16.12.06

Anniversaire de rupture.

Il y eu d'abord ce paquet bleu et carré, qu'on partageait.
Ce mouvement parfois, pour relever le menton. Mais aussi la démarche doucement flinguée, les pulls trop grands, le dos rond pour cacher des seins qui n'étaient pas à la mode, le sentiment d'imposture. Ce tabac brun faisait des volutes courtes et rondes, et une haleine de chacal. Il faisait tousser les étrangers, et comme tel, constituait un joli prétexte pour accrocher une conversation. Parce que les sans-filtres s'écrasaient dans ma poche négligente de sans-soin, j'ai souvent acheté des filtres que je décapitais d'un coup de dent.
Je me prenais pour Calamity Jane.
Leur règne a duré cinq ou six ans, à peine entrecoupé par le bref passage d'un chat noir sur fond rouge et blanc, unique leg d'un amoureux aux poses désabusées.
Vint cet aromatique et oblong paquet bleu et ces carnets de feuilles semés partout. Comment, moi qui ne sait pas tirer un trait droit, en suis-je venue à pouvoir faire ce geste sans même y penser? Une petite danse à six doigt, une rapide pression des deux pouces et je tenais entre l'index et le majeur, un mince cylindre, parfaitement net. Il n'est guère de photos qui ne nous montrent ensemble.
On pourrait longuement détailler les oripeaux du rituel, les beaux objets sectaires, les briquets ouvragés, les cendriers poétiques, ces lieux imprégnés de l'odeur lourde et de l'écho d'interminables discussions.

Il s'en fallut de plusieurs années, avant que je n'aperçoive, au détour d'une quête obtuse, le squelette de ce long compagnonnage. Sans doute un dimanche soir, ou bien l'un ces jours fériés qui font se rassembler, dans les rares îlots ouverts, une troupe au sourire confus. Ce fut une pensée fugace, et le spectacle que je donnais avec mes semblables, aussi imprévoyants et avides que moi, pouvait encore passer pour de la connivence d'amateurs éclairés, même si c'était en décembre et sous la pluie.
Un jour, pourtant, la troublante pièce initiatique se réduisit à une scène desséchée, et cette fois-ci, je me souviens du jour et de l'heure. J'ai tout oublié de cette dame, hors la douleur qui perçait dans sa voix. Je ne sais plus ce que j'aurais dû entendre, quels étaient les mots qu'elle imaginait accueillis par une oreille bienveillante et professionnelle à la fois.
Je me souviens juste qu'il était cinq heures, que mon pouce tapotait nerveusement ma bouche close et que je voulais écourter la consultation parce que j'avais une immense, une irrépressible et traversante envie de fumer.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Tiens, moi aussi ce sera bientôt mon anniversaire de rupture : 3 ans sans elle après 24 ans de vie commune.

J'avoue que parfois, elle me manque, ma fine menthol.

Anonyme a dit…

6 ans maintenant, et parfois, il me prend des rages difficiles à controler. Etrange ces besoins. On connait pas grand chose de la chimie du cerveau

Anonyme a dit…

Bon anniversaire donc !
Moi qui ai juste fumaillé, juste par mimétisme.
Mais je comprends.

Tellinestory a dit…

Bienvenue à toi, Fauvette!

Anonyme a dit…

Alors que justement Kozlika a ouvert une boîte de pandore en annonçant sa décision d'essayer à nouveau de pouvoir un jour célébrer ce genre d'anniversaire, je remonte dans le fil de tes anciens billets, pour découvrir avec beaucoup de plaisir celui-ci.

Oh ! comme tu as bien raconté !