11.10.09

Bulletin de situation

Cher inconnu(e)

Voici des nouvelles de votre caillou.
C'est miss Bibi qui la rapporté. L'en empêcher aurait été inutilement frustrant. Beaucoup de carrières, qu'elles soient d'artistes, de chiffonniers ou de patenteurs patentés ont commencé par un talent fructueux de pilleur d'épaves, entre cette pointe-ci et ce rocher-là.
Sans doute, si j'avais été seule, il en aurait été autrement. Votre caillou serait resté sur la plage. Ma propre carrière d'écumeuse de laisse de mer se trouve un peu ralentie par l'âge, le nombre de mes possessions et la répugnance que j'éprouve aux tâches de dépoussiérage.
Mais surtout, je me serais interrogée sur vos intentions. L'avez-vous oublié distraitement? L'avez-vous abandonné, parce que vous étiez déçu(e) par le cheminement de votre pinceau? L'avez-vous délibérément confié à l'état d'ébauche au vent et au ressac, pour qu'ils finissent votre travail?
Si j'en crois le petit arbre à gauche, ce n'est pas la première fois que vous usez d'un pinceau. Ce pin maritime léger est bienvenu. Le penty au toit d'ardoise est peut-être plus ventru que vous ne l'auriez voulu et il semblerait bien que cela vous en ai découragé.
Je choisis de croire que vous l'aviez laissé pour cela, pour le destin précis qui lui est advenu.
Une petite fille, ayant décidé de fort loin que la fantaisie est le plus long chemin d'un point à un autre, l'œil épars, courant comme un chien de souk d'un reste de couteau à la dépouille d'un ormeau, a ramassé ce caillou peint pour l'emmener dans sa maison.

Je puis vous promettre qu'il y est en bonne compagnie. Pour l'instant, il est entre la maison d'Yves, (tiens! sans porte non plus, comme la vôtre!) le grimoire de Still et un bloc d'argile gravé d'écriture cunéïforme, dont je me demande bien la provenance.
Demain, il sera peut-être près de l'orchidée ou du raku portugais, veillé par le chat. Il est possible aussi qu'on le retrouve un jour dans la boîte à couture, s'il est animé, comme bon nombre d'objets chez moi, de vagabondages subreptices et nocturnes.

Peu importe. Aucun des occupants de cette maison ne lui fera grise-mine. Il est en sécurité. Au contraire de la lettre-très-importante et du formulaire-indispensable, il ne court aucun risque d'être jeté. Porteur d'une trace d'humaine création, ne fut-elle qu'une esquisse, il échappera à la férocité qui balaye parfois les marrons desséchés et les amas de bigorneaux

Si je pars d'ici, il fera, comme ses frères de hasard et de rencontre, un, deux, dix déménagements.

Sauf si vous spécifiez, à l'adresse mail ci-jointe, que je doive le remettre sur sa plage, nous sommes partis, lui et moi, pour un compagnonnage de longue durée. Peut-être même jusqu'à la fin de mes jours.
J'ai, en effet, quelques doutes sur les promesses de Miss Bibi, d'emporter, le jour venu, son trousseau de trésors de grève dans sa chambre d'étudiante.

Bien à vous.

Anita.

Ps : je joindrais sa photo demain. Sans la lumière du jour, il témoigne mal de son charme.

6 commentaires:

Yves a dit…

Je connais une jeune sœur à Bibi, trottinant à mes côtés en salon du livre, sortant soudain des fouilles de son petit sac à dos, un galet – remarquable – puis, un peu plus tard, dans le tramway du retour, un autre, tout aussi remarquable, rond comme une pièce de 13 centimes. Quel pierrier au fond du sac !?
Bibi(s), vous faites du bonheur autour de vous, et méritez que je vous embrasse.

Tellinestory a dit…

Tu crois que c'est les mêmes Bibi(s) qui laissent, plus tard, des cailloux peints sur les plages? J'aime croire que oui.

Yves a dit…

Moi itou.

meerkat a dit…

Moi zossi. :-)
Instant de pur bonheur. Merci les cueilleuses de trésors.

samantdi a dit…

Cette Bibi, quelle découvreuse de trésor ! Je l'envie ! On ne regarde pas assez par terre, il faut dire... :-)

Gamacé a dit…

Moi je trouve des trombones, par terre... C'est grave docteur ?