26.4.10

Ça se passe près de vous.

Depuis longtemps, j'ai du mal avec la notion de "trouble du comportement".
J'ai dans mes brouillons, une tentative de décrire la lente mise à feu d'un enfant pas tout à fait comme les autres, qu'une succession de maladresses, de vexations et de tentatives tout aussi meurtrières de vouloir son bien ont conduit à une asphyxie psychique désespérée.

C'est une asphyxie très réelle dont est mort Skander Vogt dans sa prison suisse.
Une prison dont j'apprends avec un mélange d'ébahissement et de rage qu'il ne devait y rester que 20 mois. Pour des délits significatifs, mais payés au tarif légal de sanctions.
En 99.
Il vient de mourir après 11 ans d'emprisonnement au motif que son état mental le rendait dangereux. Il existe en effet un article du code pénal suisse qui permet le maintien en détention de manière illimité si le détenu est jugé inapte à revenir à la vie civile.

Or en 2008 un article du Matin énumérait les signes clinique de son état mental perturbé : être monté sur le toit de sa prison pour protester contre ses conditions de détention. Avoir refusé l'obligation de soins, alors même qu'il ne semblait pas y avoir eu d'expertise psychiatrique pour affirmer sa possible altération de personnalité. Avoir mis le feu à son matelas.
On y apprend qu'il s'estimait discriminé par ses gardiens, en butte à leur racisme et à leur harcèlement.
Ceux-ci on attendu près d'une heure pour réagir après le nouvel incendie de sa paillasse. Le Monde
nous dit que les enregistrements des conversations entre les gardiens et les secours sont accablants.
Je cite :
"A d'autres moments, la conversation est ponctuée d'éclats de rire. "Ça fait 50 minutes qu'il respire la fumée. Il peut crever", constate un autre agent, auquel son collègue répond : "Ouais, ben ça lui fait du bien." ".

Le cynisme, la soumission à l'ordre établi, l'impossibilité de se représenter la souffrance de l'autre, l'invalidation incessante de toute doléance ne sont peut-être pas toujours des signes de trouble personnels.
Ils sont en tous cas l'indéniable marque des systèmes pervers.

10 ans d'enfermement, dont 8 au moins qui puent l'arbitraire.
Quel choix a-t-on laissé à celui qui a été un gamin de 20 ans, après avoir été orphelin de mère à 2 ans, abandonné en Tunisie par son bâlois de père, élevé par une tante qui l'expédiera à 13 ans, sans un mot d'explication, dans une Suisse où ne l'attend qu'une famille d'accueil de l'aide sociale?
Décidément, là aussi, un beau protocole expérimental de mise à feu.

8 commentaires:

Tili a dit…

Rien, c'est atroce :-(
T'étonnerais-je si je te dis que moi, neuropsy de mon état, j'ai horreur des étiquettes sur un enfant ? Et plus encore si elles sont amenées par un test réalisé par une entreprise qui cherche à vendre son médoc...

Krazy Kitty a dit…

Tili, j'irai jusqu'à dire que j'ai horreur des étiquettes sur qui que ce soit, adultes compris.

kyste a dit…

Le principe de précaution tue aussi.

Yves a dit…

Ton analyse est juste : il y a là deux drames. Celui de Vogt asphyxié dans sa cellule. Et celui de ses gardiens qui ont perdu toute humanité.

Valérie de Haute Savoie a dit…

L'enregistrement est épouvantable à écouter.

Et en tant que fille de pedo-psy, je suis aussi incapable de cataloguer de façon aussi nette un enfant qui n'est pas dans la norme acceptée par la société. Tous ces enfants que l'on gave de médoc pour qu'ils soient sages et facilement modelables entrant dans un moule qui le jour où il craque c'est l'enfant qui explose.

Axel a dit…

Cette façon de commenter ce drame inimaginable me met du baume au coeur. Non seulement j'avais l'impression que personne ne s'en indignait vraiment, mais les commentaires des lecteurs après l'article (je ne sais plus où et c'est tant mieux) faisaient tout aussi froid dans le dos.

Grand merci donc pour ce petit rappel de l'enchaînement des causes, d'une loi terrible qui il me semble est passée aussi en France, comme de ce qui aboutit à des réactions proprement inhumaines.

Moukmouk a dit…

la prison. Celle en trop gros pierre, l'autre faite de chimie, l'autre fait d'ostracisme ou de racisme, ou de conformisme ou de soumission ou de... de...

Prison pour empêcher la simple liberté de penser et de créer, ou d'être malade et de guérir (deux termes que je ne peux définir)

Tellinestory a dit…

@Moukmouk : ah ça, mon zami l'ours, quand tu as trouvé la définition, tu me la prêteras, hein!