner les moyens, qui sont plus souvent du temps pour comprendre que des moyens lourds en matériel ou en personnels. Mais par ailleurs, il ne faut pas non plus sacraliser l'école ordinaire comme la seule voie posssible. Etre 30 dans une classe, de même âge, c'est le modèle qui a prévalu à partir du début de siècle, mais pourquoi serait-ce le seul? On voit bien que pour certains enfants, un grand groupe, avec la multiplicité des interactions, est ingérable.
@Tiphaine: j'en ai eu un-en plus il était beau, chantait diviniment- bref j'ai bien sûr pensé à lui en écoutant l'intervenante!
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