8.6.08

matriochkas

Kozlika nous a concocté un piège littéraire, et c'est à mon tour d'en sortir.
La règle, c'est que le premier écrit le début, le deuxième la fin, le troisième se charge du deuxième chapitre, le quatrième l'avant dernier etc...
Bref, ça ressemble à la construction du train Philadelphie -San Francisco. On a le droit de s'amuser en route, mais faut penser aux deux derniers qui doivent suturer les tronçons.
On gagne rien, hors la satisfaction d'avoir renoncé à son idée première seconde : faire porter pâle toute votre famille et laisser tous vos petits copains en plan.
Voila donc le chapitre 6 de l' histoire de Marie. Ça n'a d'intérêt que si vous allez lire les autres

CHAPITRE 6



« Je n'ai pas tout compris, mais je serai ravi de te retrouver. Le bar de la dernière fois me semble tout indiqué.
Stephane»

L'Assassin?

Que Marie puisse éclater de rire lui sembla un excellent signe.
Qu'elle puisse éprouver une telle détente en le voyant déjà assis à une table, ses longues jambes barrant le passage, avec sa désinvolture sans arrogance, son regard doucement posé sur le vieux chien du bar, en était très certainement un deuxième.
Elle n'était pas amoureuse de lui, il était bien trop ambivalent, mais après la sèche asphyxie de ses rapports avec Serge, cette aspiration exténuante vers un but toujours dérobé, le sourire amical de Stéphane lui fit l'effet d'une douche fraîche.
Drôle de garçon. Il était beaucoup moins naïf que volontairement désarmé. Fin, sceptique et si souvent dans la merde. Et curieusement, dans son boulot, malgré son air de descendre de la lune, c'était une pointure. Une pointure intermittente, mais une pointure.
Là, apparemment, il avait dégusté. Mais à en croire l'air inquiet de Stéphane et son propre reflet dans la glace, elle aussi.
« Ouf! T'as fait Alcatraz-Port Moresby à la nage sans bouée? »
Hésitant entre le sanglot sec et le rire, Marie faillit tout déballer. Elle se retint, peut être parce qu'elle s'en voulait de plus en plus de ce qu'elle appelait intérieurement sa complicité dans ce foutoir. Comment n'avait-elle pas perçu ce que Serge avait de faux, de truqué, de tape-à-l'oeil? Stéphane avait tout autant qu'elle besoin d'être écouté et il le méritait. Alors serre les dents, ma vieille, et rappelle-toi que toute la vie ne tourne pas autour de ce salopard.
« Tu ne crois pas si bien dire. Et toi? »
Il détourna le regard. Puis lentement, par à coup, il raconta. Et, à la surprise de Marie, ce qu'il raconta n'était guère différent de ce qu'elle aurait pu dire de son histoire avec Serge. Oh, pas de scénario aussi précis, pas de rôle astreignant, mais tout de même, l'emprise, les exigences erratiques-ou pas?, le sentiment d'être là pour tout autre chose que pour une histoire d'amour sincère. Sofia, tantôt passionnée, tantôt froide comme la glace. Et puis la porte, claquée net, les affaires sur le palier, les mots dévastateurs.
Marie, sans un mot, fouilla dans son sac, et poussa vers le garçon un trousseau de clé.
Après une brève hésitation, il le prit gravement.
« Je la croyais, tu sais, quand elle disait s'intéresser à mon métier. Je l'avait même emmené dans ma caverne d'Ali-Baba. Elle a voulu y retourner plusieurs fois. Elle avait une sorte d'attirance morbide pour les couteaux truqués, les accessoires de mises en scène de polars. D'ailleurs, je crois même qu'elle en a piqué des trucs »
« Hein?
-Hé, ça va, t'es toute blanche?
Merde, merde et merde. Couteau truqué. hémoglobine. Fourchette à gigot.
Stéphane en lâcha la cuillère avec laquelle il jouait.
-Hé, comment tu sais ça toi?
Marie se prit la tête à deux mains, tâchant d'arrêter la valse folle de ses idées.
Stéphane, discret, lunatique, mais accessoiriste de génie.

7 commentaires:

Kozlika a dit…

Aaaaaaaah, c'est grand, c'est beau, c'est liant ! Ya pas à dire, en Bretagne on sait faire les noeuds \o/

Anonyme a dit…

J'adore comme tout se lie petit à petit, je regrette de ne pas avoir eut le temps de participer...

Anonyme a dit…

Excellent ! Je viens de lire les 6 chapitres d'une traite et y'a pas à dire, y'a d'l'idée !

Et même un bon vieux chien "jaune", bonne augure gildacienne, et un salut tarquinien vers Alcatraz !

(je ne connais pas la fin, je lis dans l'ordre, en fait)

samantdi (pas anonyme mais j'ai la flemme de me loguer)

Anonyme a dit…

Les trois premiers commentateurs ont écrit ce que j'avais envie de dire, mais j'ai quand même envie d'ajouter mon grain de sable à l'édifice des louanges. Car je suis satisfaite de voir la limpidité du récit affleurer et aller s'affirmant...moi qui avait peur de pas tout comprendre

Anonyme a dit…

Et dire que j'ai attendu jusqu'à ce soir pour lire ce chapitre! Magnifique!

Anonyme a dit…

Très très bien le coup de la fourchette accessoire !

Anonyme a dit…

Moi aussi je lis dans l'ordre, et je trouve cela drôlement bien !