Le projet de faire des jeunes apprentis, des travailleurs de nuit, de dimanches et de jour fériés me lève le coeur.
Peu de jeunes gens arrivent en apprentissage sans avoir, dans leur histoire des lignes qui vont de la fracture à la béance.
Le premier qui me brosse un tableau idyllique du "jeune" épanoui avant pendant et après son orientation, annonçant à la famille, en extase recueillie, sa décision de quitter le système scolaire traditionnel, souriant sous les applaudissements, je le renvoie à "Diloy le chemineau".
Je me demande d'ailleurs si l' oeuvre de la bonne comtesse de Ségur n'est pas le livre de chevets de nos députés. Ah l'heureux temps où les pauvres connaissaient leur place, et ne brûlaient les carrioles qu'une fois par siècle...
Bref, pour qui connaît un peu le public, la décision laisse pantois. Aux difficultés scolaires, à la fréquente mésestime de leurs capacités, on prend le risque de rajouter un obstacle supplémentaire, celui de la désynchronisation.
Désynchronisation sociale, mais aussi biologique, touchant deux des domaines qui sont pourtant les serpents de mer de la prévention auprès d'adolescents : le sommeil et l'alimentation.
Toutes les études sur le travail de nuit le montrent: on bouffe n'importe quand, trop gras, trop sucré, pour compenser la fatigue. Les premiers temps du travail de nuit font grossir. Et hop pour la priorité nationale!
Quant au manque de sommeil chronique des adolescents, il a rempli de belles pages lui aussi. Bien la peines de les avoir fait baîller dès la maternelle dans de mirifiques séances d'éducation à la santé.
"Et en rentrant du boulot à 6h, des légumes verts, mon petit!"
Bon, on ne listera pas tous les effet potentiels du travail de nuit, on y passerait la journée.
Juste une image qui m'est revenue...
Je me souviens des vieux d'il y a 25 ans, ceux nés juste avant ou juste après la Première. Ceux là avaient connus le travail à 12 ans, qui, s'ajoutant à la Deuxième, leur avait fait des corps délabrés, le souffle court, les os déformés. Devant un septuagénaire, on se demandait jusqu'où pousser les soins. On les a vu rajeunir à vue d'oeil, les septantes. On pourrait suivre à la poignée de main, à la façon de monter sur une table d'examen, -j'irais jusqu'à dire à la mâchoire-de nos vieux d'aujourd'hui les progrès des acquis sociaux dont certains veulent faire des archaïsmes.
Je crains que nos législateurs n'aient oublié une chose : grandir est déjà un boulot à plein temps. Nuit et jour.
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